19 janvier 2007

Dimanche de Zachée



Luc 19, 1-10

1 Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville.
2 Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, cherchait à voir qui était Jésus;
3 mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille.
4 Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là.
5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit: Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison.
6 Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie.
7 Voyant cela, tous murmuraient, et disaient: Il est allé loger chez un homme pécheur.
8 Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit: Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.
9 Jésus lui dit: Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham.
10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.



Méditation d'un moine de l'Eglise d'occident


Chers frères et sœurs !


Voilà que tout doucement nous approchons du Grand Carême et le passage d'Evangile que nous venons d'entendre est tout indiqué pour notre préparation spirituelle aux quarante jours de jeûne qui s'annoncent.­Voici donc que dans sa progression vers Jérusalem Jésus entre à Jéricho où il est accueilli par une foule nombreuse qui l'enserre, l'assaille ; le presse... sauf un publicain, riche et de petite taille -Zachée- qui grimpe sur un arbre afin de mieux voir le Seigneur.

En voyant cela Jésus lui demande de descendre - et de descendre « vite » - car il veut faire connaissance avec Zachée et demeurer chez lui.

Zachée s'exécute donc, et le texte nous dit que c'est avec joie qu'il reçut le Christ chez lui, mais si nous savons lire entre les lignes ; nous constaterons c'est d'une manière certaine que cette entrevue bouleverse Zachée.

En effet, à l'issue de sa rencontre avec Jésus, Zachée change radicalement et présente la moitié de ses biens au Seigneur pour la donner aux pauvres - lui le riche publicain- souhaitant de la sorte réparer le tort qu'il a pu préalablement commettre autour de lui.

Remarquons que l'initiative de la rencontre et du dialogue vient du Christ ; c'est Lui qui enjoint Zachée de descendre de l'arbre ; de se mettre debout face à Lui. N'en est-il pas ainsi de toute rencontre avec le Seigneur ?

C'est Lui qui vient à nous et nous veut debout dans Sa Lumière dans un face à face intime ; et ce malgré nos faiblesses, notre manque de foi, nos défauts, notre lâcheté... bref malgré notre orgueil.

Être debout devant le Seigneur cela veut dire que c'est ainsi qu'II nous désire. Depuis la Genèse en effet, Dieu est Celui qui met l'homme debout, et c'est debout que nous devons nous efforcer de nous tenir devant Lui. Bien sûr à certains moments viendront le découragement, la faiblesse ; mais nous pouvons compter sur le soutien de l'Eglise, par l'intermédiaire de notre Père spirituel, de notre communauté ecclésiale et avancer ainsi vers le chemin du salut.

Etre debout devant Dieu c'est le prélude d'un dialogue, d'une relation intime avec Lui ; et dialoguer, être en relation avec le Seigneur ; c'est la prière, c'est prier.

A partir de là ; tout comme c'est arrivé à Zachée ; ce qui est de l'ordre du superflu tombera de lui-même ; nous n'aurons plus besoin d'user de moyens « artificiels » face à Dieu (par exemple grimper dans un arbre pour mieux voir le Seigneur !), c'est-à-dire que nous n'aurons plus besoin d'autre chose que d'être nous-mêmes ; profondément nous-mêmes, dans l'humilité ; avec nos qualités, nos défauts ; mais être là tels que nous sommes, en vérité, face à notre Dieu.

Nous nous découvrirons alors trop «riches» -c'est-à-dire que nous découvrirons combien nous étions encombrés de futilités- et viendra pour nous le temps de nous appauvrir comme l'a fait Zachée en donnant ses biens, mais cet appauvrissement ne sera qu'apparent car dans la réalité de notre vie spirituelle nous nous serons vidés pour mieux accueillir le Christ et ainsi TOUT recevoir.

En nous faisant réceptifs à Lui et « réceptacles» de Lui ; nous vivrons ; nous vivrons dans le sens plénier du terme car le Christ est la Vie, le Christ doit être notre vie.Alors chers frères et sœurs; voilà notre programme - au moins jusqu'à Pâques - sinon pour toute notre vie :Chacun de nous est un Zachée dans son arbre (moi le premier !), mais le Christ nous appelle, Il attend de nous une réponse personnelle à son appel, il désire de nous que nous descendions nous aussi de notre « arbre».

Quel paradoxe n'est-ce pas ! : S'abaisser pour se tenir ensuite debout ! ; mais s'abaisser pour être relevés par Lui et en Lui ; ainsi en est-il de toute vie spirituelle. Demandons lui donc, d'un même esprit et d'un même cœur, la grâce de ne pas être sourds à Son appel et de savoir y répondre en fidèles disciples, afin de devenir des témoins de Vie et de Lumière pour Sa plus grande gloire !

Amen




Homélie d'un moine de l'Eglise d'orient


La parole de Jésus à Zachée nous rappelle la phrase si émouvante de l'Apocalypse : «Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quel­qu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi».



Jésus nous dit ce qu'il avait dit à Zachée. Il veut loger chez nous, dans notre âme. Ce n'est pas dans quelques jours, ce n'est pas demain qu'il veut venir chez nous. C'est à l'instant même : «que je vienne aujourd'hui dans ta maison...». Pour­quoi ajourner le changement intérieur qui ferait de Jésus notre hôte ? Je puis, dès cette minute, par un acte inté­rieur de repentance et de consécration, ouvrir la porte au Seigneur. Je ne dois pas perdre de temps, je ne dois pas laisser s'éloigner une occasion peut-être exceptionnellement favorable et qui ne reviendra plus. «Descends vite», dit Jésus. Je me hâterai donc, - et je descendrai.


Descendre : ce mot, pour Zachée, signifiait qu'il eût à quitter son poste d'observation sur le sycomore et à revenir à terre; pour nous, descendre signifie renoncer à tous les pau­vres artifices par lesquels nous essayons de nous élever au-dessus des autres hommes. « Descends» : quitte donc le sycomore sur lequel tu es monté, abandonne toute forme de vanité et d'orgueil ; c'est seulement sur le sol que tu pourras ren­contrer Jésus.

Zachée obéit. Il se hâta de descendre. Re­marquons deux aspects de cet épisode évangélique, Zachée reçut Jésus «avec joie». Jésus n'est pas un hôte que nous devrions recevoir cérémonieusement, d'une manière guin­dée. Nous ne devons pas le regarder comme un de ces vi­siteurs qui viennent rarement et que l'on reçoit au salon, dans les pièces de la façade. Il doit être un des visiteurs qu'on accueille «avec joie» et auxquels on dit: «vous êtes ici chez vous. Vous êtes à la maison. Tout est à votre dis­position. Allez où vous voulez». Nous ne le confinerons pas au salon, nous l'introduirons partout, et même dans ces chambres secrètes - l'arrière-fond de notre âme - où nous avons laissé s'accumuler tant de poussière et d'ordure et dont nous cachons soigneusement l'existence aux étran­gers.

Remarquons encore ceci. Zachée, qui vient de subir un changement Intérieur, annonce au Seigneur qu'il va rendre jusqu'au quadruple les biens qu'il a pu in­justement acquérir et qu'il va donner aux pauvres la moi­tié de sa fortune. «Restitution» et «partage», dans le sens le plus complet de ces mots, sous leur aspect aussi hlen spirituel que matériel ; réparation du mal commis et mise en commun du bien obtenu : voici les premiers fruits de toute conversion.

Les témoins de cette scène évangélique murmu­raient: « il est allé loger chez un pécheur...» Et Jésus déclara : «Le Fils de l'homme est venu chercher et sau­ver ce qui était perdu». C'est sur cette parole que s'achè­ve l'évangile de ce dimanche. «Ce qui était perdu... cher­cher... sauver» : alors, pour moi aussi, il y a une espé­rance?

Nous atteignons ici un tournant de l'année liturgique. Car la phrase finale de Jésus, dans l'évangile d'au­jourd'hui, annonce un autre climat que celui où la nati­vité et le baptême du Christ nous avaient introduits. Dé­passant l'Evangile de l'Incarnation, nous pénétrons dans l'Evangile du pardon et du salut. Avec le trente-deuxième dimanche après la Pentecôte se clôt le temps de Noël et de l'Epiphanie. Voici venir un autre temps liturgique. Voi­ci déjà qu'au loin un cortège s'avance, qui n'est plus celui des bergers, des mages, du Précurseur et de ses disciples,
un cortège où, aux louanges, se mêlent les imprécations et les Vexilla Regis prodeunt, fulget crucis mysterium. Voici que les étendarts du Roi s'avancent et que déjà res­plendit, même encore lointain, le mystère de la croix.