03 décembre 2006

Le bon Samaritain




Luc X , 25-37


25 Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l'éprouver: Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?
26 Jésus lui dit: Qu'est-il écrit dans la loi? Qu'y lis-tu?
27 Il répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même.
28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus; fais cela, et tu vivras.
29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: Et qui est mon prochain?
30 Jésus reprit la parole, et dit: Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s'en allèrent, le laissant à demi mort.
31 Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre.
32 Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l'ayant vu, passa outre.
33 Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu'il le vit.
34 Il s'approcha, et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui.
35 Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l'hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour.
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?
37 C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit: Va, et toi, fais de même.



Méditation d'un moine de l'Eglise d'occident
XXV-ème dimanche après la Pentecôte


Chers frères et sœurs !


Voilà un passage de l’Evangile qui tombe à pic dans cette période de carême qui tout doucement nous achemine vers la fête de la Nativité ; vers ce grand mystère de l’Incarnation…
Cette parabole tombe à pic car elle se doit de nous interpeller à plusieurs niveaux de notre vie spirituelle.

Tout d’abord la question posée au Christ par le légiste doit être pour nous comme un postulat de base :
« Que faire pour avoir part à la vie éternelle ? ».
Tout comme le Christ l’a répondu au légiste, Il répond à chacun d’entre nous de manière personnelle :
Aimer le Seigneur notre Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre force, de tout notre esprit ; et aimer notre prochain comme nous-mêmes.
Certainement le second de ces commandements nous donnera alors l’occasion de poser à Jésus cette autre question ; « Qui est mon prochain ? » ; question à laquelle le Christ donne une réponse toute en nuance par cette parabole du bon samaritain.

Pour un juif de l’époque ; le prochain était exclusivement quelqu’un qui était membre de son peuple et surtout pas un étranger comme par exemple un samaritain ! En faisant secourir un malheureux par l’un d’entre eux justement ; Jésus veut nous montrer que la charité ; autrement dit l’amour chrétien par excellence ; se doit d’ignorer les cloisonnements de race, de religion, de nationalité ; et (tant qu’on y est puisque nous sommes orthodoxes), les cloisonnements de juridictions !


Tout dépend donc de nous : nous nous devons de ne plus poser de limites ; de classements ; d’étiquettes sur nos semblables, ces pseudos droits que nous nous arrogeons et qui nous permettent trop facilement de compartimenter un secteur « prochain » au-delà duquel nous ne serions plus tenus.
Si nous prétendons vouloir marcher à la suite du Christ, nous sommes invités à faire de quiconque notre prochain ; de nous faire en tout temps disponible, le cas échéant secourable ; mais toujours, et en tout état de cause nous devons nous faire aimant ; car l’amour sauve tout, l’amour transfigure tout.
Aimer son prochain comme soi-même c’est l’aimer non-seulement comme soi-même en quantité, c'est-à-dire autant que soi-même, avec autant d’intensité ; mais c’est l’aimer aussi comme nous-mêmes en qualité ; en tant qu’il est moi-même, et il est moi parce que je suis lui.
Sa vie est ma vie et ma vie est la sienne puisque par le fait de vivre nous nous renvoyons l’un l’autre au plus vrai de ce que nous sommes et donc pas forcément à la plus glorieuse réalité de ce que nous croyons être !
Mais plus encore que le quantitatif ou le qualitatif humains de l’amour du prochain ; prenons conscience de manière profonde et intime que l’Evangile est la révélation des profondeurs de cet amour :
En tout être humain nous avons à découvrir à la fois l’image de Dieu en lui et en même temps un membre solidaire du Christ, Lui-même solidaire de Son Père ; ou bien inversement ; aimons en Dieu un Père solidaire de Sa création et donc de tout homme ; au point de nous donner Son Fils unique et de le faire demeurer en nous…rappel implicite du mystère de l’incarnation auquel nous nous préparons par ce temps de jeûne.

Et si nous savons que le Christ est en nous, nous devons conscientiser dans la dimension spirituelle de notre coeur qu’Il est aussi dans l’autre ; dans le prochain, dans ce prochain qui –il s’en faut de peu parfois !- devient très vite un « ennemi », dans le sens où quand il me dérange, me gêne, m’interpelle négativement, bref me renvoie à ma propre image ; et donc me renvoie à ma propre réalité ; je le rejette, je l’ignore je l’exclue de ma vie.

Si l’attention du légiste n’a été retenue que par le sens du commandement « aimer son prochain », la finalité de cette parabole est peut-être aussi et avant tout de mettre l’accent sur l’amour de soi-même…

Qu’est-ce que « s’aimer soi-même » ?
Ce n’est certainement pas avoir la mentalité du pharisien qui dans un élan de narcissisme absolu s’admire et se croit meilleur que tout le monde ! Non ! ce serait de l’orgueil mal placé et nous savons tous que l’orgueil tue, en tant qu’il est le péché par excellence.
Bien au contraire, s’aimer soi-même c’est nous mettre à l’école du publicain ; école d’humilité, d’appauvrissement et de douceur.
« S’aimer soi-même » c’est s’accepter tels que nous sommes ; dans la vérité, sous le regard incomparablement miséricordieux et aimant de Dieu.
« S’aimer soi-même » c’est donc accepter notre faiblesse, notre pauvreté (au sens large du terme) accepter nos limites et notre misère en prenant garde de ne pas tomber dans un esprit de révolte ni de nous installer confortablement dans notre petit malheur en nous apitoyant sur nous.
« S’aimer soi-même » c’est aussi se reconnaître dans ce que nous ne sommes pas et parfois croyons ou voudrions être.

Dieu aura donc le champ libre pour venir transfigurer le plus déconcertant de ce qu’il y a en nous et les pessimismes que nous portons sur nous-mêmes s’estomperont d’eux-mêmes.
Pour le coup ; en faisant à l’aide de Dieu ce travail intérieur ; nous aurons tout loisir de l’exercer sur notre prochain, en l’aimant par sa propre misère et au-delà de sa propre misère.
Puisque Dieu m’accepte tel que je suis, puisque je m’accepte tel que je suis, je me dois d’accepter mon prochain tel qu’il est afin que lui aussi m’accepte et m’aime tel que je suis.


Vaste programme n’est-ce pas ?!
En pourtant ! Les trois pôles que sont l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de soi-même sont intrinsèquement liés les uns aux autres et disons le ; ils sont indissociables.
Quand quelque chose ne va pas dans notre vie il est facile d’en rejeter la faute sur une circonstance, une personne ou toute autre cause extérieure.
Non ! Quand quelque chose ne va pas dans notre vie c’est que la dimension spirituelle de notre être est atteinte ; autrement dit que l’un des pôles dont nous venons de parler est fragilisé ou souillé par notre orgueil.
Qu’à cela ne tienne ! Avec l’aide de Dieu il devient facile de rectifier le tir et de se recentrer grâce à ces trois repères qui deviennent une école de vie, pour nous et nos semblables et surtout une école de vie pour tous en vue de la Vie éternelle !

Chers frères et sœurs ; ne soyons pas effrayés par ces considérations il est vrai exigeantes, mais soyons confiants et n’ayons de cesse d’aller de l’avant !
Dans cette parabole du bon samaritain il est un fait ô combien encourageant si l’on y prête attention :
Il nous est dit en effet que ; certes ; le samaritain part après avoir pansé les plaies et secouru l’homme blessé… Mais il part en prenant bien soin d’annoncer qu’il reviendra.
Comment donc ne pas y voir une image du Christ qui Lui, n’a de cesse de revenir vers nous à tout moment ; par les sacrements que nous recevons, par notre prière personnelle qui n’est autre chose que notre désir ardent de Lui ; par le prochain en qui Il est présent, par le prochain qui partage notre vie ou qui croise notre route ?
Bien plus qu’une image, cette divine dynamique d’amour est une réalité de chaque instant…

Et puisque nous nous fêterons d’ici peu la Nativité, que nos cœurs soient ; comme à Béthléem ; autant de grottes (aussi sombres soient-elles) prêtes à accueillir humblement le Christ afin qu’Il vive et croisse en nous.


Amen !






Méditation d'un moine de l'Eglise d'orient

L'évangile du vingt-cinquième dimanche après la Pentecôte contient la parabole du Sama­ritain qui eut compassion du Juif assailli et blessé par les voleurs sur la route de Jérusalem à Jéricho. La para­bole est introduite par le rappel des deux grands comman­dements.

C'est le second de ces deux commandements qui donne occasion à un scribe de demander à Jésus : «Qui est mon prochain ? ». Le sens de cette parabole n'est pas seulement d'opposer à l'inhuma­nité du prêtre et du lévite qui passent outre la charité du Samaritain qui panse et hospitalise le Juif blessé, ni de condamner l'antagonisme ethnique et religieux entre Juifs et Samaritains, mais de proclamer cette vérité géné­rale : mon prochain n'est pas exclusivement celui que le sang, ou le territoire ou la croyance rendent proche de moi ; mon prochain est, à chaque moment, celui que Dieu rend proche de moi en le mettant sur ma route ; mon pro­chain est celui que je rends proche de moi en le servant, même s'il est un étranger ou un ennemi. Il dépend en grande partie de moi-même que tel homme soit ou non mon prochain. Et je puis m'efforcer d'agir de telle sorte que tout homme devienne mon prochain. Sur un autre plan, le Samaritain représente Jésus lui-même qui verse le vin et l'huile sur les blessures de la race humaine et se fait le prochain de chaque homme. «Lequel... à ton avis s'est montré le prochain ?... Celui qui a pratiqué la misé­ricorde...».


Dans l'épître (Ephésiens 4: 1-17), Saint Paul recom­mande de «conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix», parce qu'il y a un seul corps, un seul Esprit, un seul Seigneur, un seul Dieu. Le conseil de Paul doit être pris dans un sens très concret et appliqué aux circons­tances et aux difficultés de notre vie quotidienne. A quoi bon développer des pensées élevées sur l'unité en Christ ou l'unité de l'Eglise si je ne m'efforce pas tout d'abord de sauvegarder «l'unité de l'Esprit» et le «lien de la paix» avec les membres de ma famille, avec ceux qui vivent dans ma maison, avec ceux que la vie professionnelle, la vie économique, la vie civique me font rencontrer chaque jour ? «Unité de l'Esprit» et «lien de la paix» : ces deux grands mots ne deviendront vrais pour moi que si je puis les traduire pratiquement dans les petits détails de la journée, dans les détails de la cuisine et du bureau.
L’épître de ce dimanche rejoint ici l'évangile, car c'est par l'unité de l'Esprit et le lien de la paix qu'un autre homme devient mon prochain.