04 mars 2007

II-ème Dimanche de Carême ; St Grégoire Palamas

Marc II, 1-12



1 Quelques jours après, Jésus revint à Capernaüm. On apprit qu'il était à la maison,
2 et il s'assembla un si grand nombre de personnes que l'espace devant la porte ne pouvait plus les contenir. Il leur annonçait la parole.
3 Des gens vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes.



4 Comme ils ne pouvaient l'aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit de la maison où il était, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché.


5 Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique: Mon enfant, tes péchés sont pardonnés.
6 Il y avait là quelques scribes, qui étaient assis, et qui se disaient au dedans d'eux:
7 Comment cet homme parle-t-il ainsi? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul?
8 Jésus, ayant aussitôt connu par son esprit ce qu'ils pensaient au dedans d'eux, leur dit: Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos coeurs?
9 Lequel est le plus aisé, de dire au paralytique: Tes péchés sont pardonnés, ou de dire: Lève-toi, prends ton lit, et marche?
10 Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés:
11 Je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit, et va dans ta maison.
12 Et, à l'instant, il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde, de sorte qu'ils étaient tous dans l'étonnement et glorifiaient Dieu, disant: Nous n'avons jamais rien vu de pareil.
La parabole du paralytique, comme celle du fils prodigue, nous parle tellement de nous...
Oui la lumière luit dans les ténèbres et la descente en soi est nécessaire !
Beaucoup de rites initiatiques commencent d'ailleurs par une descente symbolique, ou plus réelle, dans les ténèbres, dans les profondeurs de la terre : Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem.


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Homélie d'un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident




Chers frères et sœurs ;


Dimanche dernier nous solennisions le « Triomphe de l’Orthodoxie », c'est-à-dire que nous avons commémoré la proclamation de la légitimité du culte des saintes images à la suite de la crise iconoclaste. Ainsi dans cette mouvance, dans notre continuation de ce temps de carême et en guise d’encouragement, il serait bon de méditer aujourd’hui sur l’icône de la Résurrection, ou plutôt sur l’icône de la Descente aux Enfers pour être plus juste.

Car s’il est bien une icône que l’on pourrait appeler icône de carême c’est bien celle de la Descente aux Enfers.




Pourquoi ?
Parce qu’il en est de même dans cette icône autant que dans notre carême, que dans toute notre vie d’ailleurs, c'est-à-dire que le Christ en est le centre ; le Christ en est le but.
Nous le voyons se détacher nettement de la mandorle qui l’entoure, et si nous poussons plus loin notre contemplation, nous constatons que les cercles concentriques de cette mandorle se font de plus en plus sombres au fur et à mesure que l’on progresse de l’extérieur vers le Christ ; de sorte que la zone la plus sombre précède directement la lumière Christique ; tranchant ainsi de manière nette et flagrante.


A vue humaine cela peut sembler étonnant voire même contradictoire ; en effet toute quête, toute avancée vers le Christ se doit d’être de plus en plus lumineuse ; certes. Mais dans la vie spirituelle, cette progression vers le Christ ne peut se faire que par une humilité toujours de plus en plus grande, par un renoncement lui aussi toujours de plus en plus grand, donc par un cheminement qui sera souvent obscurci par notre orgueil, par nos passions et en définitive par notre manque d’amour ; ce manque d’amour qui est trop souvent la source de nos maux et tout compte fait, ce manque d’amour qui est le péché par excellence.
Et pourtant, cette constatation de notre état de faiblesse; loin de nous rebuter doit nous dynamiser et nous remplir de confiance de par le but que nous ne devons jamais perdre de vue, à savoir la rencontre avec Dieu.

Cette rencontre avec le Christ que le grabataire -dont il a été fait mention aujourd’hui dans la lecture de l’Evangile- cette rencontre qu’il a expérimentée dans son être tout entier, dans son être à la fois corps et esprit.



S’il en est un qui a vécu en profondeur cette progression de plus en plus sombre vers le Christ c’est bien lui, ce grabataire ! Il est aisé de nous imaginer que la paralysie dont il était atteint n’est sans doute pas venue d’un seul coup ; mais qu’elle s’est installée en lui progressivement, ralentissant puis neutralisant finalement les mécanismes physiques et spirituels de sa personne ; le plongeant pour ainsi dire dans une petite mort…



Aussi sombre que cette état de fait puisse nous paraître il n’en demeure pas moins que la guérison libératrice est intervenue ; d’une part grâce à la foi et à l’amour de ceux qui l’accompagnaient, sans qui rien n’eût été possible (bel exemple de la puissance communautaire !) ; et d’autre part du fait de cet humble et donc digne mouvement descendant vers le Christ, au travers du toit entrouvert de la maison ; descente volontairement et librement assumée à l’issue de laquelle la rencontre a eu lieu.

Et qui dit rencontre avec le Christ dit guérison, avec toute la paix intérieure que cela suscite et qui en découle naturellement ; cette « hesychia » dont St Grégoire Palamas s’en fait en son temps l’apôtre et l’ardent défenseur.
Saint Grégoire a insisté notamment sur un point crucial ; à savoir que depuis l’Incarnation, nos corps sont devenus précisément des « temples de l’Esprit Saint qui est en nous», et que c’est précisément dans nos corps que nous devons rechercher la présence de Dieu ; dans nos corps sanctifiés par la prière et la participation aux sacrements de l’Eglise.
Car ; toujours selon St Grégoire ; Dieu se trouve en nous-mêmes et c’est en nous-mêmes que nous découvrirons la Lumière du Thabor, cette lumière Thaborique que les apôtres Pierre, Jacques et Jean n’ont pu expérimenter que d’un point de vue extérieur parceque le Christ n’était alors pas encore mort et ressuscité.
Il devient donc nécessaire et primordial que nos corps participent à la prière dont ils sont l’instrument, ainsi l’être humain dans sa totalité s’en trouvera réunifié et pourra contempler la Lumière Divine.


C’est uniquement en ce sens que cette ascèse que nous tentons de vivre en ce carême trouve sa raison d’être ; non pas par « masochisme » volontariste et disciplinaire mais en tant que respect de son propre corps, donc respect de soi –et bien au-delà d’un moralisme étroit- ; en tant que conscientisation d’abord, puis acceptation de ses faiblesses, de ses pulsions qui si elles sont à la fois contrées, contenues et axées sur Dieu sont de fait rencontres avec Lui… Car Il ne nous abandonne jamais dès lors que nous Lui faisons ne serait-ce qu’une toute petite place dans nos cœurs pour qu’Il combatte avec nous, à nos côtés.





Alors nos vies s’en trouveront changées et tout comme le grabataire nous nous relèverons certes ; mais nous nous relèverons comme lui en emportant notre grabat, c'est-à-dire sans quitter totalement ce qui fait nos infirmités ; nous nous relèverons, nous nous tiendrons debout face à Dieu ainsi qu’Il le veut de nous et marcherons vers Lui avec nos faiblesses acceptées puisqu’elles ont été, sont et seront autant de motifs et d’occasions d’entrer en relation avec Lui ,de Lui prouver notre amour et notre infinie confiance en Lui.

Ainsi nous expérimenterons ce qu’a écrit St Grégoire Palamas, à savoir que : « La joie spirituelle qui vient de l’Esprit dans le corps, transforme le corps et le rend spirituel ».


Amen !