20 janvier 2007

Dimanche du Publicain et du Pharisien

Luc 18, 10-14

10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était pharisien, et l'autre publicain.
11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain ;
12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus.
13 Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur.
14 Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.





Homélie d'un hiéromoine d'occident


Chers Père, Mères, frères et sœurs en Christ !

Voilà que tout doucement nous continuons notre progression vers le Grand Carême et dans sa sagesse, la tradition de l’Eglise nous donne de méditer aujourd’hui la parabole du pharisien et du publicain.

Il est évident qu’il y a comme une continuité entre l’ évangile que nous venons d’entendre et le récit de la rencontre du Christ et de Zachée que nous avons méditée dimanche dernier, cette rencontre avec le Christ que chacun de nous a vécue, que chacun de nous cherche à approfondir, ce face à face, cette rencontre personnelle où le Christ nous a demandé tout comme à Zachée de descendre de notre arbre (c'est-à-dire de rejeter tout orgueil) afin que Lui ; le Christ ; vienne s’établir dans notre demeure c'est-à-dire dans nos propres cœurs.

Comme prélude à un cheminement intérieur avec Dieu, ce qui s’est passé entre le Christ et Zachée est, pourrait-on dire, le point de départ de toute vie spirituelle car c’est Lui qui avant tout est venu vers nous ; c’est Lui qui avant tout nous cherche et nous appelle et bien entendu, en contrepartie, Il attend de nous une réponse personnelle à cet appel.

Cette réponse que nous avons à donner va petit à petit s’instaurer sous forme de dialogue avec Lui, et ce dialogue n’a de nom que la prière.

La prière… c’est bel et bien ce que le publicain vivait et actualisait dans le Temple, alors que dans ce même Temple le pharisien était aux antipodes de toute vraie relation à Dieu !
Dans le cas du pharisien pouvons-nous d’ailleurs parler de relation à Dieu ? certes non, car cet homme n’était en réalité qu’en conversation avec son ego, cet ego qui n’a de cesse de nous faire la guerre et de s’ériger comme un rempart entre Dieu et nous ; cet orgueil qui infecte et paralyse tout à la fois nos cœurs et notre intellect empêchant celui-ci de descendre dans le cœur, c'est-à-dire là où la prière doit siéger, là où la prière doit agir, persévérer et rayonner pour le salut du monde, pour « l’Adam total » selon l’expression chère à Père Sophrony.


En effet, le pharisien ne cherchait qu’une seule chose : à passer pour juste devant les hommes. Il n’avait que faire de Dieu ; victime qu’il était de la double illusion d’une trop grande confiance en lui et d’une comparaison flatteuse avec autrui.
La confiance qu’il avait en lui-même l’empêchait de conscientiser dans la partie spirituelle de son être que tout ne vient que de Dieu ; de sorte qu’il volait d’une certaine manière l’honneur qui n’est dû qu’au Seigneur. Quant à se comparer à son prochain c’est ce qui est dénoncé par Saint Benoît dans le quatrième chapitre de sa règle, à savoir «Honorer et respecter tous les hommes ».

Contrairement au pharisien qui se tenait en plein milieu du Temple mais n’était pas en Dieu ; le publicain lui « se tenait à l’écart » mais était bel et bien en communion avec le Seigneur !
Etonnant paradoxe n’est-ce pas ?...

Le publicain se tenait loin, nous dit le texte, mais la distance n’était qu’apparente ; car Dieu était près, Lui le Très-Haut qui n’a de cesse de jeter un regard d’amour sur tous ceux qui s’abaissent ; souvenons-nous à ce sujet des paroles de St Jean-Baptiste « il faut qu’Il croisse et que je diminue » ; quoi de plus vrai et dynamisant quand on l’a expérimenté ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie !

Autre paradoxe que celui de Dieu qui ne reconnaît pas la faute du pécheur ; en l’occurrence dans le cas présent le publicain ; quand ce dernier lui, s’en accuse ! Ainsi donc, dans nos faiblesses n’oublions pas que « notre Dieu est un Dieu d’Amour » comme le rappelle souvent, ici même, Père Syméon.

Ce Dieu d’Amour qui par Sa mort a crucifié le « moi » humain dans sa totalité et nous invite à l’imiter dans cette marche vers la Vie et vers la Résurrection, c'est-à-dire vers Lui.
En portant nos péchés dans Sa chair jusque sur la Croix, c’est en réalité la nature de l’homme retombé sur lui-même que Jésus portait ; ainsi, quand nous faisons mourir notre « moi » nous sommes promis et assurés de la victoire en Dieu, par le Christ.



Oui, chaque coup, chaque bataille que nous portons et remportons contre le « moi » sont utilisés d’une certaine manière pour dégager, pour libérer la part vivante de Dieu en nous, pour autant que nous soyons obéissants à Sa Sainte volonté et sobres à l’égard de nous-mêmes.


Car dans le monde parfois chancelant et instable dans lequel nous vivons, il nous est primordial de savoir nous « posséder » nous-mêmes, de conserver une âme égale et de nous dominer ; bien entendu toujours par coopération avec Dieu ; par synergie pour employer le terme exact.

N’hésitons donc pas à Lui demander cette puissance par laquelle Il chassait les démons et continue de chasser ceux qui nous font la guerre ; cette puissance est la nôtre ! N’ayons de cesse de l’utiliser car elle ne saurait nous faire défaut du moment qu’on en use et qu’on en profite généreusement !

Mais il est certain ; et il nous faut l’accepter comme « règle du jeu » pourrait-on dire ; il est certain que cette prière doit s’actualiser dans la monotonie parfois déconcertante de notre quotidien, dans ce désert qu’il nous est souvent demandé de traverser… Ce qui importe avant tout étant notre persévérance au jour le jour ; car c’est dans les besognes parfois harassantes, dans les ténèbres de notre psychisme fragilisé que se scelle petit à petit notre union à Celui que nos cœurs et notre être tout entier cherchent et désirent plus que tout. Cette persévérance qui s’actualisera dans le silence –qui, à tort, est souvent pris par nous comme une absence de Dieu-, ce silence intérieur qui nous permettra d’écouter le Seigneur et d’entendre ce que Sa volonté désire à notre endroit.
Et qu’est Sa volonté sinon celle de nous donner toute chose ; sans mesure ; avec cet impatient désir qu’Il a de nous combler ?!

Chers frères et sœurs ! Ne jugeons pas le pharisien ou ceux qui lui ressemblent et que nous pourrions croiser, car comme nous le dit Saint Silouane « si tu vois un homme qui pèche et que tu n’as pas de compassion pour lui, alors la grâce t’abandonnera » car « il nous a été commandé d’aimer ». Au contraire ; à l’exemple du publicain prions avec humilité et foi ; avec cette foi que nous avons à demander au quotidien, cette foi qui transporte les montagnes et qui est le grand don que Dieu nous réserve ; ce don par lequel notre salut s’opérera si nous y associons le repentir par l’humilité.
Selon St Grégoire de Nysse, la foi dont ; « le support est la pauvreté selon l’Esprit, et l’amour de Dieu sans mesure ».


Amen !