30 mai 2007

L'icône de la pentecôte

Conférence de Maria Lavie


Aujourd’hui, nous fêtons le don de l’Esprit Saint aux Apôtres, c’est-à-dire la naissance de l’Eglise, et le début de sa mission dans le monde.


Le jour de son Ascension vers le Père, le Christ dit à ses disciples de « ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre ce que le Père avait promis »[1]. Il leur demanda de demeurer ensemble pour recevoir le don de l’Esprit :

« …Vous allez recevoir une puissance » dit-il « celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre »[2]
C’est ainsi que les disciples se trouvaient réunis au Cénacle, quand eut lieu l’événement :

« Quand les jours de la Pentecôte furent accomplis » nous disent les Actes des Apôtres, « les disciples étaient tous ensemble en un même lieu, et soudain un bruit s’entendit venant du ciel : et il emplit toute la maison ; et ils virent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues comme l’esprit leur donnait de s’exprimer » (Act. II, 1, 2)


Pentecôte[3], du grec pevtecosti, désigne une période de 50 jours, ici les 50 jours qui suivent la Résurrection. La fête de la Pentecôte est le jour de clôture de cette cinquantaine pascale.

Mais avant d'être une fête chrétienne, la Pentecôte est une fête juive, Shavouot en hébreu, célébrée fidèlement chaque année.
La fête de Pâque commémore chez les Juifs la délivrance de la servitude en Egypte et la traversée de la mer Rouge. Cinquante jours plus tard, sur le mont Sinaï : Moise reçoit de Dieu les tables de la Loi. C’est en ce jour anniversaire que les apôtres reçoivent l’Esprit Saint.

Que va représenter l’icône de la Pentecôte ?

L’icône[4] est l’expression picturale de l’expérience ontologique de l’Eglise qui nous est parvenue sous la forme de la Tradition – tradition vivant dans la sainte écriture et dans les textes liturgiques.
L’icône exprime en des termes graphiques le contenu théologique (ontologique) des écritures saintes, et n’en est pas la simple illustration. Par des moyens appartenant au monde sensible, elle ouvre à une réalité spirituelle, c’est pourquoi elle est toujours un peu en décalage avec le monde naturel, car elle exprime une réalité ontologique : elle échappe aux lois de l’espace et du temps.

Par exemple pour ce qui est de l’espace, elle ne cherche pas à rendre le volume ou la perspective, elle tend à dépasser l’apparence du monde réel, et à se situer dans un univers qui n’est pas soumis aux lois du monde matériel. Pour ce qui est du temps, elle peut présenter simultanément plusieurs événements qui ont eu lieu à des moments différents . Elle s’offre toujours au présent à celui qui la contemple, et le fait participer à l’événement représenté.

Voici, l’icône de la Pentecôte du monastère de Stavronikita, au Mont Athos, en Grèce. Cette icône , qui date du XVII e s. , nous concerne particulièrement aujourd’hui, et peut être lue avec la même actualité qu’à l’époque où elle a été peinte:







Nous voyons une assemblée d’hommes, assis en demi-cercle sur un banc à haut dossier. C’est une scène d’intérieur comme le signifient les maisons en arrière plan et le rideau rouge.
Les protagonistes de cette scène sont au nombre de douze, ils tiennent à la main, qui un rouleau de parchemin, qui un livre. Leur attitude est calme, leur posture hiératique, l’atmosphère semble cordiale.









On remarque aussi un espace laissé entre deux personnages attirant le regard sur la place centrale laissée vide.
Au-dessus de la maison, le ciel, d’où sortent des rayons qui se terminent par des flammes - des « langues » de feu - qui descendent et se posent sur chaque personnage.
Au bas de l’image, une cavité sombre, d’où se détache un personnage couronné, à barbe blanche, il porte à bout de bras un linge où sont déposés douze rouleaux.
La composition est symétrique, 6 hommes, 6 langues de feu de chaque côté.
La scène est lumineuse : le ciel est représenté par un fond d’or, il y a le soleil, des rais de lumière sur les bancs, des rehauts de lumière sur les vêtements.



Les douze[5] personnages, vous l’avez compris, sont les Apôtres, du grec apostoloi, ceux qui sont envoyés en mission.

En haut Pierre et Paul, puis les quatre évangélistes tenant le Livre Saint , Matthieu et Luc (à gauche de l’image), Jean et Marc (à droite), puis Simon, Barthélémy et Philippe (ou Jude) (à gauche), André, Jacques et Thomas (à droite)

Pourquoi Saint Paul est-il représenté sur cette icône, alors qu’il n’était pas présent historiquement ce jour-là, et qu’il n’était même pas encore converti ?

C’est que l’icône ne représente pas seulement les événements décrits par les textes, elle dévoile aussi leur signification. Le sens de cette présence paraît clair : pourrait-on imaginer l’Eglise sans Saint Paul ?

SCENE D’ENSEIGNEMENT

Pourquoi cette place vide au milieu des apôtres ?

Cette place est celle du Christ. La place laissée vide au centre, signifie que le Christ est présent, même s’il n’est pas visible.[6]
La place du Christ est au centre, il est le chef de l’Assemblée, il est la tête de l’Eglise et c’est son Enseignement qu’avec le don de l’Esprit, l’Eglise a mission de répandre.

L’Esprit Saint leur enseignera même ce qu’ils ne pouvaient porter lorsque le Christ était là :

« Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit . » (Jn 14, 26)

Le Christ dit encore : « J’ai encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant ; lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière » (Jn 16, 12-13).

L’Esprit Saint qui est donné, pour toujours, va permettre aux apôtres d’accomplir la mission qui leur a été confiée, confiée à eux qui n’étaient ni érudits ni philosophes, mais des hommes simples, des pécheurs …


L’icône évoque une scène d’enseignement[7] philosophique de l’Antiquité

Regardons l’icône :

- Les apôtres sont assis sur un banc à haut dossier en demi-cercle, comme ceux que l’on utilisait dans l’Antiquité dans les écoles de philosophie, on pense tout de suite à Platon, à Pythagore… instruisant leurs disciples.
Cette référence à l’Antiquité s’adresse aux Grecs, aux détenteurs de la pensée philosophique, et dit que l’enseignement du Christ va bien au-delà de la seule philosophie, car « cette parole que vous entendez, elle n’est pas de moi mais du Père qui m’a envoyé. »[8] (Jn 14, 24 )


PHOTO
L’image du Christ enseignant est très tôt représentée dans l’iconographie paléo-chrétienne. On trouve par exemple à Rome dans les Catacombes de Domitille, qui datent du Ive s, une des premières scènes du Christ enseignant, il est vêtu à l’antique, tel le philosophe au milieu de ses disciples. L’art paléo-chrétien s’est beaucoup inspiré de l’art antique, des fresques, des miniatures, des bas-reliefs.





Regardons une autre image, d’un ivoire sculpté du vie s (Rome ou Italie du nord) cette fois







Nous voyons ici les 12 apôtres assis autour du Christ : la place du Christ est au centre, presque comme une colonne centrale, les apôtres sont autour de Lui , ils sont assis sur une banquette en demi-cercle, et sont vus dans une perspective rehaussée, que l’on pourrait appeler « inversée » . (cad que la taille des personnages diminuent non pas en s’éloignant mais en se rapprochant de celui qui regarde)

Imaginons la place du Christ vide, et nous trouvons la disposition classique du collège apostolique de la Pentecôte, collège apostolique qui est le fondement de l’Eglise, les douze[9] colonnes sur lesquelles repose l’édifice. La place vide évoque avec force la présence du Christ.



LA REPRESENTATION DE L’EGLISE PHOTO 4 Stavronikita

L’icône de la Pentecôte est la représentation de l’Eglise[10], elle est le symbole de l’Eglise.

- SYMBOLE : du grec Symbolon , est le contraire de diabolon= ce qui divise, Symbolon est ce qui rassemble. A l’origine, le symbolon était un objet que l’on avait coupé en deux et qui ne prenait son sens que lorsque les deux parties étaient réunifiées. C’était un signe de reconnaissance.
Le symbole rassemble deux parties, d’un côté une réalité matérielle, de l’autre une réalité spirituelle, qu’il rend présente. Le symbole n’est pas une simple image allégorique, il existe un lien organique entre les deux parties qu’il assemble.[1]
L’icône aussi fonctionne de cette façon, elle unit une partie matérielle et une partie spirituelle, elle nous révèle un autre monde d’une plénitude incomparable à la vie du monde déchu.



Se réunir en église a trait à la nature et au but de la réunion, pas au lieu : le mot église, du grec ekklésia veut dire assemblée (ekklésiazo veut dire appeler, convoquer une assemblée, assister à l’assemblée) . Notre icône nous montre la première assemblée, l’assemblée fondatrice, celle des apôtres . « Se réunir en église », c’est donc constituer une telle assemblée, dont le but est de réaliser l’Eglise. Cette première assemblée manifeste l’existence de l’Eglise.

« Il faut bien savoir » écrit un théologien orthodoxe, le père Schmemann « que nous nous rendons au temple non pas pour y prier individuellement, mais pour nous réunir en Eglise. Le temple visible n’est que la figure de l’invisible qu’il revêt et qui n’est pas fait de main d’homme.…Quand je dis que je me rends à l’église, cela signifie que je vais à l’assemblée des fidèles pour, avec eux, constituer l’Eglise, pour être celui que je suis devenu le jour de mon baptême : un membre du Corps du Christ, au sens plein du terme… Je me rends à l’église pour manifester ma qualité de membre, pour attester devant Dieu et le monde le mystère du Royaume, « déjà venu en puissance » »[11] Tel est le mystère de l’Eglise, celui du Corps du Christ que nous formons au présent car le Christ est avec nous, même s’il est invisible comme sur cette icône.


Manifester et confesser la présence du Christ et de son Royaume dans le monde, fut la mission première des Apôtres, c’est pour cela qu’on les voit porter qui un livre, qui un rouleau.


Codex et rouleaux

Ceux qui tiennent l’Evangile sont Paul, Jean, Luc, Matthieu, Marc. Les autres tiennent un rouleau (eiliton en grec) symbolisant la Parole de Dieu qu’ils vont transmettre grâce à l’Esprit Saint qui a ouvert leur intelligence[12].

Harmonie et calme

Les Actes des Apôtres nous disent que la descente de l’Esprit se fit dans un grand bruit et une confusion générale. Cependant, sur l’icône nous voyons exactement le contraire : un ordre harmonieux, une composition rigoureuse. L’attitude hiératique des Apôtres exprime calme et solennité.
L’icône nous montre l’événement de l’intérieur, comme l’ont vécu les apôtres.
L’icône nous révèle le sens intérieur des événements, elle dévoile leur portée eschatologique.

L’Eglise est bâtie avec ordre et harmonie autour de la figure du Christ, nous dit l’icône. Ainsi toute Assemblée eucharistique reproduit au présent cette forme initiale. L’Eglise n’est pas bâtie sur l’individualisme, mais sur la communion entre ses membres, ils étaient réunis en prière dans l’attente de l’Esprit Saint promis par le Christ.
C’est le sens ecclésiologique[13] de l’Assemblée - et par extension eucharistique -qu’affirme l’icône de la Pentecôte.


Les langues de feu : baptême de l’Eglise par le feu

L’icône de la Pentecôte est la représentation de l’Assemblée des Apôtres, cad de l’Eglise, au moment où elle reçoit le baptême de l’Esprit.

« Vous m’avez entendu vous dire que Jean a baptisé avec de l’eau[14], mais vous c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés » (Ac I, 5) dit le Christ aux apôtres. « Et ils virent comme des langues de feu qui se partagèrent »[15].

L’icône nous montre le baptême des apôtres, donc de l’Eglise, par le feu de l’Esprit Saint. C’est à la fois la naissance et le baptême de l’Eglise.[16] Les Apôtres sont unis dans l’Esprit Saint, mais chacun reçoit personnellement le feu de l’Esprit : les langues se partagèrent. De cette alliance de l’unité et de l’altérité[17] des apôtres découle toute l’histoire de l’Eglise avec ses conciles.

Voici maintenant d’autres icônes de la Pentecôte

PHOTOS

: Crète (Damaskinos) XV


: Russie, Novgorod, XV



: Grèce, Athènes, XX

: Mont Athos, Dionysios, XVI



Nous remarquons une constante dans l’iconographie, à travers les lieux et les époques. Il y a quelques différences stylistiques, mais la représentation de la naissance de l’Eglise est la même.

MISSION DES APÖTRES

L’effet[18] le plus surprenant de la descente de l’Esprit sur les apôtres fut qu’ils se mirent à parler aux hommes de « toutes les nations qui sont sous le ciel », réunis à Jérusalem, « et que chacun les entendait parler en sa langue » .

La Pentecôte restaure ce qui avait été brisé à la Tour de Babel[19].
A la tour de Babel, l’incompréhension s’était installée entre les hommes, signant la division entre les nations; dans l’Esprit Saint la communication entre les hommes est rétablie, de plus l’union redevient possible dans le respect de l’altérité (hommes de toutes les nations).

Le Peuple de Dieu est élargi au point de ne plus connaître aucune frontière de race, de culture, d'espace ou de temps. Le salut est offert aussi à ceux qui ne sont pas Juifs.


L’icône montre cela de plusieurs façons : PHOTO STAVRONIKITA

D’abord par sa composition qui n’est pas close[20] : on voit que les rangs des apôtres restent ouverts[21].




Le vieux roi [22]- cosmos

Ensuite, en bas de l’icône, on voit un personnage impérial[23] qui représente le monde temporel. [24]
Dans un geste d’action de grâce[25], il tient dans un linge[26] les douze rouleaux de la prédication apostolique. [27]


On peut aussi voir ce linge comme une embarcation. Le navire a souvent été utilisé pour figurer l’Eglise. Je cite saint Clément III e s. :

« Le corps entier de l’Eglise ressemble à un grand navire transportant par une violente tempête des hommes de provenance très diverses qui ne veulent habiter que la cité du royaume. Regardez donc Dieu comme le maître de ce navire, le Christ comme le pilote, l’évêque comme la vigie, les prêtres comme les maîtres d’équipage,… le commun des frères comme les passagers, le monde comme l’abîme de la mort… »[28]

Les apôtres de simples pécheurs qu’ils étaient sont appelés à prendre la mer et à bord du navire qu’est l’Eglise, à devenir pêcheurs d’hommes[29] :
Il faut que tous les peuples apprennent la Bonne Nouvelle : que le don de l’Esprit est pour tous.[30]


L’icône fait entrer le Royaume dans l’histoire.
La descente de l’ Esprit saint est le premier[31] jour d’une ère nouvelle.[32] [33]
L’Esprit Saint se communique aux membres du corps du Christ et les déifie par la grâce.
C’est cela même le sujet de l’icône : la déification de l’homme, et l’icône nous en montre le chemin.







The End





[1] Act 1, 4-5.
[2] Act 1, 8.
[3] en grec « pevtecosti » désigne une période de cinquante jours - comme on dit tessaracosti, pour les quarante jours du grand Carême.
Il est important de voir l’unité de cette période de cinquante jours, de comprendre la continuité entre la Résurrection (1er jour), l’Ascension (le 40e jour), et le don de l’Esprit Saint aux Apôtres, le 50e jour. Dans l’Eglise primitive, cette période de cinquante jours après Pâques était célébrée comme un ensemble, comme une période festive de sept semaines, comme l’unique jour de la « magna dominica » [3]. Cette unité de la cinquantaine pascale est préservée, dans une large mesure, dans la pratique liturgique actuelle de l’Eglise orthodoxe comme en témoigne l’utilisation du Pevtecostaire, livre qui contient tous les textes liturgiques de cette période « en commençant par le matin du saint et grand dimanche de Pâques et jusqu’au dimanche de la Pentecôte (c’est de ce livre que nous citerons l’hymnographie)


[4] « l’honneur rendue à l’icône remonte au prototype » (Saint Basile, traité du saint Esprit) , ’il y a, comme nous l’avons vu, un dépassement du visible vers l’invisible. Saint Jean Damascène, dans sa défense des saintes icônes explique : « je ne me prosterne pas devant la matière mais devant le créateur de la matière qui a établi sa demeure dans la matière et a accompli mon salut par la matière » et il cite Jean : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (jn1, 14) in Damascène, le visage de l’invisible, II, 14)

C’est cela même le sujet de l’icône, la déification de l’homme, sa participation dans la grâce et par la grâce au Royaume, ici et maintenant, déjà. Les visages représentés dans les icônes échappent au naturalisme, et présentent l’homme transformé par l’action de l’Esprit saint, l’homme dans la lumière de la Sainte Trinité. C’est le chemin qui est proposé à chaque Chrétien, la voie de la Transfiguration, et les icônes nous en montre le chemin, car depuis que le divin s’est mélangé à notre nature, notre nature a été véritablement glorifiée (JD, II, 10)

[5] Il faut remarquer que ce don a été communiqué non seulement aux douze mais à tous les disciples. Saint Luc n'aurait pas dit « tous », s'il n’avait voulu désigner que les apôtres. L’iconographie n’a retenu que les douze pour des raisons métonymiques (une partie représente le tout).

[6] « Lorsque deux ou trois se réunissent en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt XVIII, 20)

[7] Il est intéressant de noter que l’icône de la mi-pentecôte est justement la scène du Christ enseignant au Temple. (cf photo)
[8]
Nous savons aussi que le Christ dans l’Ancien Testament est annoncé sous le nom de Sagesse, le Christ est Sophia. Dieu, en offrant aux hommes son Fils, leur a communiqué la Sagesse, et cette Sagesse, Il l’a communiquée aux Apôtres et leur a demandé de la proclamer au monde entier :
« Allez par le monde entier proclamer l’Evangile à toutes les créatures » nous rapporte Marc (Mc 16, 15)


[9] (cf les 12 tribus d’Israël)

[10] [10], elle est le symbole de l’Eglise.

- SYMBOLE : du grec Symbolon , est le contraire de diabolon= ce qui divise, Symbolon est ce qui rassemble. A l’origine, le symbolon était un objet que l’on avait coupé en deux et qui ne prenait son sens que lorsque les deux parties étaient réunifiées. C’était un signe de reconnaissance.
Le symbole rassemble deux parties, d’un côté une réalité matérielle, de l’autre une réalité spirituelle, qu’il rend présente. Le symbole n’est pas une simple image allégorique, il existe un lien organique entre les deux parties qu’il assemble.[10]
L’icône aussi fonctionne de cette façon, elle unit une partie matérielle et une partie spirituelle, elle nous révèle un autre monde d’une plénitude incomparable à la vie du monde déchu,
[11] (SCH ; Eucharistie, 14)

[12] On voit ici à la fois le parallèle et le dépassement de ce parallèle entre Pentecôte néotestamentaire et Pentecôte vétérotestamentaire : les tables de la Loi sont données à Moïse 50 jours après la traversée de la Mer Rouge. L’Esprit Saint, qui enseignera toutes choses aux apôtres, et leur fera ressouvenir de tout ce que le Christ leur a dit, l’Esprit Saint est envoyé à l’Eglise naissante le jour de Shavouot. L’enseignement du Christ, qui provient du Père, éclairé par l’Esprit est la réalisation de la Promesse, l’accomplissement de la Loi.


[13] L’icône de la Pentecôte nous donne à voir le moment fondateur de l’Unité des membres de cette assemblée. Ils sont unis dans le don qu’ils reçoivent de façon égale mais personnelle : UNITE et ALTERITE.

[14] La colombe est parfois utilisée dans l’iconographie de la Pentecôte, mais elle n’a aucune raison d’être dans cette représentation de la Pentecôte. Ni les Ecritures ni l’hymnographie n’en font mention pour la Pentecôte, cette image appartient à l’icône du Baptême du Christ, autre manifestation trinitaire.

[15]
Ces langues de feu qui tombent sur les apôtres sont l’essentiel de l’icône de la Pentecôte la plus ancienne dont on ait trace, conservée au monastère de sainte Catherine, au mont Sinaï. Nous voyons chacun des apôtres recevoir une langue de feu, le don de l’Esprit est partagé, la prédication apostolique, c’est aussi le partage de ce don : Unité et altérité


[16]L’ action de l’Esprit est toujours présent dans l’Eglise : l’épiclèse

[17] Unité et altérité : il faut d’abord distinguer avant de pouvoir unir.
Dans l’Eglise primitive on parlait de l’Eglise catholique de tel endroit, on considérait l’Eglise présente dans sa plénitude dans chaque assemblée eucharistique locale : de même que le Christ est présent tout entier dans le mystère eucharistique, de même l’Eglise – son corps – est présente entièrement dans chaque église locale.
[18]
« Saint Luc dit « qu'il y avait à Jérusalem des habitants, Juifs religieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel, et ce bruit s'étant répandu, il s'en assembla un grand nombre, et ils furent fort étonnés » car « chacun les entendait parler en sa langue. » (Act. II, 5- .) …
[19] Le don des langues est dans l’hymnographie de la fête mis en rapport avec la Tour de Babel, en opposition avec elle.
(Lors des vêpres de la fête, nous chantons) :
« Les langues jadis confondues à cause de l’audace de la construction de la tour sont maintenant remplies de sagesse par la glorieuse connaissance de Dieu ; jadis le Seigneur condamna les impies pour leur péché, maintenant le Christ illumine les pécheurs par l’Esprit »

[20] L’ouverture de l’icône elle-même (et de toute icône) qui n’enferme pas les scènes dans un édifice particulier, on voit les bâtiments en arrière plan, signifie que le sens des événements que représente l’icône ne se limite pas à leur lieu historique, mais dépasse le moment où ils eurent lieu. Aujourd’hui, comme hier, comme demain, le message de l’icône est le même .(àdpl avec icones ?)

[21] « L’Eglise ne se limite pas au cercle des apôtres, ni à l’apostolat en général, ni à la hiérarchie » (L. Ouspensky).
[22] « Le personnage impérial est postérieur à la représentation des nations, cette allégorie s’impose au cours du début XIV e s. Elle affirme la dimension cosmique de la Pentecôte.
Il s’agit d’un monde vieilli, meurtri, fatigué (Byzance) mais qui tient fermement les douze rouleaux de la prédication apostolique en les offrant aux nations tourmentées en vue de leur salut » écrit N Ozoline (OZ 4, 247)

[23] Dans certaines icônes c’est le prophète Joël qui est peint, à cause de sa prophétie qui est lue aux vêpres : « Dans ces derniers temps, dit le Seigneur Dieu, je répandrai mon Esprit sur toute chair; et vos fils et vos filles prophétiseront; vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes ». (Joël, 11, 28.) (lu à vêpres)


[24] (Byzance, la nouvelle Rome, avait été choisie comme capitale par l’Empereur romain Constantin, qui l’a rebaptisa Constantinople (330). Constantin fut le premier empereur à se convertir au christianisme, l’empire romain, devenu chrétien, fut ensuite (pour des raisons d’administration,) scindé en deux, Constantinople devint la capitale de l’Empire romain d’Orient)


[25] La fête juive de Shavouot s’appelait aussi fête des prémices - on y offrait au Temple les prémices de la récolte, les premières gerbes d’orge – c’était une fête d’action de grâce pour tous les bienfaits de Dieu. Ici le personnage impérial rend grâce à Dieu des bienfaits qu’Il vient de lui donner, Son Verbe et l’Esprit Saint.

[26] Ce genre de linge est bien connu. Il est un des attributs fréquents des allégories des saisons et de la terre dans l’art de la basse antiquité, en général il contient des fruits et évoque l’abondance des fruits de la terre.
[27] On peut voir dans ce geste d’offrande une allusion à la fête de Shavouot, dite aussi fête des prémices, on y offrait au Temple les prémices de la récolte, les premières gerbes d’orge. Philon d’Alexandrie, philosophe contemporain de Jésus en parle : « Cest une fête joyeuse, d’action de grâce pour tous les bienfaits de Dieu, en particulier pour l’heureux événement des récoltes dans cette Terre Sainte qu’Il a donnée à Son Peuple ». Le roi- cosmos semble rendre grâce à Dieu des bienfaits qu’Il vient de lui donner, Son Verbe.
[28] cité in (les premières images chrétiennes, 154)


[29] L’hymnographie exprime cette idée en l’enrichissant de l’image de la pêche d’hommes voir vêpres


[31] Le cinquantième jour : 7x7 + 1. (cf la fête juive des semaines). Cette période de cinquante jours est une semaine de semaines (7x7) le huitième jour (la Pentecôte) est comme le dimanche le huitième et le premier jour.
[32] La Pentecôte est le couronnement de la vie du Christ[32]
[33]
D’après le discours eschatologique de Matthieu, le dernier grand signe de la Parousie et de la fin des temps sera que « l’Evangile du Royaume sera proclamé en toute la terre habitée, en témoignage à toutes les nations. Et alors viendra la fin »[33] (MT. XXIV, 14)

« La foi chrétienne est essentiellement eschatologique parce que les événements qui en sont la source (…) la vie, la mort, la résurrection et la glorification de Jésus Christ, la descente de l’Esprit Saint et l’institution de l’Eglise, sont vus et vécus non seulement comme fin et accomplissement de l’histoire du salut, mais aussi comme inauguration du don d’une vie nouvelle, dont le contenu est le Royaume de Dieu : connaissance de Dieu, communion avec Lui, possibilité, bien qu’encore en « ce monde », d’avoir un avant-goût et d’avoir réellement part à la joie, la paix et la justice du « monde à venir ». (Schmemann, World, Church, Mission, p. 75)