17 septembre 2006

L’ouverture des oreilles



Entre le 5 et le 8 juin 1686 - on ne peut pas être plus précis - les deux savantissimes bénédictins mauristes, Dom Jean Mabillon et Dom Michel Germain, qui écument l’Italie des manuscrits liturgiques médiévaux, s’arrêtent dans la célèbre abbaye de Bobbio, dans les Appenins, pour inspection. Et entre autres merveilles de la riche bibliothèque, ils découvrent un précieux missel de la fin du VIIe siècle ou début VIIIe siècle, probablement d’origine irlandaise, qui contient une description détaillée, passionnante, non seulement des rites de la messe mais aussi des sacrements de baptême ou de pénitence.

C’est un codex de 300 feuillets de parchemin, pas très grand, 18 cm sur 9,2, - un missel portatif si l’on peut dire, tellement portatif d’ailleurs, qu’il se retrouve dans la malle de voyage de Dom Mabillon et bientôt dans la bibliothèque des mauristes de Saint-Germain-des-Prés à Paris.

On peut s’indigner, évidemment, des rapts mauristes de manuscrits, mais en l’occurrence, c’était du sauvetage (avant l’heure et sans le savoir) puisque le fonds de livres du monastère de Bobbio a été transporté au XIXe siècle à la Bibliothèque Nationale de Turin, qui, comme vous savez, a péri presque entière dans un grand incendie en 1904.

Je dis « comme vous savez », parce que si vous avez lu le Nom de la Rose, d’Umberto Eco, vous savez que c’est cet incendie qui lui a inspiré une scène fameuse de son livre.Toujours est-il que le missel de Bobbio, confisqué aux mauristes à la Révolution, comme tous leurs livres, se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu, dans le département des Manuscrits Latins, bien conservé sous la cote Codex Parisinus 13246.


Au folio 85 recto se trouve la description liturgique d’une cérémonie somptueuse, très émouvante, que nous avons perdue aujourd’hui et qu’on appelait au moyen-âge l’Apertio aurium, ce qui signifie « l’ouverture des oreilles ».

C’est une cérémonie destinée aux catéchumènes qui préparent leur baptême tout au long du Carême. Elle a lieu le 5e dimanche du carême. Les dimanches précédents, on a fait sortir les catéchumènes de l’Eglise juste avant l’Evangile, car ils n’ont pas encore les oreilles du cœur ouvertes pour entendre le secret de la bonne nouvelle.

Mais le 5e dimanche, tout change. A peine le chant du psaume graduel est-il terminé, dit notre manuscrit, qu’une schola de clercs, qu’on ne voit pas, qui est groupée au fond de l’église, entonne les versets du cantique : « Omnes sitientes, venite ad aquas, vous tous qui avez soif, venez aux sources du salut, prêtez une oreille attentive aux paroles sorties de ma bouche ». Les catéchumènes, qui sont à l’entrée du chœur, écoutent ce chant, et peu à peu les voix se rapprochent, et on voit apparaître une longue procession de clercs et de ministres sacrés, revêtus des plus beaux ornements. Et au centre de la procession, derrière deux porte-flambeaux, et l’encensoir fumant - je lis toujours mon manuscrit - s’avancent 4 diacres, revêtus de la dalmatique, et chacun portant un des 4 évangiles. Le chant s’est arrêté, un chantre entonne la litanie du Kyrie eleison, et les quatre diacres posent chacun leur évangile à un des quatre angles de l’autel. Et le prêtre qui préside dit : Frères bien aimés, nous allons ouvrir vos oreilles à la bonne nouvelle, et pour que votre intelligence s’ouvre en même temps que vos oreilles, il faut que vous sachiez pourquoi il y a quatre évangiles et d’où ils viennent.

Et le premier diacre saisit l’évangile de Matthieu, l’ouvre, et lit les 20 premiers versets. Puis le second diacre lit le début du second évangile et ainsi de suite, et après chaque lecture, le prêtre explique le caractère spécial de chaque évangile, en partant de la vision magnifique du prophète Ezechiel des quatre êtres vivants aux quatre faces d’homme, de lion, de taureau et d’aigle. Cette symbolique très riche avait de quoi fasciner les futurs baptisés à qui on expliquait l’effet quadruple de l’évangile : le lion exprimant la force royale, le taureau la dimension du sacrifice, l’homme la nouvelle naissance, et l’aigle, le pneuma, le souffle de l’Esprit. Et puis ces quatre signes ont également une dimension cosmique (ce sont les quatre symboles stellaires du zodiaque) mais aussi simplement anthropologique, évidente, car le lion, le taureau, l’homme et l’aigle, disent ces vertus de dignité, de force, de savoir et de souplesse sans laquelle un homme ne peut pas vivre heureux ou accompli. Voilà, frères et sœurs, le mystère étonnant de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, tel qu’on l’expliquait aux catéchumènes du VIIe siècle, au jour de l’ « ouverture de leurs oreilles ».

Il s’agit bien entendu de l’oreille de leur cœur, pour qu’ils puissent ensuite s’approprier, tout au long de leur vie le message de salut du Seigneur. Et qu’ils l’entendent vraiment, non pas comme des "abrutis" spirituels qui ont des oreilles mais qui n’entendent rien, mais comme de vrais écoutants, qui ont soif d’une parole de vie. C’est bien sûr le sens de l’évangile d’aujourd’hui : Jésus guérit le sourd-muet, dans ce territoire païen de la Décapole parce qu’il symbolise tous les païens encore incapables d’écouter avec leur cœur et ensuite de proférer avec leur bouche la louange divine et la bonne nouvelle.

par frère Dominique-Marie

10 septembre 2006

Guérison d’un paralytique

VIème dimanche après la Pentecôte
St Matthieu IX. 1-8

1 Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et alla dans sa ville.
2 Et voici, on lui amena un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique: Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés.
3 Sur quoi, quelques scribes dirent au dedans d'eux : Cet homme blasphème.
4 Et Jésus, connaissant leurs pensées, dit: Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs?
5 Car, lequel est le plus aisé, de dire: Tes péchés sont pardonnés, ou de dire: Lève-toi, et marche?
6 Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison.
7 Et il se leva, et s'en alla dans sa maison.
8 Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu, qui a donné aux hommes un tel pouvoir.


Méditation d'un moine de l'Eglise d'occident

Chers frères et sœurs,

Aujourd'hui encore le Christ nous montre que dans les actes humains Il opère les mystères divins et que dans les choses visibles Il mène à bien les œuvres invisibles.
En effet, l'Evangile de ce dimanche nous dit qu'II monta dans une barque, traversa le lac pour arriver dans la ville; et pourtant n'est-ce pas Lui qui sous les pieds de Pierre égalisa les flots, offrant à celui-ci un ferme appui à des pieds humains ! Comment se fait-il qu'II ait recours à une barque, Lui qui aurait pu passer outre le côté matériel de l'eau !

Il n'y a pourtant rien d’étonnant à cela.

Le Christ est venu prendre sur lui nos infirmités en nous conférant Sa propre force, Il s'est fait homme pour venir chercher l'humain et donner le divin, supporter les faiblesses et apporter la guérison, supporter les injures pour nous restaurer dans notre dignité.
Un médecin qui ne saurait pas porter lui-même d'infirmité ne saurait guérir ses malades, et qui ne se fait pas infirme avec les infirmes ne saurait témoigner de la compassion envers ceux qui souffrent.

Une fois donc la traversée du lac effectuée et arrivé dans la ville on vient présenter au Christ un homme atteint de paralysie et couché sur un grabat.
Remarquons une chose intéressante : le malade ne demande rien au Christ et pourtant il s'en trouve guéri du fait de la foi et de la demande de ceux qui l'accompagnaient, de ceux qui le portaient.
Comment ne pas voir là un magnifique exemple de la réalité de l'Eglise; de la communion en Eglise !
Oui, combien ne sommes-nous pas nous aussi par moments « paralysés »» par nos doutes, notre souffrance, notre manque de foi ! « Paralysés» signifie que nous nous trouvons désemparés, incapables d'agir par nous-même si ce n'était sans compter sur le fait qu'en Eglise nous sommes portés par nos frères et sœurs; nous nous portons les uns les autres. Et comme nous venons de le voir, la démarche de quelques-uns peut guérir un homme, la prière peur sauver un être humain.

Là encore c'est la foi de ces quelques-uns qui a « déclenché »» pourrait-on dire le miracle de la guérison, et pourtant la foi du paralytique n'est ni exclue ni mentionnée.
« Tes péchés te sont remis» lui dit Jésus car si le pardon, la réconciliation avec Dieu sont le but, Il ne peut nous pardonner et nous réconcilier avec Lui que si il n'y a plus aucune trace de mal en nous, ce qui serait incompatible avec la Vérité et la Bonté divines. Le pardon de Dieu impliquant par là l'effective rémission des péchés.
Le mot « rémission » est riche d'un sens propre qui fait doublement image : d'une part celle d'une « remise de dette » qui permet la libération et d'autre part celle d'une « remise en état » c'est-à-dire le rétablissement, la restauration, et par la suite la réconciliation et la ré-intégration avec Dieu, en fin de compte une véritable re­création.

« Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ! » se demandent les scribes... « Si Jésus prétend le faire c'est qu'II se prétend Dieu » se disent-ils en eux-mêmes. Mais ce qui fausse leur raisonnement c'est leur « mauvais cœur » en ajoutant « Il blasphème ! ». Et c'est ce que commence par leur reprocher le Christ : « Pourquoi ce cœur malveillant ? ».
Et pourtant Jésus ne nie rien : Dieu Seul peut en effet remettre les péchés, parce que d'une part c'est contre lui que vont nos péchés et parce que d'autre part Il est le Seul à pouvoir re-créer dans son intégrité l'être souillé par le mal.
Ainsi que le dit le Prophète Ezéchiel dont c'est aujourd'hui la fête : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés; de toutes vos souillures je vous purifierai ; je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair Il. Ez, XXXVI-25.
Et le Christ prétend bien remettre les péchés puisque lui, Jésus, est Dieu. Remarquons qu'ici contrairement à Son habitude de tout référer au Père, Il ne le nomme pas, c'est lui le Christ qui juge la rémission comme acquise.

Qu'en tirer comme conclusion?
Et bien qu'en Eglise, avec le Christ tout est possible, qu'aucun mal ne saurait persister sans être guéri. C'est du Christ que nous pouvons recevoir la force qui assure la victoire. Avec lui il n'y a plus d'échecs, le secret du succès c'est la vie en lui, dans et par l'Eglise.

Demeurons en lui, le Maître et le Dispensateur de toute vie et notre récompense sera certaine. Nous verrons alors des victoires sur nous-mêmes remportées, des ­malades guéris, des démons chassés. Parfois il nous faudra vivre (comme au Golgotha) l'acceptation victorieuse d'un sacrifice total ou celle d'un silence que l'on oppose aux moqueries et mauvais traitements ou encore et heureusement la participation glorieuse à Sa Résurrection.
« Le Christ notre Pâque a été immolé » nous dit Saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens; n'ayons pas peur de nous décharger sur lui -le Christ Réssuscité­- de nos péchés, de nos défaites et de nos manquements. Son sacrifice a tout expié. Ne nous attardons pas sur notre passé, ce serait priver le sacrifice du Christ de son efficacité, mais soyons conscient au plus profond de nous-mêmes qu'en Lui nous avons TOUT: un pardon complet, une communion complète, une complète guérison.

Notre cri parvient toujours jusqu'à Lui, aucun de nos soupirs d'espérance, de nos cris de détresse ne Lui échappe. Ses paroles sont vie pour nous et si nous savons ouvrir notre cœur, si nous savons nous taire pour écouter Celui qui a tant à nous dire, nous trouverons la Vie, la joie, la force et la guérison.

Amen !


Méditation d'un moine de l'Eglise d'occident

Chers frères et soeurs ;




« Le Fils de l'homme a le pouvoir sur terre de remettre les péchés » ; s'il
est une parole que nous devons avoir à l'esprit quand nous nous confessons c
'est bien celle-ci.

Et plus qu'une parole c'est une certitude et une réalité.

Par Son incarnation Le Christ est venu prendre sur lui nos infirmités en
nous conférant Sa propre force ; s'Il s'est fait homme c'est pour venir
chercher l'humain et donner le divin ; supporter les faiblesses et apporter
la guérison ; supporter l'opprobre pour nous restaurer dans notre dignité.
Un médecin qui ne saurait pas porter lui-même d'infirmité ne saurait guérir
ses malades, et qui ne se fait pas infirme avec les infirmes ne saurait
témoigner de la compassion envers ceux qui souffrent.



Et voici que l'évangile d'aujourd'hui nous rapporte le récit de cet homme
paralysé sur un grabat que l'on vient présenter au Christ.
Le malade ne demande rien et pourtant il s'en trouve guéri du fait de la foi
et de la demande de ceux qui l'accompagnaient, de ceux qui le portaient.
Comment ne pas voir là un magnifique exemple de la réalité de l'Eglise ; de
la réalité de la communion en Eglise ?

Oui, combien ne sommes-nous pas nous aussi par moments « paralysés » par nos
doutes, notre souffrance, notre manque de foi ? « Paralysés » signifie que
nous nous trouvons désemparés, incapables d'agir par nous-même si ce n'était
sans compter sur le fait qu'en Eglise nous sommes portés par nos frères et
sours ; nous nous portons les uns les autres.
Et comme nous venons de le voir ; la démarche de quelques-uns peut guérir un
homme ; la prière peut sauver un être humain.


Là encore c'est la foi de ces quelques-uns qui a « déclenché » pourrait-on
dire le miracle de la guérison ; alors que la foi du paralytique n'est ni
exclue ni mentionnée ; du moins peut-on la supposer
« Tes péchés te sont remis » lui dit Jésus ; car si le pardon, la
réconciliation avec Dieu sont le but, Il ne peut nous pardonner et nous
réconcilier avec Lui que si il n'y a plus aucune trace de mal en nous; ce
qui serait incompatible avec la Vérité et la Bonté divines. Le pardon de
Dieu impliquant par là l'effective rémission des péchés.

Le mot « rémission » est riche d'un sens propre qui fait doublement image :
d'une part celle d'une « remise de dette » qui permet la libération et d'
autre part celle d'une « remise en état » c'est-à-dire le rétablissement, la
restauration, et par la suite la réconciliation et la ré-intégration avec
Dieu ; en fin de compte une véritable re-création.


« Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ? » se demandent les scribes.
« Si Jésus prétend le faire c'est qu'Il se prétend Dieu » se disent-ils en
eux-mêmes. Mais ce qui fausse leur raisonnement c'est leur « mauvais cour »
en ajoutant « Il blasphème !».Et c'est ce que commence par leur reprocher le
Christ : « Pourquoi ce cour malveillant ? ».
Et pourtant Jésus ne nie rien : Dieu Seul peut en effet remettre les péchés,
non-seulement parceque c'est contre Lui que vont nos péchés mais aussi
parcequ' Il est le Seul à pouvoir re-créer dans son intégrité l'être souillé
par le mal.

Ainsi que le dit le Prophète Ezéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure
et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures je vous purifierai ; je
vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'
ôterai de votre chair le cour de pierre et je vous donnerai un cour de
chair ». Ez, XXXVI-25.

Et le Christ prétend bien remettre les péchés puisque Lui ; Jésus ; est
Dieu. Remarquons qu'ici contrairement à Son habitude de tout référer au Père
; Il ne le nomme pas, c'est Lui ; Jésus ; le Christ qui juge la rémission
comme acquise.


Alors chers frères et sours, qu'en tirer comme conclusion ?

Et bien qu'en Eglise ; avec le Christ tout est possible ; qu'aucun mal ne
saurait persister sans être guéri.
C'est du Christ que nous pouvons recevoir la force qui assure la victoire.
Avec Lui il n'y a plus d'échecs ; le secret du succès c'est la vie en Lui,
dans et par l'Eglise.
Demeurons en Lui, le Maître et le Dispensateur de toute vie ; et notre
récompense sera certaine.

Nous verrons alors des victoires sur nous-mêmes remportées, des malades
guéris, des démons chassés. Parfois il nous faudra vivre (comme au Golgotha)
l'acceptation victorieuse d'un sacrifice total ; ou celle d'un silence que l
'on oppose aux moqueries et mauvais traitements, ou encore et heureusement
la participation glorieuse à Sa Résurrection.

« Le Christ notre Pâque a été immolé » nous dit Saint Paul dans sa première
épître aux Corinthiens ; n'ayons pas peur de nous décharger sur Lui -le
Christ Réssuscité- de nos péchés, de nos défaites et de nos manquements. Son
sacrifice a tout expié. Ne nous attardons pas sur notre passé, ce serait
priver le sacrifice du Christ de son efficacité, mais soyons conscient au
plus profond de nous-mêmes qu'en Lui nous avons TOUT : un pardon complet,
une communion complète, une complète guérison.


Notre cri parvient toujours jusqu'à Lui, aucun de nos soupirs d'espérance,
de nos cris de détresse ne Lui échappe. Ses paroles sont vie pour nous et si
nous savons ouvrir notre cour, si nous savons nous taire pour écouter Celui
qui a tant à nous dire ; nous trouverons la Vie, la joie, la force et la
guérison.

Amen !

La «Dormition» de Notre-Dame



Saint-Sauveur-in-Chora (turc : Kariye Kilisesi ou Kariye Camii) est considérée comme étant un des plus beau exemples d'église byzantine.

La Dormition de la Vierge (ou Koimesis de la Vierge) est représentée sur une mosaïque au-dessus de la porte centrale de la nef. L’enfant que tient le Christ derrière elle symbolise son âme. Cette mosaïque de composition classique est l’unique représentante qui nous soit parvenue d’un ensemble de mosaïques représentant les Douze Fêtes et qui occupaient toute la nef.

Iconographie : La dormition de la mère de Dieu


Evangile selon Saint Luc (1: 39-49, 56 )

Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement. Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.


Evangile selon Saint Luc (10: 38-43, 11: 27-28)

Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur, nommée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, occupée à divers soins domestiques, survint et dit: Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma soeur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée.
Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité! Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!

LA DORMITION DE LA MÈRE DE DIEU
par Vladimir Lossky



La fête de la Dormition de la Mère de Dieu, connue en Occident sous le nom de l’Assomption, comprend deux moments distincts mais inséparables pour la foi de l’Église : la mort et l’ensevelissement de la Mère de Dieu ; et sa résurrection et son ascension . L’Orient orthodoxe a su respecter le caractère mystérieux de cet événement qui, contrairement à la résurrection du Christ, n’a pas fait l’objet de la prédication apostolique. En effet, il s’agit d’un mystère qui n’est pas destiné aux oreilles de " ceux de l’extérieur ", mais se révèle à la conscience intérieure de l’Église. Pour ceux qui sont affermis dans la foi en la résurrection et l’ascension du Seigneur, il est évident que, si le Fils de Dieu avait assumé sa nature humaine dans le sein de la Vierge, celle qui a servi à l’Incarnation devait à son tour être assumée dans la gloire de son Fils ressuscité et monté au ciel. Ressuscite, Seigneur, en ton repos, toi et l’Arche de ta sainteté (Ps 131, 8, qui revient à maintes reprises dans l’office de la Dormition). " Le cercueil et la mort " n’ont pas pu retenir " la Mère de la vie " car son Fils l’a transférée dans la vie du siècle futur (kondakion).



La glorification de la Mère est une conséquence directe de l’humiliation volontaire du Fils : le Fils de Dieu s’incarne de la Vierge Marie et se fait " Fils de l’homme ", capable de mourir, tandis que Marie, en devenant Mère de Dieu, reçoit la " gloire qui convient à Dieu " (vêpres, ton 1) et participe, la première parmi les êtres humains, à la déification finale de la créature. " Dieu se fit homme, pour que l’homme soit déifié " (S. Irénée, S. Athanase, S. Grégoire de Nazianze, S. Grégoire de Nysse [PG 7, 1120 ; 25, 192 ; 37, 465 ; 45, 65] et d’autres Pères de l’Église). La portée de l’incarnation du Verbe apparaît ainsi dans la fin de la vie terrestre de Marie. " La Sagesse est justifiée par ses enfants " : la gloire du siècle à venir, la fin dernière de l’homme est déjà réalisée, non seulement dans une hypostase divine incarnée, mais aussi dans une personne humaine déifiée. Ce passage de la mort à la vie, du temps à l’éternité, de la condition terrestre à la béatitude céleste, établit la Mère de Dieu au-delà de la résurrection générale et du jugement dernier, au-delà de la parousie qui mettra fin à l’histoire du monde. La fête du 15 août est une seconde Pâque mystérieuse, puisque l’Église y célèbre, avant la fin des temps, les prémices secrètes de sa consommation eschatologique. Ceci explique la sobriété des textes liturgiques qui laissent entrevoir, dans l’office de la Dormition, la gloire ineffable de l’Assomption de la Mère de Dieu (l’office de " l’Ensevelissement de la Mère de Dieu ", 17 août, d’origine très tardive, est au contraire trop explicite : il est calqué sur les matines du Samedi saint (" Ensevelissement du Christ ").



La fête de la Dormition est probablement d’origine hiérosolymitaine. Cependant, à la fin du IVe siècle, Éthérie ne la connaît pas encore. On peut supposer néanmoins que cette solennité n’a pas tardé à apparaître, puisque au VIe siècle, elle est déjà répandue partout : S. Grégoire de Tours est le premier témoin de la fête de l’Assomption en Occident (De gloria martyrum, Miracula I, 4 et 9 - PL 71, 708 et 713), où elle était célébrée primitivement en janvier. de missel de Bobbio et le sacramentaire gallican indiquent la date du 18 janvier.) Sous l’empereur Maurice (582-602) la date de la fête est définitivement fixée au 15 août (Nicéphore Calliste, Hist. Eccles., 1.XVII, c. 28 - PG, 147, 292).



Parmi les premiers monuments iconographiques de l’Assomption, il faut signaler le sarcophage de Santa Engracia à Saragosse (début du IVe siècle) avec une scène qui est très probablement celle de l’Assomption (Dom Cabrol, Dict. d’archéol. chrét., I, 2990-94) et un relief du VIe siècle, dans la basilique de Bolnis-Kapanakéi, en Georgie, qui représente l’Ascension de la Mère de Dieu et fait pendant au relief avec l’Ascension du Christ (S. Amiranaschwili, Histoire de l’art géorgien (en russe, Moscou, 1950), p. 128 ). Le récit apocryphe qui circulait sous le nom de S. Méliton (IIe siècle), n’est pas antérieur au commencement du V siècle (PG, 5, 1231-1240). Il abonde en détails légendaires sur la mort, la résurrection et l’ascension de la Mère de Dieu, informations douteuses que l’Église prendra soin d’écarter. Ainsi, S. Modeste de Jérusalem (+634), dans son " Éloge à la Dormition " - (Encomium, PG 86, 3277-3312), est très sobre dans les détails qu’il donne : il signale la présence des Apôtres " amenés de loin, par une inspiration d’en haut ", l’apparition du Christ, venu pour recevoir l’âme de sa Mère, enfin, le retour à la vie de la Mère de Dieu, " afin de participer corporellement à l’incorruption éternelle de celui qui l’a fait sortir du tombeau et qui l’a attirée à lui, de la manière que lui seul connaît ". (Patrologia Orientalis, XIX, 375-438.) L’homélie de S. Jean de Thessalonique (+vers 630) ainsi que d’autres homélies plus récentes – de S. André de Crète, de S. Germain de Constantinople, de S. Jean Damascène (PG 97, 1045-1109 ; 98, 340-372 ; 96, 700-761) – sont plus riches en détails qui entreront aussi bien dans la liturgie que dans l’iconographie de la Dormition de la Mère de Dieu.
Le type classique de la Dormition dans l’iconographie orthodoxe se borne, habituellement, à représenter la Mère de Dieu couchée sur son lit de mort, au milieu des Apôtres, et le Christ en gloire recevant dans ses bras l’âme de sa Mère. Cependant, quelquefois, on a voulu signaler également le moment de l’assomption corporelle : on y voit alors, en haut de l’icône, au-dessus de la scène de Dormition, la Mère de Dieu assise sur un trône dans la mandorle, que les anges portent vers les cieux.
Sur notre icône (Paris, XXe siècle), le Christ glorieux entouré de mandorle regarde le corps de sa Mère étendu sur un lit de parade. Il tient sur son bras gauche une figurine enfantine revêtue de blanc et couronnée de nimbe : c’est " l’âme toute lumineuse " (vêpres, stichère du ton 5) qu’il vient de recueillir. Les douze Apôtres " se tenant autour du lit, assistent avec effroi " (vêpres, stichère du ton 6) au trépas de la Mère de Dieu. On reconnaît facilement, au premier plan, S. Pierre et S. Paul, des deux côtés du lit. Sur quelques icônes, on représente en haut, dans le ciel, le moment de l’arrivée miraculeuse des Apôtres, rassemblés " des confins de la terre sur les nues " (kondakion, ton 2). La multitude d’anges présents à la Dormition forme parfois une bordure extérieure autour de la mandorle du Christ. Sur notre icône, les vertus célestes qui accompagnent le Christ sont signalées par un séraphin à six ailes. Trois évêques nimbés se tiennent derrière les Apôtres. Ce sont S. Jacques, " le frère du Seigneur ", premier évêque de Jérusalem, et deux disciples des Apôtres : Hiérothée et Denys l’Aréopagite, venus avec S. Paul (kondakion, ton 2 ; voir le passage des Noms divins du Pseudo-Denys sur la Dormition : III, 2 PG, 3, 681). Au dernier plan, deux groupes de femmes représentent les fidèles de Jérusalem qui, avec les 633 évêques et les Apôtres, forment le cercle intérieur de l’Église où s’accomplit le mystère de la Dormition de la Mère de Dieu.
L’épisode d’Athonius, un Juif fanatique qui eut les deux mains coupées par le glaive angélique, pour avoir osé toucher à la couche funèbre de la Mère de Dieu, figure sur la plupart des icônes de la Dormition. La présence de ce détail apocryphe dans la liturgie (tropaire de l’ode 3) et l’iconographie de la fête doit rappeler que la fin de la vie terrestre de la Mère de Dieu est un mystère intime de l’Église qui ne doit pas être exposé à la profanation : inaccessible aux regards de ceux de l’extérieur, la gloire de la Dormition de Marie ne peut être contemplée que dans la lumière intérieure de la Tradition.


Article paru dans Le Messager de l’Exarcat du Patriarcat russe en Europe occidentale,n° 27, juillet-septembre 1957.




Méditation du Père Lev Gillet

Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

La troisième des grandes fêtes d'été est la commémoraison de la mort de la Bienheureuse Vierge Marie, appelée en langage liturgique la «Dormition» de Notre-Dame. C'est, du point de vue liturgique, la plus importante des fêtes de la Vierge. Elle est précédée par un jeûne de deux semaines, le "Carême de la Mère de Dieu.", analogue à celui qui précède la fête de Saint Pierre et Saint Paul; ce carême commence le 1er août et dure jusqu'au 14 août inclus. La fête elle-même a lieu le 15 août.
L'évangile lu aux matines (Luc 1: 39-49, 56) décrit la visite faite par Marie à Elizabeth. Deux phrases de cet évangile expriment bien l'attitude de l'Eglise envers Marie et indiquent pourquoi celle-ci a été en quelque sorte mise à part et au-dessus de tous les autres saints. Il y a d' abord cette phrase de Marie elle même. « Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses » Et il y a cette phrase dite par Elisabeth à Marie : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni». Quiconque nous reprocherait de reconnaître et d'honorer le fait que Marie soit «bénie entre les femmes» se mettrait en contradiction avec l'Ecriture elle-même. Nous continuerons donc, comme « toutes les générations », à appeler Marie « bienheureuse ». Nous ne la séparerons d'ailleurs jamais de son Fils, et nous ne lui dirons jamais « tu es bénie » sans ajouter ou du moins sans penser : «et Le fruit de tes entrailles est béni». Et s'il nous est donné de sentir parfois l'approche grâcieuse de Marie, ce sera Marie portant Jésus dans son sein, Marie en tant que mère de Jésus, et nous lui dirons avec Elizabeth : « Comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ?. »
A la liturgie du même jour, nous lisons, ajoutés l'un à l'autre (Luc 10. 38-42 et 11: 27-28), deux passages de l'évangile que l'Eglise répétera à toutes les fêtes de Marie et auxquels cette répétition même donne la valeur d'une déclaration particulièrement importante. Jésus loue Marie de Béthanie, assise à ses pieds et écoutant ses paroles, d'avoir choisi « la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée», car «une seule chose est utile». Ce n'est pas que le Seigneur ait blâmé Marthe, si préoccupée de le servir, mais Marthe « s'inquiète et s'agite pour beaucoup de choses». L'Eglise applique à la vie contemplative, en tant que distincte de (nous ne disons pas : opposée à) la vie active, cette approbation donnée à Marie de Béthanie par Jésus. L'Eglise applique aussi cette approbation à Marie, mère du Seigneur, considérée comme le modèle de toute vie contemplative, car nous lisons dans d'autres endroits de l'évangile selon Luc : «Marie ... conservait avec soin, tous ces souvenirs et les méditait en son coeur... Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son coeur» . N'oublions pas d'ailleurs que la Vierge Marie s' était auparavant consacrée , comme Marthe, et plus que Marthe, au service pratique de Jésus, puisqu'elle avait nourri et élevé le Sauveur. Dans la deuxième partie de l' évangile de ce jour, nous lisons qu'une femme « éIeva la voix » et dit à Jésus: « Heureuses les entrailles qui t' ont porté et les mamelles que tu as allaitées ». Jésus répondit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent». Cette phrase ne doit pas être interprétée comme une répudiation de la louange de Marie par la femme ou comrne une sous-estimation de la sainteté de Marie. Mais elle met exactement les choses au point ; elle montre en quoi consiste le mérite de Marie. Que Marie ait été la mère du Christ, c'est là un don gratuit, c'est un privilège qu'elle a accepté, mais à l'origine duquel sa volonté personnelle n'a pas eu de part. Au contraire, c'est par son propre effort qu'elle a entendu et gardé la parole de Dieu. En cela consiste la vraie grandeur de Marie. Oui, bienheureuse est Marie, mais non principalement parce qu'elle a porté et allaité Jésus; elle est surtout bienheureuse parce qu' elle a été, à un degré unique, obéissante et fidèle. Marie est la mère du Seigneur ; elle est la protectrice des hommes: mais, d'abord et avant tout cela, elle est celle qui a écouté et gardé la Parole. Ici est le fondement « évangélique » de notre piété envers Marie. Un court verset, chanté après l'épître, exprime bien ces choses : « Alleluia ! Ecoute, ô ma fille et vois, et incline ton oreille» (Psaume 45: 10).
L'épître de ce jour (Philippiens 2: 4-11) ne mentionne pas Marie. Paul y parle de l'Incarnation : Jésus, qui, « de condition divine... s'anéantit lui-même, prenant condition d' esclave et devenant semblable aux hommes...». Mais il est évident que ce texte a les rapports les plus étroits avec Marie et a été aujourd'hui choisi à cause d'elle. Car c'est par Marie qu'est devenue possible cette descente du Christ en notre chair. Nous revenons donc en quelque sorte à l' exclamation de la femme :«Heureuses les entrailles qui t'ont porté...». Et par suite l' évangile que nous avons lu est comme une réponse et un complément à l' épître : « Heureux... ceux qui écoutent la parole... ».
On remarquera que les portions de l'Ecriture lues le 15 août ne font aucune allusion à la mort de la Sainte Vierge. C' est dans les chants des vêpres et des matines qu'il faut chercher la signification particulière que l'Eglise attribue à la fête du 15 août.
Cette signification est double. Elle se trouve exactement exprimée dans cette phrase chantée aux vêpres . «La source de vie est mise au sépulcre et son tombeau devient l'échelle du ciel». La première partie de la phrase «la source de vie est mise au sépulcre» - indique que nous commémorons la mort de la très sainte Vierge. Si nous célébrons pieusement, chaque année, les anniversaires de la mort du Précurseur, des apôtres et des martyrs, à plus forte raison célébrons-nous la mort de la Mère de Dieu, qui est aussi notre mère, et qui dépasse en sainteté et en gloire tous les élus. Mais la fête du 15 août est plus que la commémoraison de la mort de Marie. La deuxième partie de la phrase dit : «.. et son tombeau devient l'échelle du ciel". La tombe de quiconque est mort dans le Christ est, d'une certaine manière, une échelle qui conduit au ciel. Cependant le cas de Marie est exceptionnel. Les textes liturgiques que nous chantons impliquent autre chose : «Ouvrez larges vos portes et... accueillez la Mère de la lumière intarrissable... Car, en ce jour, le ciel ouvre son sein pour la recevoir... Les anges chantent ta très sainte Dormition... que nous fêtons avec foi... Que tout fils de la terre tressaille en esprit... et célébre dans la joie la vénérable Assomption de la Mère de Dieu».
On le voit, il ne s'agit pas seulement de la réception de l'âme de Marie dans le ciel. Quoique la fête du 15 août ne porte pas, dans le calendrier liturgique byzantin, le nom de fête de l' Assomption ( comme c' est le cas dans l'Eglise latine), nos textes expriment la croyance en l'assomption corporelle de Marie. Selon cette croyance, le corps de Marie n'a pas connu la corruption qui suit la mort; il n'est pas resté dans le tombeau; Marie ressuscitée a été transportée au ciel par les anges (l'Assomption diffère de l' Ascension en ce que le Christ s'est élevé lui-même au ciel).
L' Assomption de Marie est située en dehors - et au dessus - de l'histoire. La croyance en l'Assomption ne s'appuie ni sur un récit biblique, ni sur des témoignages historiques scientifiquement recevables. Elle n'a été l'objet d'aucune définition dogmatique. L'Eglise n'a, jusqu'ici, imposé à aucun fidèle d'affirmer le fait de l'Assomption corporelle de Marie. Mais, si l'affirmation (intérieure ou extérieure) n'est pas exigée par l'Eglise, on peut dire que la conscience orthodoxe considérerait la négation active de l'Assomption non seulement comme une témérité, mais comme un blasphème. D'ailleurs, comment nier un fait qui n'est susceptible d'aucune vérification historique ? La croyance en l'Assomption ne se fonde pas sur des preuves documentaires. La conscience catholique, éclairée par le Saint-Esprit, s'est peu-à-peu persuadée que, si «le salaire du péché, c'est la mort », Marie a dû remporter sur la mort une victoire spéciale. Ainsi que Jésus (et toutes proportions gardées), elle a été glorifiée dans son corps. C'est cette glorification de la toute pure et toute sainte Mère de Dieu dans son âme et dans sa chair - et non point tel ou tel symbolisme matériel et telles ou telles circonstances historiques - qui constitue l'objet de la fête du 15 août.
L'Assomption est la fête, non seulement de Marie, mais de toute la nature humaine. Car, en Marie, la nature humaine a atteint sa fin. Une semaine après le début de l'année liturgique nous célébrons la naissance de la très Sainte Vierge. Deux semaines avant la fin de l'année liturgique, nous célébrons la mort et la glorification de Marie. Ainsi, associé et subordonné au cycle de la vie de Jésus, le cycle de la vie de Marie manifeste le destin et le développement d'une nature humaine entièrement fidèle à Dieu. Avec Marie, c'est le genre humain qui est emporté et reçu au ciel. Marie a des privilèges qui ne peuvent pas être les nôtres. Mais ce parfait épanouissement de la grâce en Marie, que nous admirons le 15 août, nous suggère quelle pourrait être la ligne de développement d'une âme qui s' appliquerait à faire fructifier en elle-même les grands dons reçus au cours de l'année liturgique, - le don de Noël, le don de Pâques et le don de la Pentecôte.

Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Tropaire
DANS TA MATERNITÉ, TU AS GARDÉ LA VIRGINITÉ, LORS DE TA DORMITION TU N’AS PAS ABANDONNÉ LE MONDE, Ô MÈRE DE DIEU. TU ES PASSÉE À LA VIE, TOI QUI ES LA MÈRE DE LA VIE INTERCÈDE POUR NOUS ET DÉLIVRE NOS ÂMES DE LA MORT

Kondakion
MÈRE DE DIEU, NOTRE ESPÉRANCE INÉBRANLABLE, TU NE CESSE DE PRIER POUR NOUS. LE SÉPULCRE ET LA MORT NE T’ONT PAS RETENUE, CAR CELUI QUI HABITA TON SEIN VIRGINAL T’A RENDUE À LA VIE, TOI LA MÈRE DE LA VIE

08 septembre 2006

La Nativité de la Mère de Dieu





HOMÉLIE POUR LA NATIVITÉ DE LA VIERGE MARIE
Saint Jean Damascène



Puisque la Vierge Mère de Dieu devait naître de sainte Anne, la nature n'a pas osé anticiper sur la grâce : la nature demeura stérile jusqu'à ce que la grâce eût porté son fruit. Il fallait qu'elle naisse la première, celle qui devait enfanter le premier-né antérieur à toute créature, en qui tout subsiste. Joachim et Anne, heureux votre couple ! Toute la création est votre débitrice. C'est par vous, en effet, qu'elle a offert au Créateur le don supérieur à tous les dons, une mère toute sainte, seule digne de celui qui l'a créée.

Réjouis-toi, Anne, la stérile, toi qui n'enfantais pas ; éclate en cris de joie, toi qui n'as pas connu les douleurs. Réjouis-toi, Joachim : par ta fille un enfant nous est né, un fils nous a été donné. On proclame son nom : Messager du grand dessein de Dieu, qui est le salut de tout l'univers, Dieu fort. Oui, cet enfant est Dieu. Joachim et Anne, heureux votre couple, et parfaitement pur ! On vous a reconnus grâce à votre fruit, selon cette parole du Seigneur : Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Vous avez eu une conduite agréable à Dieu et digne d’elle que vous avez engendrée. À cause de votre vie chaste et sainte, vous avez produit le joyau de la virginité, celle qui devait être vierge avant l'enfantement, vierge en mettant au monde, vierge après la naissance ; la seule toujours Vierge d'esprit, d'âme et de corps.
Joachim et Anne, couple très chaste ! En observant la chasteté, cette loi de la nature, vous avez mérité ce qui dépasse la nature : vous avez engendré pour le monde celle qui sera, sans connaître d'époux, la Mère de Dieu. En menant une vie pieuse et sainte dans la nature humaine, vous avez engendré une fille supérieure aux anges, qui est maintenant la Souveraine des anges.
Enfant très gracieuse et très douce ! Fille d'Adam et Mère de Dieu ! Heureux ton père et ta mère ! Heureux les bras qui t'ont portée ! Heureuses les lèvres qui, seules, ont reçu tes chastes baisers pour que tu demeures toujours parfaitement vierge.
Acclamez Dieu, terre entière, sonnez, dansez, jouez. Élevez la voix, élevez-la, ne craignez pas !



Evangile selon Saint Luc (1: 39-49, 56 et 10: 38-43, 11: 27-28)

Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement. Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses.


Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.
Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur, nommée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, occupée à divers soins domestiques, survint et dit: Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma soeur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée.
Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité! Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!


Méditation du Père Lev Gillet

Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Comme nous l'avons déjà indiqué, l'année liturgique comporte, outre le cycle des dimanches et le cycle des fêtes commémorant directement Notre Seigneur, un cycle des fêtes des saints. La première grande fête de ce cycle des saints que nous rencontrons après le début de l'année liturgique est la fête de la nativité de la bienheureuse Vierge Marie, célébrée le 8 septembre. Il convenait que, dès les premiers jours de la nouvelle année religieuse, nous fussions mis en présence de la plus haute sainteté humaine reconnue et vénérée par l'Eglise, celle de la mère de Jésus-Christ. Les textes lus et les prières chantées à l'occasion de cette fête nous éclaireront beaucoup sur le sens du culte que l'Eglise rend à Marie.

Au cours des vêpres célébrées le soir de la veille du 8 septembre, nous lisons plusieurs leçons tirées de l' Ancien Testament. C'est tout d'abord le récit de la nuit passée par Jacob à Luz (Genèse 28: 10-17). Tandis que Jacob dormait, la tête appuyée sur une pierre, il eut un songe : il vit une échelle dressée entre le ciel et la terre, et les anges montant et descendant le long de cette échelle et Dieu lui-même apparut et promit à la descendance de Jacob sa bénédiction et son soutien. Jacob, à son réveil, consacra avec de l'huile la pierre sur, laquelle il avait dormi et appela ce lieu Beth-el, c'est-à-dire « maison de Dieu ». Marie, dont la maternité a été la condition humaine de l'Incarnation, est, elle aussi, une échelle entre le ciel et la terre. Mère adoptive des frères adoptifs de son Fils, elle nous dit ce que Dieu dit à Jacob (pour autant qu'une créature peut faire siennes les paroles du Créateur) : « Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras...». Elle, qui a porté son Dieu dans son sein, elle est vraiment ce lieu de Beth-el dont Jacob peut dire : « Ce n' est rien de moins qu'une maison de Dieu et la porte du ciel ». La deuxième leçon (Ezéchiel 43: 27 - 44 : 4) se rapporte au temple futur qui est montré au prophète Ezéchiel ; une phrase de ce passage peut s'appliquer très justement à la virginité et à la maternité de Marie : « Ce porche sera fermé. On ne l'ouvrira pas, on n'y passera pas, car Yahvé le Dieu d'Israël y est passé. Aussi sera-t-il fermé ». La troisième leçon (Proverbes 9: 1-11) met en scène la Sagesse divine personnifiée : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a dressé ses sept colonnes... Elle a dépêché ses servantes et proclamé sur les hauteurs de la cité...». L'Eglise byzantine et l'Eglise latine ont toutes deux établi un rapprochement entre la divine Sagesse et Marie. Celle-ci est la maison bâtie par la Sagesse; elle est, au suprême degré, l'une des vierges messagères que la Sagesse envoie aux hommes; elle est, après le Christ lui-même, la plus haute manifestation de la Sagesse en ce monde.

L'évangile lu aux matines du 8 septembre (Luc 1: 39-49, 56) décrit la visite faite par Marie à Elisabeth. Deux phrases de cet évangile expriment bien l'attitude de l'Eglise envers Marie et indiquent pourquoi celle-ci a été en quelque sorte mise à part et au-dessus de tous les autres saints. Il y a d' abord cette phrase de Marie elle-même : « Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses ». Et il y a cette phrase dite par Elisabeth à Marie : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ». Quiconque nous reprocherait de reconnaître et d'honorer le fait que Marie soit « bénie entre les femmes » se mettrait en contradiction avec l'Ecriture elle-même. Nous continuerons donc, comme « toutes les générations », à appeler Marie « bienheureuse ». Nous ne la séparerons d' ailleurs jamais de son Fils, et nous ne lui dirons jamais « tu es bénie » sans ajouter ou du moins sans penser. « le fruit de tes entrailles est béni ». Et s'il nous est donné de sentir parfois l' approche gracieuse de Marie, ce sera Marie portant Jésus dans son sein, Marie en tant que mère de Jésus, et nous lui dirons avec Elisabeth : « Comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? »

A la liturgie du même jour, nous lisons, ajoutés l'un à l'autre (Luc 10: 38-42 et 11: 27-28), deux passages de l'évangile que l'Eglise répétera à toutes les fêtes de Marie et auxquels cette répétition même donne la valeur d'une déclaration particulièrement importante. Jésus loue Marie de Béthanie, assise à ses pieds et écoutant ses paroles, d' avoir choisi « la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée », car « une seule chose est utile ». Ce n'est pas que le Seigneur ait blâmé Marthe, si préoccupée de le servir, mais Marthe « s'inquiète et s'agite pour beaucoup de choses ». L'Eglise applique à la vie contemplative, en tant que distincte de (nous ne disons pas : opposée à) la vie active, cette approbation donnée à Marie de Béthanie par Jésus. L'Eglise applique aussi cette approbation à Marie, mère du Seigneur, considérée comme le modèle de toute vie contemplative, car nous lisons dans d'autres endroits de l'évangüe selon Luc : «Marie ... conservait avec soin, tous ces souvenirs et les méditait en son coeur... Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son coeur» (2: 19,51) . N'oublions pas d'ailleurs que la Vierge Marie s'était auparavant consacrée, comme Marthe, et plus que Marthe, au service pratique de Jésus, puisqu'elle avait nourri et élevé le Sauveur. Dans la deuxième partie de l'évangile de ce jour, nous lisons qu'une femme « éleva la voix » et dit à Jésus : «Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les mamelles que tu as allaitées ». Jésus répondit : «Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent». Cette phrase ne doit pas être interprétée comme une répudiation de la louange de Marie par la femme ou comme une sous-estimation de la sainteté de Marie. Mais elle met exactement les choses au point ; elle montre en quoi consiste le mérite de Marie. Que Marie ait été la mère du Christ, c'est là un don gratuit, c'est un privilège qu'elle a accepté, mais à l'origine duquel sa volonté personnelle n'a pas eu de part. Au contraire, c'est par son propre effort qu'elle a entendu et gardé la parole de Dieu. En cela consiste la vraie grandeur de Marie. Oui, bienheureuse est Marie, mais non principalement parce qu'elle a porté et allaité Jésus; elle est surtout bienheureuse parce qu'elle a été, à un degré unique, obéissante et fidèle. Marie est la mère du Seigneur ; elle est la protectrice des hommes: mais, d'abord et avant tout cela, elle est celle qui a écouté et gardé la Parole. Ici est le fondement « évangélique » de notre piété envers Marie. Un court verset, chanté après l'épître, exprime bien ces choses : « Alleluia , Ecoute, ô ma fille et vois, et incline ton oreille» (Psaume 45: 10).
L'épître de ce jour (Philippiens 2 : 4-11) ne mentionne pas Marie. Paul y parle de l'Incarnation : Jésus, qui, « de condition divine... s'anéantit lui-même, prenant condition d' esclave et devenant semblable aux hommes...». Mais il est évident que ce texte a les rapports les plus étroits avec Marie et a été aujourd'hui choisi à cause d'elle. Car c'est par Marie qu'est devenue possible cette descente du Christ en notre chair. Nous revenons donc en quelque sorte à l' exclamation de la femme : « Heureuses les entrailles qui t'ont porté...». Et par suite l'évangile que nous avons lu est comme une réponse et un complément à l'épître: « Heureux... ceux qui écoutent la parole... ».
Un des tropaires de ce jour établit un lien entre la conception du Christ-lumière, si chère à la piété byzantine, et la bienheureuse Vierge Marie : « Ta naissance, ô vierge mère de Dieu, a annoncé la joie au monde entier, car de toi est sorti, rayonnant, le soleil de justice, Christ, notre Dieu ».
La fête de la nativité de Marie est en quelque sorte prolongée le lendemain (9 septembre) par la fête de Saint Joachim et Sainte Anne dont une tradition incertaine a fait les parents de la Vierge.
Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Tropaire
TA NATIVITÉ, MÈRE DE DIEU, A RÉVÉLÉ LA JOIE À L’UNIVERS, CAR DE TOI S’EST LEVÉ LE SOLEIL DE JUSTICE, LE CHRIST, NOTRE DIEU. DE LA MALÉDICTION, IL NOUS DÉLIVRE ET NOUS OUVRE À SON AMOUR VAINQUEUR DE LA MORT, IL NOUS DONNE LA VIE.