06 août 2006

La Transfiguration








Icône de Maria Lavie voir Synaxaire


























Evangile selon Saint Luc


Environ huit jours après qu'il eut dit ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier.Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et son vêtement devint d'une éclatante blancheur. Et voici, deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Élie, qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient appesantis par le sommeil; mais, s'étant tenus éveillés, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui. Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit: Maître, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Il ne savait ce qu'il disait. Comme il parlait ainsi, une nuée vint les couvrir; et les disciples furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée. Et de la nuée sortit une voix, qui dit: Celui-ci est mon Fils élu: écoutez-le! Quand la voix se fit entendre, Jésus se trouva seul. Les disciples gardèrent le silence, et ils ne racontèrent à personne, en ce temps-là, rien de ce qu'ils avaient vu.






Evangile selon Saint Matthieu




Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici, Moïse et Élie leur apparurent, s'entretenant avec lui. Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix fit entendre de la nuée ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection: écoutez-le!Lorsqu'ils entendirent cette voix, les disciples tombèrent sur leur face, et furent saisis d'une grande frayeur. Mais Jésus, s'approchant, les toucha, et dit: Levez-vous, n'ayez pas peur! Ils levèrent les yeux, et ne virent que Jésus seul. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: Ne parlez à personne de cette vision, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts.








Méditation du Père LEV




Texte tiré du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient") aux éditions du Cerf





Les textes de l'Ancien Testament que nous entendons au cours des vêpres de la fête, le soir du 5 août, nous préparent à comprendre le mystère de la Transfiguration. Nous entendons tout d'abord (Exode 24:12-18) le récit du séjour de Moïse sur le SinaÏ, lorsqu'il y passa quarante jours et quarante nuits. Les raisons du choix de ce texte sont très compréhensibles. Moïse est un des personnages de l' Ancienne Alliance qui sont présents auprès de Jésus transfiguré, d'après le récit évangélique. Puis il y a le thème de la montagne : «Monte vers moi sur la montagne et demeures-y». C'est aussi sur une montagne que Jésus sera transfiguré. Il y a le parallélisme - et le contraste - entre les deux modes de révélation reçue sur la montagne : dans le premier cas, Dieu donne à Moïse une loi écrite sur des tables de pierre; dans le deuxième cas, Dieu manifeste la personne vivante de son Fils unique. Enfin, la lumière ou la nuée de la présence divine, cette "gloire" qui pour les Hébreux avait une signification physique - «...La nuée couvrit la montagne, et la gloire du Seigneur s'établit sur le mont Sinaï... Cette gloire du Seigneur revêtait... l'aspect d'une flamme dévorante couronnant la montagne..." - annonce déjà la lumière de la Transfiguration. Nous lisons ensuite (Exode 33:11-23, 34:4-6,8) un épisode dont chaque parole peut merveilleusement s'appliquer à notre propre vie spirituelle. Dieu dit à Moïse :"J'irai moi-même, et je te donnerai le repos". Moïse demande à Dieu : «Fais-moi, de grâce, voir ta gloire». Dieu répond : «Je ferai passer devant toi toute ma splendeur... mais tu ne peux pas voir ma face». Moïse vient au rendezvous fixé par Dieu; il se tient debout sur le Sinaï, ayant dans ses mains les tables de la loi. «Le Seigneur descendit en forme de nuée... Le Seigneur passa devant lui et cria : Seigneur, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité...». Dieu nous parle intérieurement comme il parlait à Moise, «face à face, comme un homme converse avec un ami». Comme devant Moise, il fait passer sa bonté plutôt que sa gloire. Mais, plus heureux que Moise, nous savons que la face de Dieu peut être contemplée par nous dans la personne du Fils. Enfin nous lisons (dans les textes traduits des Septante, (3 Rois 19 : 3-9,11-13,15-16) deux épisodes de la vie du prophète Elie. C'est d'abord sa retraite de quarante jours sur le mont Horeb, où un ange lui apporte du pain et de l'eau; puis c'est la révélation de la présence divine, non dans le feu, le vent et le tremblement de terre, mais dans «le bruit d'une brise légère» . Ces trois lectures de l' Ancien Testament associent les personnes de Moïse et d'Elie, parce que tous deux seront témoins de la Transfiguration de Notre-Seigneur.


Aux matines, nous entendons le récit de la Transfiguration dans l'évangile selon Saint Luc (9:28-36). A la liturgie, nous entendons ce même récit dans l' évangile selon Saint Matthieu (17:1-9). L'épître lue à la liturgie est la deuxième écrite par Pierre (2:10-19) : celui-ci était, avec Jacques et Jean, un des trois témoins oculaires de la Transfirguration. Aussi trouverons-nous particulièrement émouvant le rappel qu'il fait de ce mystère : «... nous fûmes témoins oculaires de sa majesté... Lorsque la gloire pleine de majesté lui transmit cette parole : Celui-ci est mon Fils bien-aimé... Cette voix, nous, nous l'avons entendue; elle venait du ciel, nous étions avec lui sur la montagne sainte...». Pierre compare ces paroles à celles des prophètes, qui sont encore «plus fermes» (soit parce que les lecteurs de Pierre n'ont pas eu la même expérience que lui; soit que lui-même, par humilité, mette l'Ecriture au-dessus de sa propre expérience; soit qu'il veuille souligner l' autorité divine de l'ensemble des prophéties). La parole prophétique, semblable à la lumière de la Transfiguration, «brille dans un lieu obscur», dit Pierre, «jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos coeurs».
Essayons maintenant de considérer quelques aspects du récit évangélique de la Transfiguration.
Jésus prend avec lui ses trois plus intimes disciples. Dieu se manifeste parfois aux pécheurs d'une manière extraordinaire. Mais, en général, le privilège de contempler Dieu et d'entrer dans la joie de la Transfiguration est réservé à ceux qui ont suivi longtemps et fidèlement le Maître.
Jésus conduit ses disciples sur une haute montagne . Avant d'atteindre à la lumière de la Transfiguration, les ascensions pénibles de l'ascèse sont nécessaires.
L'aspect habituel de Jésus est changé. Sa face resplendit «comme le soleil». Son vêtement devient «d'une blancheur fulgurante». C'est en ceci que consiste la Transfiguration. Ce Jésus que les disciples connaissaient bien et dont l'aspect, dans la vie quotidienne, ne différait pas de celui des autres leur apparaît soudain sous une forme nouvelle et glorieuse. Une expérience semblable peut se produire, dans notre vie intérieure, de trois manières. Parfois notre image intérieure de Jésus devient (aux yeux de notre âme) si lumineuse, si resplendissante, qu'il nous semble vraiment voir la gloire de Dieu sur sa face : la beauté divine du Christ devient en quelque sorte pour nous un objet d'expérience. Parfois aussi nous éprouvons d'une façon intense que la lumière intérieure, cette lumière donnée à tout homme venant en ce monde pour guider sa pensée et son action, s'identifie à la personne de Jésus-Christ : la puissance de la loi morale se fond avec la personne du Fils, l'attrait du sacrifice nous fait entrevoir le Sauveur crucrifié et entendre son appel. Parfois enfin nous devenons conscients de la présence de Jésus dans te1 homme ou dans telle femme que Dieu a mis sur notre route, surtout quand il nous est donné de nous pencher avec compassion sur leurs souffrances : cet homme ou cette femme se transfigure en Jésus-Christ, sous les yeux de la foi. On pourrait, de ce dernier fait, dégager une méthode précise de spiritualité, une méthode de transfiguration applicable à tous, partout et toujours.
Auprès de Jésus apparaissent Moise et Elie.Moïse représente la loi. Elie représente les prophètes. Jésus est l'accomplissement de toute loi et de toute prophétie. Il est le terme final de toute l'Ancienne Alliance. Il est la plénitude de toute la révélation divine.
Moise et Elie s' entretiennent avec Jésus de sa Passion prochaine. Cet aspect de la Transfiguration n'est, en général, pas assez remarqué. On ne peut pas, dans la vie de Jésus, séparer les mystères glorieux des mystères douloureux. C' est au moment où Jésus se prépare à sa Passion qu'il est transfiguré. Nous n'entrerons dans la joie de la Transfiguration que si, dans notre propre vie, nous acceptons la croix.
Pierre voudrait se fixer dans la béatitude de la Transfiguration. Il suggère à Jésus la construction de trois tentes. Ainsi un fidèle, au début de sa vie spirituelle, désire prolonger les «consolations», les moments de douceur intime. Jésus laisse sans réponse la suggestion de Pierre. Ni aux premiers disciples ni à nous mêmes il n'est permis de se soustraire aux durs travaux de la pIaine et de s'établir dès maintenant dans une paix qui n'appartient qu'à la vie future .
La nuée lumineuse de la présence divine couvre le sommet de la montagne. Du milieu de la nuée, une voix se fait entendre : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, mon Elu, écoutez-le». Les mêmes paroles, ou presque, avaient déjà été prononcées par la même voix, lors du baptême de Jésus. Elles donnent à la scène de la Transfiguration tout son sens. Pourquoi Jésus change-t-Il d'aspect ? Pourquoi s'enveloppe-t-Il de lumière ? Ce n'est pas pour offrir aux apôtres un spectacle impressionnant et confortant; C'est pour traduire à l'extérieur le témoignage solennel que le Père rend à son Fils. Et le Père lui-même donne une conclusion pratique à la vision : «Ecoutez-le». Une grâce extraordinaire ne produit son effet que si elle nous rend plus attentifs et plus obéissants à la Parole divine.
Les disciples sont terrassés d'effroi. Jésus les touche et les rassure. «Et, eux, levant les yeux, ne virent plus personne que lui, Jésus, seul ». Nous pouvons trouver à cette phrase des sens divers, également vrais. D'une part, la condition normale du disciple de Jésus, en ce monde, est de s' attacher à la personne de Jésus sans que celle ci revête les attributs extérieurs de la gloire divine; le disciple doit voir «Jésus, seul», Jésus dans son humilité; si, à de rares moments, son image nous semble enveloppée de lumière, et si nous croyons entendre la voix du Père désignant le Fils à notre affection, ces éclairs ne durent pas; et nous devons aussitôt retrouver Jésus là où Il se trouve habituellement, au milieu de nos humbles et parfois difficiles devoirs quotidiens. Voir «Jésus, seul», cela signifie encore : concentrer sur Jésus seul notre attention et notre regard, ne point nous laisser distraire par les choses du monde ni par les hommes et les femmes que nous rencontrons, bref, rendre Jésus suprême et unique dans notre vie. Est-ce à dire qu'il faille fermer les yeux au monde qui nous entoure et qui souvent a besoin de nous ? Quelques uns sont appelés à rester absolument seuls avec le Maître : qu'ils soient fidèles à cette vocation. Mais la plupart des disciples de Jésus, vivant au milieu du monde, peuvent donner aux mots «Jésus, seul» encore une autre interprétation . Sans renoncer à un contact reconnaissant avec les choses créées, à un contact aimant et dévoué avec les hommes, ils peuvent atteindre un degré de foi et de charité où Jésus deviendra transparent à travers les hommes et les choses; toute beauté naturelle, toute beauté humaine deviendront la frange de la beauté même du Christ; nous verrons son reflet dans tout ce qui, en d' autres, attire et mérite notre sympathie; bref, nous aurons «transfiguré » le monde, et, dans tous ceux sur lesquels nous ouvrirons les yeux, nous trouverons «Jésus seul».
Le mystère de la Transfiguration a encore un autre aspect que les textes scripturaires de la fête n'indiquent pas clairement, mais que les chants liturgiques soulignent. «Pour montrer la transformation de la nature humaine...lors de ton Second et redoutable Avènement... Sauveur...tu t'es transfiguré... ô toi qui as sanctifié tout l'univera par ta lumière..». Ces paroles, que nous chantons à matines, font allusion au caractère cosmique et eschatologique de la Transfiguration. La nature entière - qui maintenant subit les conséquences du péché, cause du mal physique - sera affranchie, renouvelée, lorsque le Christ reviendra glorieusement, à la fin des temps. Cette transformation du monde est proposée à notre croyance, à notre espoir, à notre attente. Il faut se garder toutefois d'exagérer cet aspect de la Transfiguration au détriment des autres Les évangiles nous montrent que le sens premier, fondamental, de la Transfiguration concerne la personne même de Notre-Seigneur, que son père glorifie avant de le laisser aller à la Passion. Les effusions envers le mystère de la transfiguration de la «terre» ne doivent pas voiler cette vérité : à savoir que la Transfiguration est d'abord, avant tout, la Transfiguration du Fils bien aimé.
Enfin la Transfiguration est aussi une révélation du père et de l'Esprit. Elle soulève le voile qui recouvre pour nous, en cette vie terrestre, la vie intime des trois personnes divines. Disons avec toute l'Eglise, dans la neuvième ode des matines : «Tenons-nous spirituellement dans la cité du Dieu vivant et considérons avec admiration la divinité immatérielle du Père et de l'Esprit resplendissant dans le Fi1s unique».





Texte tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient") aux éditions du Cerf





Tropaire
TRANSFIGURÉ SUR LA MONTAGNE, CHRIST NOTRE DIEU, TU AS MONTRÉ À TES DISCIPLES TA GLOIRE AUTANT QU’ILS LA POUVAIENT SUPPORTER. FAIS LUIRE AUSSI SUR NOUS, PÊCHEURS, TA LUMIÈRE ÉTERNELLE, PAR LES PRIÈRES DE LA MÈRE DE DIEU. DONATEUR DE LUMIÈRE, GLOIRE À TOI !





Kondakion
TU T’ES TRANSFIGURÉ SUR LA MONTAGNE ET AUTANT QU’ILS LE POUVAIENT SUPPORTER TES DISCIPLES ONT CONTEMPLÉ TA GLOIRE POUR QUE TE VOYANT CRUCIFIÉ, CHRIST DIEU, ILS COMPRENNENT QUE TA PASSION ÉTAIT VOLONTAIRE ET QU’ILS ANNONCENT AU MONDE QUE TU ES VRAIMENT LA LUMIÈRE DU PÈRE