18 mars 2007

IVième dimanche de Carême ; de St Jean Climaque







Marc IX, 17-31

17 Et un homme de la foule lui répondit: Maître, j'ai amené auprès de toi mon fils, qui est possédé d'un esprit muet.
18 En quelque lieu qu'il le saisisse, il le jette par terre ; l'enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J'ai prié tes disciples de chasser l'esprit, et ils n'ont pas pu.
19 Race incrédule, leur dit Jésus, jusques à quand serai-je avec vous ? jusques à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi. On le lui amena.
20 Et aussitôt que l'enfant vit Jésus, l'esprit l'agita avec violence ; il tomba par terre, et se roulait en écumant.
21 Jésus demanda au père : Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive ? Depuis son enfance, répondit-il.
22 Et souvent l'esprit l'a jeté dans le feu et dans l'eau pour le faire périr. Mais, si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous.
23 Jésus lui dit : Si tu peux!... Tout est possible à celui qui croit.
24 Aussitôt le père de l'enfant s'écria : Je crois! viens au secours de mon incrédulité!
25 Jésus, voyant accourir la foule, menaça l'esprit impur, et lui dit : Esprit muet et sourd, je te l'ordonne, sors de cet enfant, et n'y rentre plus.
26 Et il sortit, en poussant des cris, et en l'agitant avec une grande violence. L'enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu'il était mort.
27 Mais Jésus, l'ayant pris par la main, le fit lever. Et il se tint debout.
28 Quand Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier : Pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit?
29 Il leur dit : Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière.
30 Ils partirent de là, et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu'on le sût.
31 Car il enseignait ses disciples, et il leur dit : Le Fils de l'homme sera livré entre les mains des hommes; ils le feront mourir, et, trois jours après qu'il aura été mis à mort, il ressuscitera.



Un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident


Chers Père, Mères, frères et sœurs !

S’il est bien une icône que l’on pourrait appeler icône de carême c’est bien celle de la Descente aux Enfers.
Pourquoi ?
Parcequ’il en est de même dans cette icône autant que dans notre carême, que dans toute notre vie d’ailleurs, c'est-à-dire que le Christ en est le centre ; le Christ en est le but.
Nous le voyons se détacher nettement de la mandorle qui l’entoure, et si nous poussons plus loin notre contemplation, nous constatons que les cercles concentriques de cette mandorle se font de plus en plus sombres au fur et à mesure que l’on progresse de l’extérieur vers le Christ ; de sorte que la zone la plus sombre précède directement la lumière Christique ; tranchant ainsi de manière nette et flagrante.


A vue humaine cela peut sembler étonnant voire même contradictoire : en effet toute quête, toute avancée vers le Christ se doit d’être de plus en plus lumineuse ; certes. Mais dans la vie spirituelle, cette progression vers le Christ ne peut se faire que par une humilité toujours de plus en plus grande, par un renoncement lui aussi toujours de plus en plus grand, donc par un cheminement qui sera souvent obscurci par notre orgueil, par nos passions et en définitive par notre manque d’amour ; ce manque d’amour qui est trop souvent la source de nos maux et tout compte fait, ce manque d’amour qui est le péché par excellence.
Et pourtant, cette constatation de notre état de faiblesse ; loin de nous rebuter doit nous dynamiser et nous remplir de confiance de par le but que nous ne devons jamais perdre de vue, à savoir la rencontre avec Dieu.


Ainsi dans cette logique de progression nous solennisons aujourd’hui Saint Jean Climaque qui ; de par les trente chapîtres (ou degrés) de son Echelle Sainte ; nous enseigne que c’est pas à pas que nous cheminons vers Dieu ; que c’est pas à pas que nous nous approchons de Lui, que, c’est petit à petit que nous Le rencontrons ou plutôt devrions-nous dire que c’est petit à petit qu’Il se révèle à nous.
Après une première lecture, l’Echelle Sainte peut sembler ardue tant il est vrai que l’exigence se fait de plus en plus radicale au fur et à mesure des degrés exposés et si l’on perd de vue une fois de plus le but proposé à savoir l’union à Dieu.
Si St Jean Climaque s’adresse en premier lieu à ceux qui ont embrassé l’état monastique, il s’adresse aussi tout naturellement à tout disciple du Christ soucieux de sa vie spirituelle et surtout de la mener à bien, en vérité ….
On pourrait synthétiser cette somme de l’Echelle Sainte par ces mots de Père Sophrony, à savoir que « toute notre ascèse se résume en ceci : que nous soyons libérés de l’emprise de la mort, et que nous soit de nouveau donnée la Vie de Dieu ».
Vaste programme n’est-ce pas ? Certes ; mais notre vie terrestre ne doit pas dévier de sa fonction initiale à savoir la lutte contre chaque manifestation du péché en nous ; afin de nous libérer des conséquences de la mort. Car à la place de cette mort doit venir en nous la vie ; cette vie qui a ses racines uniquement en Dieu ; lui-même à la fois source et but de toute vie, rappelons-le.


Car si nous voulons prétendre suivre le Christ il faut être prêts à entamer un combat ; c'est-à-dire ne pas essayer d’éviter la douleur ; mais au contraire ne pas craindre cette douleur par laquelle s’exprime en réalité notre désir de suivre le Christ et de s’unir à Lui ; d’accepter pleinement cette douleur qui bien souvent est la résultante de nos faiblesses, ces faiblesses qui peuvent secouer intérieurement tout notre être à la manière de l’épileptique dont il a été question dans l’évangile d’aujourd’hui.


Pour remédier à cela et nous guider ; Saint Jean Climaque nous donne maints conseils et réponses ; comme une sorte de jeûne se déclinant à tous les niveaux, et qui ne peut que nous encourager à viser la nécessité de s’abstenir de tout ce qui n’est pas en accord avec l’esprit des Commandements ; donc de devenir libres ; profondément libres.

Tout ceci nécessite bien sûr un apprentissage ; et pour commencer ; nous ne devons pas craindre de reconnaître notre faiblesse, de l’accepter, d’apprendre à vivre avec et de savoir poser des actes d’humilité concrets ; de sorte que les germes orgueilleux de volonté propre qui sont ancrés en nous deviennent autant d’occasion de nous humilier et de prouver ainsi notre attachement à Dieu et notre désir de Lui.

En effet comme nous l’enseigne Père Syméon, nous devons tendre à devenir toujours de plus en plus « des êtres de désir », non de désir en vue de satisfaction individuelle et qui serait contraire à la théologie de la « personne » ; mais des êtres d’un désir ardent du Seigneur afin d’être tout en Lui et dans une certaine mesure grâce, à Son aide et à Sa coopération en nous et avec nous ; devenir en quelque sorte nos propres créateurs.
Bien évidemment cela ne se fera pas sans lutte et sans larmes ; mais lorsque l’âme s’est mise dans l’humilité, lorsque nous reconnaissons dans la simplicité nos fautes et nos erreurs, lorsque nous les avons pleurées ; nos âmes retrouvent alors leur équilibre dans l’Amour, et le sommet de l’Amour c’est la joie !

Non une joie exubérante et démonstrative ; mais une joie intérieure, spirituelle et priante qui est la meilleure arme dont nous pouvons user dans notre quotidien ; cette joie qui nous permet d’affronter les épreuves, de déjouer les pièges qui nous sont tendus par le tentateur, cette joie qui somme toute devient obéissance, dans le sens où c’est cette joie que Dieu attend de nous. Oui ; voilà la vraie dynamique : obéir joyeusement comme des enfants, porter notre vie comme des âmes viriles qui connaissent leurs responsabilités et assument leur liberté.

Nous pouvons donc conclure en disant qu’il n’y a qu’un seul remède : Aimer.
Aimer plus, aimer divinement, aimer en Dieu ; sans être étonnés de rencontrer la misère humaine (la nôtre ou celle de notre prochain) ; accepter que Dieu purifie ce qu’il y a de défaillant en nous.

Pour cela ne fermons jamais notre cœur et souvenons-nous qu’un cœur blessé est un cœur ouvert, et bien loin de chercher à étouffer son cœur, élargissons le aux dimensions du monde, élèvons le de l’amour qui désire recevoir à l’amour qui désire donner. On aime jamais trop lorsque l’ordre de l’Amour est respecté ; c'est-à-dire Dieu d’abord, puis notre communauté, ou notre conjoint et nos enfants, puis notre famille et notre prochain ; nous serons alors dans la vérité, car lorsque nous avons regardé longtemps cette Vérité, alors elle n’est plus cherchée mais possédée.
Que Saint Jean Climaque nous accorde par ses prières la grâce d’une quête inlassable de Dieu, avec cette violence d’amour qui a parfois la force de Le vaincre et de L’incliner vers l’homme !

Amen !


Homélie prononcée à la Crypte par le Père Boris le 25 mars 1993

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Nous sommes encore en marche vers la Semaine Sainte de Pâques et en ce quatrième dimanche du Grand Carême, l'Église vénère la mémoire d'un grand spirituel, d'un grand moine et ascète, docteur de l'Église, saint Jean Climaque.



L'adjectif « climaque » signifie « de l'échelle », car son œuvre la plus connue s'intitule L'Échelle. Il y décrit les trente degrés vers la perfection vers l'amour, vers le Seigneur. Ainsi en va-t-il de notre vie. L'Échelle est une image de notre ascension, de notre devenir spirituel. Ce devenir commence à notre naissance spirituelle, c'est-à-dire au baptême et ne se termine qu'à notre mort. Se termine-t-il vraiment à notre mort, n'y a-t-il pas un devenir encore plus haut, après notre mort ? « Nous montons, disait saint Grégoire de Nysse, de commencements en commencements, en des commencements qui n'ont pas de fin. »

L'Évangile d'aujourd'hui parle de ce chemin d'ascension qui est le chemin de la foi.Nous avons entendu la parole du père éploré, souffrant de la souffrance de son enfant possédé des démons. Lorsque Jésus lui déclare : « Tout est possible à celui qui croit », il répond par un cri, agenouillé devant le Seigneur : « Seigneur, je crois, viens en aide à mon incroyance ! ». Il semblerait qu'il y ait une contradiction interne. D'un côté le cri du fond de son être et de l'autre la conscience de son indignité, de sa précarité, de son état de chair et de matière devant Dieu. Tous, nous sommes ainsi écartelés et marchons entre l'absence de foi, l'incroyance, le peu de foi et une foi solide et stable, affermie dans le Seigneur. La liturgie de saint Jean Chrysostome dit : « Tu nous as amenés du néant à l'être et tu n'as pas cessé d'agir que tu nous aies élevés au ciel et nous aies fait don de ton Royaume à venir. » Le chemin de foi est un chemin qui va du néant à l'être, de l'état d'enfance à l'état d'adulte, des ténèbres à la lumière, du péché à la sainteté, de la mort à la vie.La foi comporte ainsi des degrés divers, des étapes dans une croissance continuelle, mais parfois aussi des chutes. Nous nous laissons abattre, par l'adversité, par l'ennemi et le péché.

Notre foi défaille, comme celle de Simon Pierre marchant sur les eaux. Il a suffi qu'il regarde sous ses pieds pour avoir peur. Notre foi est comme la sienne, et souvent nous sommes pris de peur. Pourtant cette foi nous est donnée, elle est inscrite en nous, communiquée par l'Esprit Saint et le baptême, croissant en nous par l'effusion de l'Esprit dans la Pentecôte nouvelle qu'est chaque communion eucharistique.De foi en foi, de petitesse en petitesse, d'implénitude en plénitude, nous grandissons.La foi, dans la Bible, est toujours une foi vivante. Comme le dit saint Jacques, une foi véritable est une foi active. La Bible ne connaît pas de différence entre « être croyant » et « être pratiquant ».Une foi qui ne mène pas à l'amour, à l'engagement est une foi morte, stérile, démoniaque ou tout simplement sommeillante. Il ne nous appartient pas de porter un jugement sur le degré de la foi des êtres qui nous semblent endormis spirituellement, qui semblent vivre loin de Dieu et qui pourtant affirment : « oui, j'ai la foi ». Nous devons les respecter, respecter en eux la moindre étincelle de lumière, de foi et de vie. Mais nous devons surtout les aider à rallumer cette étincelle qui couve sous les cendres pour qu'elle devienne un feu puissant et ardent.La foi, dans la Bible, c'est la fidélité. Nous pouvons dire que Dieu Lui-même est fidèle à Son amour, à Sa création première. Il ne supporte pas de voir l'humanité s'en aller à la destruction. Dieu est fidèle et c'est dans Sa fidélité qu'Il nous atteint, nous qui sommes encore pécheurs. Il nous saisit et nous élève vers Lui. Ayant été créés à Son image, et appelés à vivre selon Sa ressemblance, à devenir saints comme Dieu est saint, nous devons grandir dans cette même fidélité. Le Seigneur Lui-même a manifesté cette double fidélité, fidélité de Dieu envers l'homme, fidélité de l'homme envers Dieu. Dans sa fidélité de Dieu envers l'homme, Il nous a révélé l'amour du Père, un amour fou, comme le disent les Pères de l'Église, un amour insensé, qui ne cadre avec aucun raisonnement, aucune logique naturelle. Car, si l'homme est pécheur, il semblerait que Dieu dût s'en détourner et l'écraser de Sa colère. Non, « la colère de Dieu n'est pas pour toujours », dit le psaume. « Cache-toi, dit Yahvé au prophète, entre dans ta chambre et ferme la porte. Attends un instant que passe le temps de ma colère ! ». La colère de Dieu est pour un instant, mais Sa miséricorde est infinie. Cette miséricorde divine est le fondement même de Sa fidélité. Car la fidélité de Dieu est une fidélité à Son amour, qui est infini.D'un autre côté le Seigneur récapitule dans Son humanité toute l'humanité, et particulièrement tous les justes, les fidèles, les saints de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance.

Dans Son « oui » au Père, dans Son obéissance, « que Ta volonté soit faite et non la mienne », Il affirme Sa fidélité et Son amour envers le Père. En Christ, la volonté divine et la volonté humaine se joignent. La fidélité de Dieu et la fidélité de l'homme ne font plus qu'un désormais. Le Christ nous ouvre ainsi le chemin. Dans l'Esprit, Il nous donne la puissance de la foi. Et la foi qui dormait en nous s'éveille, elle devient une foi forte, stable, adulte, une foi qui peut faire des miracles. Le Seigneur l'a dit : « Si vous aviez la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : » déplace-toi et jette-toi dans la mer « et elle le ferait, et rien ne vous serait impossible ».Nous devons comprendre que la foi en Jésus, la foi que l'Esprit Saint répand en nos cœurs avec son amour, est une foi qui fait des miracles. Le plus grand miracle, la plus haute montagne que Dieu puisse déplacer, c'est l'ouverture du cœur humain, c'est transformer notre cœur de pierre en un cœur de chair, un cœur vivant. La conversion de l'homme est le plus grand mystère de la résurrection.C'est pourquoi nous devons nous convertir avec le père de cet enfant possédé, nous devons, nous aussi, crier au Seigneur : « Seigneur, je crois de toutes mes forces, mais viens en aide à mon manque de foi. Fais grandir en moi ce peu de foi pour qu'elle devienne forte, stable, lumineuse et débordante d'amour ».

Père Boris