20 janvier 2007

Semaine de l'unité

Semaine de l’Unité 2007

Mc VII, 32 - 37

32 Jésus quitta le territoire de Tyr, et revint par Sidon vers la mer de Galilée, en traversant le pays de la Décapole.
33 On lui amena un sourd, qui avait de la difficulté à parler, et on le pria de lui imposer les mains.
34 Il le prit à part loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa propre salive;
35 puis, levant les yeux au ciel, il soupira, et dit: Éphphatha, c'est-à-dire, ouvre-toi.
36 Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parla très bien.
37 Jésus leur recommanda de n'en parler à personne; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent.


Homélie d'un moine de l'Eglise d'Occident


Monseigneur,
Révérende Mère, Révérends Pères,
chers frères et sœurs en Christ !


S’il est un miracle que le Christ désire voir se réaliser en nous c’est bien celui de nous faire entendre et de nous rendre la parole, sourds et muets que nous sommes ; trop souvent en effet nous restons sourds à Son appel et muets quand il s’agit de proclamer la bonne nouvelle de l’Evangile, il faut bien le reconnaître !

La méditation qui nous est offerte pour cette semaine de l’Unité doit justement nous ouvrir des horizons nouveaux pour nous faire cheminer toujours plus avant dans le dialogue et l’union à Celui qui est UN ; dans le dialogue et l’union à celui qui est à la fois la source, le fondement et le fruit de toute Unité.

De l’affirmation que le Christ « fait entendre les sourds et parler les muets » un thème principal ressort : celui du silence.

En effet, par définition, le sourd est voué au silence puisqu’il n’entend pas et le muet qui ne peut s’exprimer y est réduit quant à lui ; ce qui peut s’avérer angoissant en un temps où la communication moderne devient quasiment vitale, occupant une grande place de notre quotidien et dans un monde où le silence est assimilé à l’isolement, à la non-communication en bref à une sorte de petite mort.

Mais pour nous qui avons soif de Dieu et brûlons du désir de l’Unité ; le silence est une dimension à ne pas négliger si nous voulons « vivre » pleinement, si nous voulons vivre vraiment de Dieu et en Dieu « pour que tous soient un » selon ce qu’exige de nous le Christ.
Souvenons-nous que le Prophète Elie à l’Horeb ne rencontra le Seigneur ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu mais bien dans le murmure de fin silence de la brise légère ! Oui ; paradoxalement c’est dans le silence que Dieu nous parle…Le silence se faisant alors toute écoute, et quoi de plus normal quand ni bruits ni agitation ne viennent nous distraire et interrompre notre dialogue avec Dieu ?

Et nous tous ici présents qui sommes liés à ce Carmel, lui-même affilié au diocèse de Dijon nous sommes par conséquent bien placés pour nous mettre à l’école d’Elisabeth de la Trinité qui a vécu en profondeur cette dimension silencieuse de l’écoute et de la parole comme elle nous le dit elle-même : « Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter » ; oui, imitons la et peu à peu le silence nous envahira comme un prélude nécessaire à une autre dimension non moins essentielle qui se mettra en place progressivement et naturellement. Cette autre dimension essentielle qui n’est autre que l’unification intérieure.
Essentielle – dans le sens pur et spirituel du terme- car elle est LA condition de l’Unité.

Pourquoi ?
Tout simplement parce que tout comme il serait insensé et stérile de prier pour la paix du monde si l’on est pas au préalable en paix avec soi-même ou son entourage ; il serait tout autant stérile de désirer l’Unité des disciples du Christ si l’on œuvre pas avant tout à sa propre unité intérieure donc à celle de son entourage immédiat comme par exemple sa communauté ecclésiale. Soyons par ailleurs conscients que l’Unité des chrétiens pour l’Unité des chrétiens n’aurait aucun sens quant à elle s’il n’y avait à la clé, comme but le salut du monde, par la foi, comme Jésus l’exhortait à ses disciples à la veille de Sa crucifixion : « que tous soient un pour que le monde croie ».

Pour le coup ; si l’on œuvre de toute notre force et de tout notre désir à notre propre unité intérieure, nous oeuvrons par extension à l’Unité de l’Eglise du Christ ; alors le miracle s’opèrera : nos oreilles entendront, nos langues se délieront.


Nous deviendrons véritablement des témoins vivants de cette unité désirée, comme nous le rappelle le pasteur Dietrich Bonhoeffer : « On ne se fait pas soi-même témoin. On est constitué témoin. », ajoutant par ailleurs que « dans le témoignage, le témoin répond de sa parole et doit donc souffrir le cas échéant pour cela ».

Oui, nous savons tous qu’être témoin de l’unité n’est pas forcément aisé tous les jours et que bien des fois nous avons et aurons à essuyer des incompréhensions, voire des rejets… Qu’à cela ne tienne ! Dietrich Bonhoeffer nous rassure en affirmant que les apôtres « rendent témoignage au témoignage du Christ ; témoignage de Celui en qui la parole et l’action coïncident », qu’avons-nous alors à craindre d’être des témoins du Christ avec une unité de parole et d’action ?!



Dans l’esprit de Sainte Thérèse de Lisieux qui avait discerné, suite à un long combat, que sa vocation au cœur de l’Eglise serait l’Amour ; que notre vocation propre soit celle de l’Unité.
Autrement dit si nous voulons tous être unis, il nous suffit de nous centrer sur Dieu et d’aller vers Lui plutôt que de rester à tourner en rond extérieurement dans le marasme de notre orgueil et parfois de nos blocages réciproques.




C’est d’ailleurs ce que nous enseigne Dorothée de Gaza ; un saint de l’Eglise indivise dans sa parabole du cercle: « Supposez un cercle tracé sur le sol, avec le milieu du cercle que l’on appelle précisément centre. Imaginez que ce cercle, c’est le monde ; le centre c’est Dieu. Les rayons étant les différentes voies ou manières d’être des hommes. Quand les saints, désirant approcher de Dieu marchent vers le milieu du cercle, dans la mesure où ils pénètrent à l’intérieur, ils se rapprochent les uns des autres en même temps que de Dieu. Plus ils s’approchent de Dieu, plus ils se rapprochent les uns des autres ; et plus ils se rapprochent les uns des autres, plus ils s’approchent de Dieu ».
On ne peut faire plus simplement éloquent, n’est-ce pas ?!

A l’issue de cette belle journée riche d’échanges et de prière, il serait bon que je mette en pratique ce que je viens de dire et que je me taise pour écouter Celui qui a tant à nous dire… non sans conclure par ces mots d’un rabbin contemporain ; le Rabbi Marc-Alain Ouaknin : « Dans toute la théologie des Prophètes le Dieu d’Israël est un Dieu qui répond quand il y a un cri ; Il est capable d’entendre le cri de l’homme et de le sortir de sa souffrance ».


Ainsi donc puisque nous avons l’assurance que Dieu ; Lui ; n’est pas sourd (!), profitons-en pour lui crier notre attente de l’Unité de l’Eglise ; mais si vous avez bien suivi : oui, crions ;… mais en silence bien entendu !

Amen !