09 avril 2006

Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire ?



Du pêché à la vie de pénitence

L'âme quitte une chair jusqu'à l'os amaigrie : terre, couvre les os, ces restes de Marie.


A l'âge de douze ans, elle s'échappa de chez ses parents et partit pour Alexandrie, où elle vécut dix-sept ans dans la débauche. Ensuite, mue par la curiosité, elle s'embarqua avec de nombreux pèlerins pour Jérusalem, afin d'assister à l'Exaltation de la vénérable Croix.

Mais là, elle s'adonna à toute sorte de licence et entraîna beaucoup d'hommes dans le gouffre de perdition. Voulant entrer à l'église, le jour où l'on exaltait la Croix, elle éprouva trois ou quatre fois une puissance invisible qui l'empêchait d'entrer, alors que la foule pouvait pénétrer sans obstacle.

Elle en eut le cœur meurtri et décida de changer de vie, afin de trouver grâce auprès de Dieu par la pénitence. Alors, retournant vers l'église, elle y put entrer sans difficulté. S'étant prosternée devant la vénérable Croix, le jour même elle quitta Jérusalem, traversa le Jourdain et pénétra au cœur du désert. Pendant quarante-sept ans, elle y mena une vie très austère, une existence surhumaine, seule à seul avec Dieu dans la prière.

Vers la fin de sa vie, elle rencontra un ermite du nom de Zosime et, lui ayant raconté sa vie depuis le début, elle le pria de lui porter les Saints Mystères pour y communier ; ce qu'il fit l'année suivante, le Jeudi Saint. Revenu l'année d'après, Zosime la trouva morte, étendue sur la terre ; près d'elle une inscription disait : « Abba Zosime, enterre ici le corps de la pauvre Marie. Je suis morte le jour où j'ai communié aux Saints Mystères. Prie pour moi. » Sa mort advint en 378 [vers 430 selon d'autres].




Marc X~32-45


Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus allait devant eux.
Les disciples étaient troublés, et le suivaient avec crainte.
Et Jésus prit de nouveau les douze auprès de lui, et commença à leur dire ce qui devait lui arriver.
Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes.
Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le battront de verges, et le feront mourir; et, trois jours après, il ressuscitera.
Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'approchèrent de Jésus, et lui dirent : Maître, nous voudrions que tu fisses pour nous ce que nous te demanderons.
Il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ?
Accorde-nous, lui dirent-ils, d'être assis l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire.

Jésus leur répondit : Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? Nous le pouvons, dirent-ils.
Et Jésus leur répondit : Il est vrai que vous boirez la coupe que je dois boire, et que vous serez baptisés du baptême dont je dois être baptisé ; mais pour ce qui est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu'à ceux à qui cela est réservé.
Les dix, ayant entendu cela, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean.
Jésus les appela, et leur dit : Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent.
Il n'en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous.
Car le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs.



Méditation d’un moine de l’Eglise d’occident


Chers frères et sœurs !

En ce cinquième dimanche de carême le Christ pose à chacun d'entre nous une question bien précise: « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire ? »

Plus qu'un questionnement c'est en fait une réponse bien définie que Jésus vient de nous donner à l'issue de son dialogue avec Jacques et Jean :
Ce n'est ni la première ni la dernière fois que nous voyons dans l'Evangile ce genre de lutte pour la préséance: « Accorde-nous de siéger l'un à ta droite l'autre à ta gauche dans ta gloire ».
Au moment de cet échange nous sommes frappés par le décalage total qu'II y a entre le Christ et l'ambition de ses apôtres; Il faudra attendre l'avènement de la Pentecôte pour que l'Esprit-Saint pénètre ces derniers 1
Indirectement cependant; le fait que l'évangile laisse aux premiers disciples de Jésus un rôle -dans un premier temps si présomptueux-, est signe convaincant à la fois de leur honnête véracité, et de la profondeur de leur conversion alors qu'Ils auraient voulu briller humainement du temps de la vie terrestre du Christ.

La réponse de Jésus à Jacques et Jean se fait en deux temps : Il les met d'abord devant LA condition, condition qui n'est autre que l'association à ses souffrances salvatrices; et enfin Il leur précise que la détermination de la Gloire est laissée au mystère du jugement de Dieu seul.
Autrement dit, plutôt que de demander au Seigneur la gloire, le pouvoir et les meilleures places au paradis, Il est préférable de s'unir à Lui au préalable -par la foi, la prière et une soumission totale et confiante à la volonté divine- pour de ce fait entrer dans Son royaume à la manière du petit enfant ou du pauvre, et régner ainsi avec Lui dans l'éternité.

Jacques et Jean ne manquent ni d'audace ni de répartie à la question initiale :
« Nous le pouvons ! » lui répondirent-Ils et Il n'y avait sans doute pas matière à ce que Jésus les reprenne puisque Jean sera présent jusque sur le Golgotha tandis que Jacques achèvera sa course terrestre comme l'un des premiers martyrs.

SI nous ne devons retenir qu'une chose du passage d'Evangile d'aujourd'hui que ce soit ces paroles du Christ: « celui qui voudra devenir grand parmi vous, doit se faire votre serviteur; et celui qui voudra être premier parmi vous doit se faire l'humble serviteur de tous. Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rachat de la multitude.

Oui ; se faire le dernier pour devenir grand n'est pas seulement l'application du principe évangélique « les derniers seront les premiers»; mais le doublé commander/servir est aussi le prolongement de ce que Jésus vient de répondre à Jacques et à Jean à savoir que pour régner avec Lui il nous faut servir, vivre et mourir à son exemple.

« Servir et donner sa vie en rachat de la multitude », c'est le mystère de la souffrance du Christ - en tant que victime offerte- pour rétablir l'Alliance ; mystère évoqué dans une partie du Livre d'Isaïe qui annonce prophétiquement la Passion du Christ en nous précisant que ce serait la mission non pas tant des boucs et des taureaux que de ce Serviteur Souffrant : Jésus lui-même.

Tout cela préfigurant donc ce que devait accomplir le Christ seul; par sa mort et sa résurrection; Lui le serviteur « doux et humble de cœur » se faisant ainsi l'opposé d'un messie conquérant et dominateur.

Ce service, ce don de Lui-même est tellement sa mission propre qu'elle détermine la forme même en laquelle s'est incarné le Fils de Dieu: Si étant Dieu par nature Il assume la nature d'esclave qui est la nôtre c'est afin de pouvoir se faire le serviteur de notre salut.

Car sa souffrance ne peut avoir de valeur que si il y a réciproquement entre Lui et nous une adhésion personnelle, entière et sans retour; pour que Sa mort à notre place de pécheurs nous justifie; il nous faut être en Lui et Lui en nous; que tout ce qui est à nous soit à Lui et que tout ce qui est à Lui soit à nous. C'est précisément cette communion plénière à l'image de l'unité divine de la Sainte Trinité que l'incarnation a rendue possible (dont le sacrement de l'Eucharistie est le gage) et que le Christ confirme à ses apôtres la veille de Sa mort: « Ceci est mon sang; le sang de la Nouvelle Alliance, qui est répandu pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés ».




Ainsi il n'est pas étonnant qu'aujourd'hui la tradition de l'Eglise associe la mémoire de Sainte Marie l'Egyptienne au passage d'Evangile de ce dimanche.

Cette sainte, qui après avoir mené une vie d'impureté et de débauche, a vécu une conversion radicale au Christ; prenant conscience de son péché se retira au désert où d'une manière radicale elle imita et suivi Son divin MAÎTRE, se faisant par sa prière et son repentir toute à tous; se faisant la servante de l'humanité par son don total d'elle-même à Dieu.

En elle nous avons un exemple authentique à suivre pour notre vie de chrétiens et pour notre salut; mais point besoin d'avoir embrasser l'état monastique pour nous sanctifier en nous mettant à l'école de cette grande sainte !

Qu'à sa suite nous soyons tout au Christ, quelle que soit notre vocation, tels que nous sommes; dans l'état de vie qui est le nôtre.
Le monde a besoin de témoins vivants de l'Evangile; de personnes sachant rayonner de la Lumière de Dieu. Plus que jamais l'Eglise a quant à elle grand besoin de familles saintes, de maris et de femmes se sanctifiant l'un l'autre, de saints grands-parents pétris de sagesse et d'expérience, de saints enfants pour nous rappeler que le Royaume de Dieu ne sera accessible qu'à leurs semblables; sans oublier de saints célibataires engagés pleinement dans le service paroissial; tout cela pour la Gloire de Dieu et le salut du monde.
Chers frères et sœurs; au seuil de la Sainte et Grande Semaine qui s'annonce; en nous souvenant de la parole de Saint Athanase « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu », méditons et gravons dans la mémoire de notre cœur l'hymne au Christ de l'épître aux Philippiens :

« Lui; de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu;
Mais il s'anéantit lui-même prenant condition d'esclave
Et devenant semblable aux hommes
S'étant comporté comme un homme
Il s'humilia plus encore
Obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix !
Aussi Dieu l'a-t-II exalté et lui a donné le
Nom qui est au-dessus de tout nom
Pour que tout, au nom de Jésus s'agenouille au plus haut des Cieux
Sur la terre
Et dans les enfers
Et que toute langue proclame de Jésus-Christ qu'II est Seigneur
A la Gloire de Dieu le Père »

(Ph Il ; 6-11)

Amen !