La grotte
Toute la composition de l'icône converge vers le fond sombre de la grotte, dans lequel repose l'Enfant emmailloté de blanc, posé dans la crèche. La grotte n'est pas mentionnée dans les évangiles, mais elle intégrée dans composition canonique de l'icône par la Tradition.
L'antique tradition chrétienne s'appuie sur des témoignages anciens, remontant au IIème siècle; ainsi Léonide Ouspensky nous dit à ce sujet: « Les évangiles ne parlent pas de la grotte ; nous la connaissons par la Tradition. Les témoignages écrits les plus anciens à son sujet datent du IIème siècle: saint Justin le Philosophe dans son dialogue avec Tryphon (vers 155-160), en citant l'évangile selon saint Matthieu ajoute : « Comme Joseph ne trouva pas de place dans cette bourgade, il se réfugia dans une grotte, non loin de Bethléem. » (Le sens des icônes, Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky, Cerf, p. 144)
Selon le Père Georges Drobot, saint Justin voit dans ce fait l'accomplissement de la prophétie d'Isaïe: « Celui-là habitera dans les hauteurs, les roches escarpées seront son refuge, on lui donnera du pain, l'eau ne lui manquera pas. (Is 33, 16) (L’icône de la Nativité, Père Georges Drobot, Spiritualité orientale n° 15, p. 187). Dans la tradition byzantine et russe, c'est à partir de la fin du Vie siècle - et VIle siècle - que la grotte devient partie intégrante de la composition de l'icône de la Nativité.
Les représentations occidentales, (IVe et Ve siècle) représentent la crèche sous une sorte d'auvent, toiture légère posant sur deux colonnes. « Cela viendrait de ce que le mot latin « praesepe » pour « crèche» pouvait également signifier « étable », si l'on ne veut pas voir de nouveau une explication possible dans le texte du Pseudo-Matthieu. (Chapitre XIV) » (L’icône de la Nativité, Père Georges Drobot, Spiritualité orientale n° 15, p. 187 )
On trouve la description de cet auvent protégeant la mangeoire dans la Léqende Dorée et sur laquelle s'appuient la majeure partie des représentations occidentales de la Nativité. « Arrivés à Bethléem, parce qu'ils étaient pauvres, et parce que tous les autres venus pour le même motif occupaient les hôtelleries, ils ne trouvèrent aucun logement; ils se mirent donc sous un passage public, qui se trouvait, au dire de l'Histoire scholastique, entre deux maisons, ayant toiture, espèce de bazar sous lequel se réunissaient les citoyens soit pour converser, soit pour se voir, les jours de loisir, ou quand il faisait mauvais temps. Il se trouvait que Joseph y avait fait une crèche pour un bœuf et un âne, ou bien, d'après quelques auteurs, quand les gens de la campagne venaient au marché, c'était là qu'ils attachaient leurs bestiaux, et pour cette raison, on y avait établi une crèche. »( La Légende Dorée, Jacques de Voragine l, Garnier-Flammarion, 1967, pp 66-67)
LEGENDE DOREE: nom sous lequel on désigne le vaste recueil de Vies des saints composé au XVe siècle par le dominicain Jacques de Voragine.
La signification théologique, spirituelle de la grotte, telle que nous la voyons sur les icônes, est riche de sens. Le fond de la grotte est toujours peint en couleur sombre ou noire. Cette couleur évoque l'ombre du péché et de la mort qui régnait sur l'humanité. Ainsi la grotte est comme une préfiguration des entrailles de l'enfer, d'où jaillira le Christ ressuscité. Il y a un fort contraste visuel entre l'Enfant, emmailloté de blanc et le fond sombre duquel il se détache, toute la profondeur du Prologue de l'Évangile de Jean est là, centrée sur l'opposition entre la lumière et les ténèbres.La grotte est aussi le signe de la kénose de Dieu. En effet, Je Christ, assumant la condition de l'homme, S'E abaissé jusqu'à nous, jusqu'à devenir ce petit enfant fragile et dépendant, reposant dans la crèche. Plus tard descendra encore plus bas que la grotte, directement au plus profond des entrailles de la terre, pour y tirer Adam Ève de l'enfer et ressusciter.
KENOSE (grec) : «se vider, s'anéantir », a trouvé son sens chrétien dans l'Epître de saint Paul aux Philippiens (2, 11) : «Mais Il S'anéantit Lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, Il S'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix. » Ainsi Christ, en assumant la condition d'homme, S'est dépouillé volontairement de Ses prérogatives. Il S'est abaissé, S'est appauvri, mais - et c'est le grand mystère de la foi chrétienne - cela, Il l'a fait tout en restant Dieu. (Vocabulaire théologique orthodoxe, Catéchèse orthodoxe, Cerf, 1985)
Par ailleurs, le Christ, placé au creux de la grotte, peut sembler comme issu de la terre et nous rappeler par cette image le premier Adam qui fut créé à partir de la glaise. Ici le Christ enveloppé de langes blancs nous indique qu’il est, Lui, le second et nouvel Adam, le Christ ressuscité, qui prend notre condition humaine pour la sauver de la mort. Enfin, la grotte figure toujours au flanc d'une montagne escarpée, laquelle forme l'arrière-plan de toute l'icône.Cette montagne est à contempler d'une manière mystique, elle nous montre une préfiguration de la Mère de Dieu, qui est appelée « montagne ombragée ». Ainsi nous entendons dans la quatrième Ode du Canon des matines de Noël : « Un rameau est sorti de la racine de Jessé et sa fleur c'est Toi, ô Christ, qui T'épanouis de la Vierge. Toi qui viens de la montagne ombragée T'incarner d'une vierge, nous Te louons, Dieu immatériel : Gloire à ta puissance. Seigneur. » (voir également commentaire La Mère de Dieu) Ce texte liturgique est à mettre en référence avec le texte biblique tiré de Daniel : « De même, tu as vu une pierre se détacher de la montagne, sans que la main l’eût touchée, et réduire en poussière fer, bronze, terre cuite, argent et or. »(Dn 2, 45).
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