04 novembre 2004

L'Enfant et la crèche

Au centre de l'icône, figure un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. C'est précisément le signe qui est donné par l'Ange aux bergers pour reconnaître le Sauveur: « Et ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » (Lc 2, 12) Cet enfant est Dieu lui-même incarné, comme l’indique le nimbe crucifère ainsi que les lettres indiquant « Jésus-Christ» : le Fils de Dieu devenu homme. Dans la croix du nimbe, on lit l'inscription formée par trois lettres grecques dont la traduction littérale est: « Je suis celui qui est.» Cette parole nous dit le nom de Dieu tel qu'il a été révélé à Moïse dans l'épisode du Buisson ardent (Exode 3, 14) Le nom signifie que Dieu est l'Alpha et l'Oméga, de qui tout provient et vers qui tout s'oriente, il est révélation de la Personne dans l'unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Cet Enfant est celui qu'on appelle « Emmanuel» signifiant« Dieu est avec nous» (Isaïe 7, 14) comme l'annonçait le prophète et qui est nommé Jésus dans l'Écriture, (Evangile selon saint Matthieu, au chapitre 1, 18-25).

L'Enfant est enveloppé de langes blancs qui évoquent la forme des bandelettes mortuaires, et il gît immobile dans la crèche. Selon l'Écriture, l'Enfant est déposé dans une « crèche »(Lc 2, 7), sorte d'auge ou de panier, prenant souvent la forme d'un sarcophage dans certaines icônes. Cette image se présente comme une préfiguration de la descente du Christ aux enfers et nous renvoie au Prologue de l'Évangile de Saint Jean : « Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie. »(Jn 1, 4-5) « La polarité absolue que contient cette parole oblige à comprendre « ténèbres» dans son sens ultime, infernal, désignant tout le tragique du Dessein de Dieu à travers l'histoire. Vu du temps, c'est la plus angoissante co­existence de la Lumière et des ténèbres, de Dieu et de Satan... Vu de l'éternité, « le Soleil qui s'est couché avec Lui dissipe pour toujours les ténèbres de la mort... » (Paul Evdokimov,l'arl de l'icône, DOS 1970, P 233) Le Fils de Dieu au creux de la grotte a pris notre condition humaine, il est descendu du ciel jusqu'au creux de la terre, et plus tard jusqu'aux enfers pour ressusciter et pour notre résurrection. L'Enfant enveloppé de langes et déposé dans une crèche est le signe de l'abaissement de Dieu « invisible dans sa divinité, il devient visible à cause de l'homme ».

Il y a un contraste saisissant entre l'infinie majesté de Dieu, invisible et indescriptible, et la descente de Dieu dans les limites humaines d'un corps d'enfant emmailloté. Ce contraste est magnifiquement exprimé par Saint Grégoire Palamas: « C'est pourquoi le Dieu qui trône sur les chérubins Se présente sur la terre, aujourd'hui, comme un nourrisson. [...] Lui qui délimite toute chose, et n'est délimité par rien, est circonscrit par une crèche rudimentaire, et petite. Lui qui contient et étreint tout dans Sa main, est entouré de menus langes et serré par des nœuds ordinaires... » (Homélies de Grégoire Palamas, Ymca-Press/O.E.J.L, pp 39-51)

L'image de l'Enfant dans la crèche est interprétée par certains comme l'image prophétique de l'Eucharistie, l'enfant étant la manne, le «pain du ciel» couché sur une crèche plate ressemblant à une table, ce qui rappelle l'offertoire avant qu'II ne devienne l'Agneau eucharistique élevé sur l'autel. La crèche contenant l'Enfant est comme un asile dans le désert de la montagne, à l'image de la manne qui nourrit le peuple hébreu dans le désert. Une homélie de saint Grégoire de Nazianze nous indique ce sens : «Homme devenu irraisonnable, prosterne-toi devant la crèche par laquelle tu grandis en te nourrissant de la Raison» ( Hom. 38, sur la Nativité, P.G. 36, 316 B)

Dans cette interprétation, qui n'est pas partagée par tous, la crèche est vue comme l'image d'un autel chrétien ; alors que par ailleurs on interprète le plus souvent la crèche comme l'image du « sépulcre» qui recevra plus tard le Christ enseveli.