06 janvier 2007

Le Baptême de Jésus


Evangile de la Liturgie ( Matthieu III, 12-17)


Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. Celui-ci l'en détournait, en disant : " C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi ! " Mais Jésus lui répondit : " Laisse faire pour l'instant : car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. " Alors il le laisse faire. Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l'eau ; et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur."





Les pères de l'Eglise et la Théophanie

Textes liturgiques

Explication de l'icône de la Théophanie : cliquez ici


Méditation du Père Lev Gillet
Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf



Comme nous l'avons fait à l'occasion de Noël, interrompons ici pour quelques instants la description de la vie liturgique de l'Eglise et appliquons notre esprit aux mystères que les rites extérieurs symbolisent.


L'Epiphanie est la première manifestation publique du Christ. Lors de sa naissance à Bethléem, Notre Seigneur avait été révélé à quelques privilégiés. Aujourd'hui, tous ceux qui entourent Jean, c' est-à-dire ses propres disciples et la foule venue aux bords du Jourdain, sont témoins d'une manifestation plus solennelle de Jésus-Christ.









En quoi consiste cette manifestation ?


Elle comporte deux aspects. D'une part, il y a l'aspect d'humilité représenté par le baptême auquel Notre Seigneur se soumet. D'autre part, il y a un aspect de gloire représenté par le témoignage humain que le Précurseur rend à Jésus et, sur un plan infiniment plus élevé, le témoignage divin que le père et l'Esprit rendent au Fils. Nous considérerons de plus près ces deux aspects. Mais retenons immédiatement ceci: toute manifestation de Jésus-Christ, aussi bien dans l'histoire que dans la vie intérieure de chaque homme, est une manifestation d'humilité et de gloire tout à la fois.
Quiconque sépare ces deux aspects du Christ commet une erreur qui fausse toute la vie spirituelle. Je ne puis m'approcher du Christ glorifié sans m'approcher en même temps du Christ humilié, ni du Christ humilié sans m'approcher du Christ glorifié. Si je désire que le Christ soit manifesté en moi, dans ma vie, ce ne peut être qu'en étreignant celui qu'Augustin appelait avec prédilection Christus humilis et en adorant d'un même élan celui qui est aussi un Dieu, un Roi, un Vainqueur. Tel est le premier enseignement de l'Epiphanie.


L' aspect d'humilité de l'Epiphanie consiste dans le fait que Notre-Seigneur se soumet au baptême de pénitence de Jean. Celui-ci refuse tout d'abord, mais Jésus insiste : «Laisse. Il faut que toute justice s'accomplisse ». Sans doute Jésus n'avait pas à être purifié par Jean, mais le baptême que conférait le Précurseur, ce baptême de repentance pour la rémission des péchés, préparait au royaume messianique; et Jésus, avant de proclamer l' avènement de ce royaume, a voulu passer lui même par toutes les phases préparatoires dont il devait être le «consommateur». Etant la plénitude, il a voulu assumer en lui-même tout ce qui était encore incomplet et inachevé. Mais, en recevant le baptême johannique, Jésus a fait plus qu'approuver et confirmer solennellement un rite avant de le transformer, plus que consommer l'imparfait dans le parfait.
Lui qui était sans péché, il s'est fait porteur de nos péchés, du péché du monde; et c'est au nom de tous les pécheurs que Jésus a fait un geste public de repentance. D'autre part, Jésus a voulu nous enseigner la nécessité de la pénitence et de la conversion; avant même de nous approcher du baptême chrétien, nous devons recevoir le baptême de Jean, c' est à dire passer par un changement d'esprit, par une catastrophe intérieure.



Nous devons éprouver une vraie contrition de nos péchés. La repentance est, en ce qui nous concerne, l'aspect d'humilité de l'Epiphanie. Et ici nous devons dépasser l'horizon limité du baptême johannique pour nous rappeler que nous avons été baptisés en Christ. Le baptême chrétien nous a lavés et purifiés. Il a aboli en nous le péché originel et fait de nous une nouvelle créature. Nous étions probablement enfant lorsque nous avons reçu le baptême; la grâce baptismale a été une réponse divine donnée, non à notre demande personnelle, mais à la foi de ceux qui noua présentaient au baptême et à la foi de toute l'Eglise qui nous accueillait. Cette grâce baptismale a été alors en quelque sorte provisoire et conditionnelle : il fallait que, grandissant et devenus conscients, nous confirmions par un libre choix l'acte de notre baptême. L'Epiphanie est, par excellence, la fête du baptême, non seulement du baptême de Jésus, mais de notre propre baptême. Elle est une merveilleuse occasion pour nous de renouveler en esprit le baptême que nous avons reçu et de raviver la grâce qu'il nous a conférée. Car les grâces sacramentelles, même interrompues et suspendues par le péché, peuvent revivre en nous si nous nous tournons sincèrement vers Dieu. En cette fête de l'Epiphanie, demandons à Dieu de nous laver de nouveau - spirituellement, et non d'une manière matérielle - dans les eaux du baptême; noyons-y l' ancienne créature pécheresse, car le baptême est une mort mystique; traversons la Mer Rouge qui sépare la captivité de la liberté et plongeons-nous avec Jésus dans le Jourdain pour y être lavés, non par le Précurseur, mais par Jésus lui-même.


L'aspect de gloire de l'Epiphanie consiste dans les deux témoignages qui furent alors rendus solennellement à Jésus. Il y eut le témoignage de Jean. Nous n'en parlerons pas maintenant; nous y reviendrons le lendemain de l'Epiphanie. Et il y eut le témoignage divin du père et de l'Esprit. Le témoignage du père était la voix venue du ciel et disant : «Tu es mon Fils bien-aimé en qui j' ai mis toute ma complaisance.» Le témoignage de l'Esprit était la descente de la colombe : «Et l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, tel une colombe ». Voilà le véritable baptême de Jésus. La parole prononcée par le Père et la descente de la colombe sont plus importants que le baptême d'eau que Jean donne à Jésus. Le baptême d'eau n'était qu'une introduction à cette manifestation divine. C'est avec raison que, dans l'ancienne liturgie chrétienne, la fête du 6 janvier est appelée, non pas «théophanie», mais «théophanies», au pluriel, car il ne s' agit pas d'une seule manifestation divine : il s'agit de trois manifestations. Le Père, le Fils, l'Eprit sont tous trois révélés au monde lors du baptême de Jésus; le Père et l'Esprit se révèlent dans la relation d'amour qui les unit au Fils. Nous touchons ici à ce qu'il y a de plus profond et de plus intime dans le mystère de Jésus. Si grand que soit le ministère rédempteur du Christ en faveur des hommes, la vie d'intimité du Fils avec le Père et l'Esprit est une réalité plus grande encore. Jésus ne nous est vraiment manifesté que si nous entrevoyons quelque chose de cette intimité divine, et si nous entendons intérieurement la voix du Père : «Voici mon Fils bien-aimé...», et si nous voyons le vol de la colombe sur la tête du Sauveur. La fête de l'Epiphanie ne sera vraiment une Epiphanie, une manifestation du Christ, qu'à cette condition. Il faut que notre piété atteigne, dans le Fils, le Père et l'Esprit. Il faut que, comme Jean-Baptiste, nous puissions nous souvenir et témoigner. « J' ai vu l'Esprit descendre...». C'est là la gloire de l'Epiphanie. Et c'est pourquoi l'Epiphanie n'est pas seulement la fête des eaux. L'ancienne tradition grecque l'appelle « la fête des lumières ».
Cette fête nous apporte, non seulement une grâce de purification, mais aussi une grâce d'illumination (ce nom même d'illumination était jadis donné à l'acte du baptême). La lumière du Christ n'était, à Noël, qu'une étoile dans la nuit obscure; à l'Epiphanie, elle nous apparaît comme le soleil levant; elle va croître et, après l'éclipse du vendredi-saint, elle éclatera, plus splendide encore, le matin de Pâques; et enfin, à la Pentecôte, elle atteindra le plein midi. Il ne s'agit pas seulement de la lumière divine objective manifestée dans la personne de Jésus-Christ et dans la flamme pentecostale. Il s'agit aussi, pour nous, de la lumière intérieure, sans une absolue fidélité à laquelle la vie spirituelle ne serait qu'illusion ou mensonge.
Dieu qui avait envoyé le Précurseur baptiser avec de l' eau lui avait dit : « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, baptisera dans l'Esprit Saint». Le baptême d'eau n'est qu'un aspect du baptême total. Jésus lui-même dira à Nicodème: «A moins de naitre d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu». Le baptême d'Esprit est supérieur au baptême d'eau. Il constitue un don objectif et une autre expérience intérieure. Nous en reparlerons mieux à l'occasion de la Pentecôte.
On pourrait dire que l'Epiphanie - première manifestation publique de Jésus aux hommes - correspond dans notre vie intérieure à la « première conversion ». Il faut entendre par là la première rencontre consciente de l'âme humaine avec son Sauveur, le moment où nous acceptons Jésus comme Maître et comme ami et où nous prenons la résolution de le suivre.
Pâques (à la fois la mort et la résurrection du Seigneur) correspond à une «deuxième conversion» où, confrontés avec le mystère de la croix, nous découvrons quelle mort et quelle vie nouvelle celle-ci implique et nous nous consacrons d'une manière plus profonde - par un changement radical de nous-mêmes - à Jésus-Christ.
La Pentecôte est le temps de la «troisième conversion», le temps du baptême et du feu de l'Esprit, l'entrée dans une vie d'union transformante avec Dieu. Il n' est pas donné à tout chrétien de suivre cet itinéraire. Ce sont là cependant les étapes que l'année liturgique propose à notre effort.
Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Tropaire

TON BAPTÊME DANS LE JOURDAIN, SEIGNEUR, NOUS MONTRE L’ADORATION DUE À LA TRINITÉ, LA VOIX DU PÈRE T’A RENDU TÉMOIGNAGE, ELLE T’A NOMMÉ FILS BIEN-AIMÉ ET L’ESPRIT SOUS LA FORME D’UNE COLOMBE, A CONFIRMÉ L’INÉBRANLABLE VÉRITÉ DE CETTE PAROLE. CHRIST-DIEU TU ES APPARU, TU AS ILLUMINÉ L’UNIVERS, GLOIRE À TOI.

Kondakion
SEIGNEUR, TU ES APPARU AU MONDE AUJOURD’HUI ET TA LUMIERE S'EST MANIFESTÉE NOUS QUI T ’AIMONS, TE CHANTONS : TU ES VENU, TU ES APPARU, LUMIERE INACCESSIBLE.