04 février 2007

Dimanche du Fils Prodigue


Luc XV, 11-32

11 Il dit encore: Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père: Mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, partit pour un pays éloigné, où il dissipa son bien en vivant dans la débauche.
14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.
15 Il alla se mettre au service d'un des habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs garder les pourceaux.
16 Il aurait bien voulu se rassasier des carouges que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait.
17 Étant rentré en lui-même, il se dit: Combien de mercenaires chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim!
18 Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi,
19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires.
20 Et il se leva, et alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et le baisa.
21 Le fils lui dit: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.
22 Mais le père dit à ses serviteurs: Apportez vite la plus belle robe, et l'en revêtez; mettez-lui un anneau au doigt, et des souliers aux pieds.
23 Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous;
24 car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à se réjouir.
25 Or, le fils aîné était dans les champs. Lorsqu'il revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses.
26 Il appela un des serviteurs, et lui demanda ce que c'était.
27 Ce serviteur lui dit: Ton frère est de retour, et, parce qu'il l'a retrouvé en bonne santé, ton père a tué le veau gras.
28 Il se mit en colère, et ne voulut pas entrer. Son père sortit, et le pria d'entrer.
29 Mais il répondit à son père: Voici, il y a tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je me réjouisse avec mes amis.
30 Et quand ton fils est arrivé, celui qui a mangé ton bien avec des prostituées, c'est pour lui que tu as tué le veau gras!
31 Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi;
32 mais il fallait bien s'égayer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et qu'il est revenu à la vie, parce qu'il était perdu et qu'il est retrouvé.




Un moine de l'Eglise d'orient

Ce dimanche continue à développer le thème du repentir et du pardon, déjà traité lors du dimanche du Pha­risien et du Publicain. Mais l'épître (1 Corinthiens 6: 12-20) ouvre en quelque sorte une parenthèse et aborde un sujet spécial : celui de la mortification corporelle. Cela s'explique par le fait que, huit jours après ce dimanche, nous entrerons dans la période du jeûne ; et, déjà maintenant, l'Eglise nous fait entendre un avertissement de St Paul concernant cette matière. L'apôtre dit d'abord aux corinthiens que toutes les choses permes ne sont pas profitables. Nous ne devons nous laisser dominer par rien, même pas ce qui est licite. Les aliments sont pour le ventre; le ventre est pour les aliments. Mais ni le ventre ni les aliments n'ont d'importance pour la vie spirituelle, car Dieu détruira les aliments et détruira le ventre.Elargissant son thème, l'apôtre parle alors de l'impureté.


Si les aliments sont pour le ventre, notre corps n’est pas pour la fornication. Notre corps est pour le Seigneur, le Seigneur est pour notre corps. Ici nous est présenté un argument très caractéristique de Paul, lequel juge tout «en termes de Christ». On pourrait s'attendre à ce que l'apôtre condamne l'impureté en se plaçant sur le plan moral, celui de la loi, des vices et des vertus. Mais Paul voit les choses sous un autre angle. «Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Et je prendrais les membres du Christ, pour en faire les membres d'une prostituée ?». Non seulement nous sommes les membres du Christ, mais nous sommes le temple de l’Esprit : «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du saint Esprit..» ? Donc, «fuyez la fornication..». Le jeûne alimentaire n'est ni la seule ni la plus haute forme du jeûne. La pureté sexuelle, celle du cœur et de la pensée aussi bien que celle du corps lui-même, est, selon la condition de chacun, dans le mariage et dans le célibat exigée de nous par le Seigneur d'une manière impérative.


Venons-en maintenant à l'idée centrale de ce dimanche. Elle se trouve exposée dans l'évangile que nous lisons aujourd'hui pendant la liturgie : c'est la parabole du fils prodigue.

Parmi les paraboles évangéliques, celle du fils prodi­gue (Luc 15 :11-31) est peut-être la plus connue, la plus familière. Elle est certainement une des plus touchantes. Peut-être ne reconnaissons-nous pas toujours où est le centre de cette parabole. Ce centre est-il dans le change­ment d'esprit du jeune homme qui a laissé son père, dis­sipé ses biens dans une vie de débauche, éprouvé la faim, envié les caroubes que mangeaient les pourceaux, et dé­cidé de partir et de retourner vers son père? Certes, la parole du jeune homme: «Je me lèverai, et j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, et je ne suis plus digne d'être appelé ton fils», - certes, cette parole demeure une expression profondé­ment émouvante du repentir. La résolution du fils prodi­gue : «Je me lèverai et j'irai vers mon Père», met bien en lumière l'importance de l'acte énergique, de l'acte de la volonté (on ne peut aller vers le Père si d'abord on ne se lève et si l'on ne part.) Toutefois, le jeune homme repen­tant n'est pas la figure la plus attrayante de la parabole. Son repentir n'est pas le résultat d'un revirement tout à ­fait désintéressé de la conscience. Ce repentir n'est pas étranger à tout calcul personnel : le fils prodigue désire échapper à la misère, il choisit la seule issue ouverte de­vant lui. La personne centrale de la parabole est plutôt la personne du père. Là, nous sommes en présence d'une ten­dresse absolument désintéressée et gratuite. Une tendres­se qui attend, qui veille, qui guette le retour du prodigue, et qui, le voyant encore au loin, ne peut plus y tenir : le père, bouleversé de compassion, court au-devant de son enfant, se jette à son cou et l'embrasse longuement. (On sait combien, en Orient, une telle attitude dérogerait à la dignité d'un vieillard.) Et voici que le père, sans adresser aucun reproche au prodigue, ordonne de lui mettre au doigt un anneau (le signe de l'héritier), aux pieds des chaussures (le signe de l'homme libre, distinct de l'escla­ve), de tuer le veau gras et de festoyer. Il fait apporter «la plus belle robe», et l'on en revêt le fils : remarquons qu'il ne s'agit pas de la plus belle des robes que possédait le prodigue avant son départ, mais de la plus robe qui puisse se trouver dans la maison. Dieu ne rend pas simplement au pécheur repentant la grâce qu'il pouvait avoir avant le péché : il lui accorde la plus grande grâce qu'il puisse recevoir, un maximum de grâce.


L'histoire du prodigue est notre propre histoire. Le départ volontaire, la vie coupable, la détresse, le repentir, le retour et le pardon : nous avons vécu tout ceIa – et combien de fois ! Soyons attentifs au rôle que joue un troisième personnage : le frère aîné du prodigue, dans la parabole, le fils aîné se montre jaloux de son frère il s’irrite du pardon si généreusement donné. Il refuse, malgré les instances de son père, de prendre part aux réjouissances.
C'est le contraire de ce qui se passe dans le vrai retour du pécheur. Tout fils prodigue qui revient est incité au retour par le frère aîné, le fils auquel le père dit « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi», -le Seigneur Jésus - qui prend le pêcheur par la main et le conduit au Père avec une brûlante affection.


Les vêpres et les matines de ce dimanche contiennent des passages qui commentent éloquemment les enseignements de la parabole. En voici quelques uns :
«Ayant dilapidé les dons paternels, moi le malheureux, j'ai brouté avec les bêtes muettes et ayant faim, j'ai désiré leur nourriture.., C'est pourquoi, je retournerai chez mon père, pleurant et lui disant: « Reçois-moi comme l'un de tes serviteurs, moi qui m'agenouille devant ton amour des hommes".. ô sauveur condescendant, aie pitié de moi, purifie-moi... et donne-moi de nouveau la première robe de ton Royaume...».

«Notre but, frères, est de comprendre la puissance de ce mystère. Car, quand l'enfant prodigue s’éloigna du péché et retourna à son refuge paternel, son père très bon le reçut, l'embrassa et lui remit tous les insignes de la Gloire ».