26 novembre 2006

Résurrection de la fille de Jaïre

Luc VIII 41-56

41 Et voici, il vint un homme, nommé Jaïrus, qui était chef de la synagogue. Il se jeta à ses pieds, et le supplia d'entrer dans sa maison,
42 parce qu'il avait une fille unique d'environ douze ans qui se mourait. Pendant que Jésus y allait, il était pressé par la foule.


43 Or, il y avait une femme atteinte d'une perte de sang depuis douze ans, et qui avait dépensé tout son bien pour les médecins, sans qu'aucun ait pu la guérir.
44 Elle s'approcha par derrière, et toucha le bord du vêtement de Jésus. Au même instant la perte de sang s'arrêta.
45 Et Jésus dit : Qui m'a touché? Comme tous s'en défendaient, Pierre et ceux qui étaient avec lui dirent: Maître, la foule t'entoure et te presse, et tu dis: Qui m'a touché?
46 Mais Jésus répondit: Quelqu'un m'a touché, car j'ai connu qu'une force était sortie de moi.
47 La femme, se voyant découverte, vint toute tremblante se jeter à ses pieds, et déclara devant tout le peuple pourquoi elle l'avait touché, et comment elle avait été guérie à l'instant.
48 Jésus lui dit: Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix.

49 Comme il parlait encore, survint de chez le chef de la synagogue quelqu'un disant : Ta fille est morte ; n'importune pas le maître.
50 Mais Jésus, ayant entendu cela, dit au chef de la synagogue : Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée.
51 Lorsqu'il fut arrivé à la maison, il ne permit à personne d'entrer avec lui, si ce n'est à Pierre, à Jean et à Jacques, et au père et à la mère de l'enfant.
52 Tous pleuraient et se lamentaient sur elle. Alors Jésus dit: Ne pleurez pas ; elle n'est pas morte, mais elle dort.
53 Et ils se moquaient de lui, sachant qu'elle était morte.
54 Mais il la saisit par la main, et dit d'une voix forte: Enfant, lève-toi.
55 Et son esprit revint en elle, et à l'instant elle se leva; et Jésus ordonna qu'on lui donnât à manger.
56 Les parents de la jeune fille furent dans l'étonnement, et il leur recommanda de ne dire à personne ce qui était arrivé.


Symbolique :
- fille du chef de la synagogue représente Israél, elle a 12 ans - 12 tribus.
- La femme hémoroisse est impure, elle représente les païens
- les deux sont sauvés par leur foi


Méditation d'un moine de l'Eglise d'orient

L’Evangile du vingt-quatrième dimanche après la Pentecôte nous enseigne la confiance dans les cas qui semblent désespérés. Cet évangile groupe deux épisodes. Une femme atteinte depuis douze ans d'une perte de sang et qu'un long traitement médical n'avait pu soulager touche Jésus et est guérie. Nos maladies du corps et de l'âme ne sont donc pas incurables, si graves et si longues qu'elles aient été. Et même lorsqu'il s'agit d'une mort spirituelle apparente il faut espérer contre toute espérance.



La fille de Jaïre, chef d'une synagogue, semblait morte. Lorsque Jésus dit qu'elle n'était pas mor­te, mais endormie, on le tourna en dérision. Mais lui, pre­nant la jeune fille par la main, lui commanda de se lever, et elle se leva. Ainsi il ne faut désespérer ni de nous-mê­mes ni d'aucun autre, lorsque l'apparence de la mort spi­rituelle s'établit. Il ne faut jamais dire: « Avec moi, ou avec celui-ci, ou avec celle-là, il n'y a plus rien à faire ». Dans ces cas extrêmes, on ne doit plus compter sur les interventions humaines : on doit laisser Jésus seul agir sur l'âme pécheresse. « Il ne laissa personne entrer... et...prenant sa main...». Ce grand message d'espoir, qui coin­cide plus ou moins avec le début de l'Avent, montre que nous pouvons harmoniser avec ce temps liturgique des portions de l'Ecriture fixées indépendamment de lui. L'évangile d'aujourd'hui nous parle lui aussi, à sa ma­nière, de la victoire de la lumière sur les ténèbres.


L'épître (Ephésiens 2: 14-22) proclame que Christ «est notre paix» et qu'il vient nous «réconcilier avec Dieu». Trois versets pourraient particulièrement retenir notre attention. Tout d'abord: « Il est venu proclamer la paix, ... pour vous qui étiez loin et... pour ceux qui étaient pro­ches...». Même si je ne suis pas près de Dieu, même si je suis «loin», je puis prendre courage, parce Jésus est justement venu prêcher la paix aux pécheurs comme moi. Et encore : «Par lui nous avons... en un seul Esprit accès au Père». Ce verset exprime de la manière la plus con­cise la part des trois personnes divines dans notre vie spirituelle; il exprime l'essence de toute la vie spirituelle : l'accès au Père à travers le Fils par l'Esprit. Et enfin : «Vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l'Esprit». Ici, de nouveau, le texte scripturaire peut rejoindre notre préoccupation spéciale pendant le temps de l'Avent. Il s'agit de préparer en nous une demeure au Dieu qui va naître. C'est seulement par l'Esprit que cette habitation de Dieu en nous pourra être obtenue. Je ne participerai au bienfait de la venue de Jésus-Christ dans la chair que si j'ouvre tout d'abord mon âme à l'Esprit de Jésus-Christ.


Amen

21 novembre 2006

Présentation de Marie au Temple


Lorsque la Sainte et très pure enfant accordée par Dieu au genre humain resté stérile à cause du péché, des passions et de la mort, eut atteint l'âge de deux ans, son père Joachim dit à son épouse: «Menons-la au Temple du Seigneur, afin d'accomplir la promesse que nous avons faite de la consacrer dès son plus jeune âge au Tout-Puissant».


Mais Anne répondit: «Attendonsjusqu'à la troisième année, car peut-être réclamera-t-elle son père et sa mère et ne restera-t-elle pas dans le Temple du Seigneur. »Lorsque vint la troisième année, les deux époux décidèrent d'accomplir leur voeux et d'offrir leur enfant au Temple.

Joachim fit alors convoquer les jeunes filles des Hébreux de race pure, afin de l'escorter avec des flambeaux et de la précéder vers le Temple de manière à ce que, attirée par la lumière, l'enfant ne soit pas tentée de retourner en arrière vers ses parents. Mais la Sainte Vierge, créée toute pure et élevée par Dieu dès sa naissance à un degré de vertu et d'amour des choses célestes supérieur à toute autre créature, s'élança en courant vers le Temple. Elle devança les vierges de son escorte et, sans un regard pour le monde, se jeta dans les bras du Grand-Prêtre Zacharie qui l'attendait sur le parvis en compagnie des Anciens. Zacharie la bénit, en disant: «Le Seigneur a glorifié Ton Nom dans toutes les générations. C'est en Toi qu'aux derniers jours, Il révélera la Rédemption qu'Il a préparé pour Son peuple».

Et, chose inouïe pour les hommes de l'Ancienne Alliance, il fit entrer l'enfant dans le Saint des Saints, où seul le Grand-Prêtre pouvait entrer une fois par an seulement, le jour de la fête de l'Expiation. Il La fit asseoir sur la troisième marche de l'Autel, et le Seigneur fit alors descendre Sa Grâce sur Elle. Elle se leva et se mit à danser pour exprimer Sa joie. Tous ceux qui étaient présents furent ravis en contemplant ce spectacle prometteur des grandes merveilles que Dieu allait bientôt accomplir en Elle.Ayant ainsi quitté le monde, Ses parents et tout lien avec les choses sensibles, la Sainte Vierge demeura dans le temple jusqu'à l'âge de douze ans. En effet, devenue alors nubile, les Prêtres et les Anciens craignirent qu'elle ne souillât le Sanctuaire, et ils La confièrent au chaste Joseph, pour qu'il soit le gardien de Sa virginité en feignant d'être Son fiancé. Pendant ces neuf années, la Toute Sainte fut nourrie d'une nourriture spirituelle apportée par un Ange de Dieu. Elle menait là une vie céleste, supérieure à celle de nos premiers parents dans le Paradis. Sans souci, sans passion, ayant dépassé les besoins de la nature et la tyrannie des plaisirs des sens, Elle ne vivait que pour Dieu seul, l'intelligence fixée à tout moment dans la contemplation de Sa beauté. Par la prière continuelle et la vigilance sur Elle-même, la Sainte Enfant acheva, pendant ce séjour dans le Temple, de purifier Son coeur, pour qu'il devienne un pur miroir où se reflète la gloire de Dieu. Elle Se revêtit de la splendide parure des vertus, comme une fiancée, afin de Se préparer à la venue en Elle du Divin Epoux, le Christ. Elle acquit une telle perfection qu'Elle résuma en Elle-même toute la sainteté du monde et, devenue semblable à Dieu par la vertu, Elle attira Dieu à Se rendre semblable aux hommes par Son Incarnation.

Introduite dans le Sanctuaire à l'âge où les autres enfants commencent à apprendre, la Toute Sainte, du fond du Sanctuaire inaccessible, entendait chaque samedi les lectures de la Loi et des Prophètes que l'on faisait au peuple dans la partie publique du Temple. L'intelligence affinée par la solitude et la prière, elle parvint ainsi à la connaissance du sens profond des mystères de l'Ecriture.
Vivant parmi les Choses Saintes et contemplant Sa propre pureté, Elle comprit quel avait été le dessein de Dieu tout au long de l'histoire de Son peuple élu. Elle comprit que tout ce temps avait été nécessaire pour que Dieu Se prépare une mère parmi cette humanité rebelle, et que, pure enfant élue par Dieu, Elle devait devenir le vrai Temple vivant de la Divinité.
Placée dans le Lieu Très Saint où étaient déposés les symboles de la promesse de Dieu, la Vierge révélait que c'est en Sa personne que devaient s'accomplir les figures. C'est Elle qui est le Sanctuaire, le Tabernacle du Verbe de Dieu, l'Arche de la Nouvelle Alliance, le Vase contenant la manne céleste, la Verge bourgeonnante d'Aaron, la Table de la Loi de la Grâce. C'est en elle que les Prophéties obscures se dévoilent: elle est l'Echelle qui relie la terre et le ciel aperçue en songe par le Patriarche Jacob, la Colonne de nuée qui révèle la gloire de Dieu, la Nuée légère du Prophète Isaïe, la Montagne non-entaillée de Daniel, la Porte close par laquelle Dieu est venu visiter les hommes d'Ezéchiel, la Fontaine vivante et scellée qui fait jaillir sur nous les eaux de la Vie éternelle.

Contemplant spirituellement ces merveilles qui devaient avoir lieu en Elle, sans comprendre encore clairement comment elles allaient s'accomplir, la Toute-Sainte dirigea Sa prière et Son intercession vers Dieu avec plus d'intensité encore, pour que le Seigneur Se hâte de réaliser Ses promesses et qu'Il sauve le genre humain de la mort, en venant habiter parmi les hommes.

Lorsque la Mère de Dieu pénétra dans le Saint des Saints, le temps de préparation et d'épreuve de l'Ancienne Alliance prit fin, et l'on célèbre aujourd'hui les fiançailles de Dieu avec la nature humaine.

Voilà pourquoi l'Eglise se réjouit et exhorte tous les amis de Dieu à se retirer eux aussi dans le temple de leur coeur pour y préparer la venue du Seigneur, par le silence et la prière, en se retirant des plaisirs et des soucis de ce monde.



Vigiles (Luc 1: 39-49, 56 )

Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement. Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses. Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.


Liturgie (Luc 10: 38-43, 11: 27-28)

Comme Jésus était en chemin avec ses disciples, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur, nommée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, occupée à divers soins domestiques, survint et dit: Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma soeur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée. Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité! Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!

Epître de Saint Paul aux Hébreux (9: 1-7)

La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre. Un tabernacle fut, en effet, construit. Dans la partie antérieure, appelée le lieu saint, étaient le chandelier, la table, et les pains de proposition. Derrière le second voile se trouvait la partie du tabernacle appelée le saint des saints, renfermant l'autel d'or pour les parfums, et l'arche de l'alliance, entièrement recouverte d'or. Il y avait dans l'arche un vase d'or contenant la manne, la verge d'Aaron, qui avait fleuri, et les tables de l'alliance. Au-dessus de l'arche étaient les chérubins de la gloire, couvrant de leur ombre le propitiatoire. Ce n'est pas le moment de parler en détail là-dessus. Or, ces choses étant ainsi disposées, les sacrificateurs qui font le service entrent en tout temps dans la première partie du tabernacle; et dans la seconde le souverain sacrificateur seul entre une fois par an, non sans y porter du sang qu'il offre pour lui-même et pour les péchés du peuple.

Notre-Dame de Guadalupe



Méditation du Père Lev
Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf


Quelques jours après le commencement de l' Avent, l’Eglise célèbre la fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple. Il est juste que, au début du temps de préparation à Noël, notre pensée se porte vers la Mère de Dieu dont l’humble et silencieuse attente doit être le modèle de notre propre attente pendant l'Avent. Plus nous nous rapprocherons de Marie par prière, notre docilité, notre pureté, plus se formera en nous Celui qui va naître.

Que Marie, toute petite enfant, ait été présentée au Temple de Jérusalem pour y vivre, désormais appartient au domaine de la légende, non à celui de l'histoire (voir note). Mais cette légende constitue un gracieux symbole dont nous pouvons tirer les plus profonds enseignements spirituels.
Les trois lectures de l' Ancien Testament lues aux vêpres, le soir du 20 novembre (donc au début du 21 novembre, puisque la journée liturgique va du soir au soir), ont rapport au Temple. La première leçon (Exode 40) évoque les ordres donnés par Dieu à Moise concernant la construction et l' arrangement intérieur du tabernacle. La leçon (1 Rois 8:1-11) décrit la dédicace du Temple de Salomon. La troisième leçon (Ezéchiel 43:27- 44:4), déjà lue le 8 septembre, en la fête de la Nativité de la Vierge, nous parle de la porte du sanctuaire, fermée tout homme et par laquelle Dieu seul entre. Ces trois textes ont symboliquement pour objet la Mère de Dieu elle-même, temple vivant et parfait.
Les évangiles lus à matines et à la liturgie sont ceux qui ont été lus lors de la fête du 8 septembre. On trouvera à cette date, au chapitre précédent, un bref commentaire de l'évangile de la liturgie.

L'évangile lu aux matines décrit la visite faite par Marie à Elizabeth. Deux phrases de cet évangile expriment bien l'attitude de l'Eglise envers Marie et indiquent pourquoi celle-ci a été en quelque sorte mise à part et au-dessus de tous les autres saints. Il y a d' abord cette phrase de Marie elle-même : « Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses ». Et il y a cette phrase dite par Elisabeth à Marie : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ». Quiconque nous reprocherait de reconnaître et d'honorer le fait que Marie soit « bénie entre les femmes » se mettrait en contradiction avec l'Ecriture elle-même. Nous continuerons donc, comme « toutes les générations », à appeler Marie « bienheureuse ». Nous ne la séparerons d' ailleurs jamais de son Fils, et nous ne lui dirons jamais « tu es bénie » sans ajouter ou du moins sans penser. « le fruit de tes entrailles est béni ». Et s'il nous est donné de sentir parfois l' approche grâcieuse de Marie, ce sera Marie portant Jésus dans son sein, Marie en tant que mère de Jésus, et nous lui dirons avec Elizabeth : « Comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? »
A la liturgie du même jour, nous lisons, ajoutés l'un à l'autre, deux passages de l'évangile que l'Eglise répétera à toutes les fêtes de Marie et auxquels cette répétition même donne la valeur d'une déclaration particulièrement importante. Jésus loue Marie de Béthanie, assise à ses pieds et écoutant ses paroles, d' avoir choisi « la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée », car « une seule chose est utile ». Ce n'est pas que le Seigneur ait blâmé Marthe, si préoccupée de le servir, mais Marthe « s'inquiète et s'agite pour beaucoup de choses ». L'Eglise applique à la vie contemplative, en tant que distincte de (nous ne disons pas : opposée à) la vie active, cette approbation donnée à Marie de Béthanie par Jésus. L'Eglise applique aussi cette approbation à Marie, mère du Seigneur, considérée comme le modèle de toute vie contemplative, car nous lisons dans d'autres endroits de l'évangüe selon Luc : «Marie ... conservait avec soin, tous ces souvenirs et les méditait en son coeur... Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son coeur» (2: 19,51) . N'oublions pas d'ailleurs que la Vierge Marie s'était auparavant consacrée, comme Marthe, et plus que Marthe, au service pratique de Jésus, puisqu'elle avait nourri et élevé le Sauveur. Dans la deuxième partie de l'évangile de ce jour, nous lisons qu'une femme « éleva la voix » et dit à Jésus : «Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les mamelles que tu as allaitées ». Jésus répondit : «Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent». Cette phrase ne doit pas être interprétée comme une répudiation de la louange de Marie par la femme ou comme une sous-estimation de la sainteté de Marie. Mais elle met exactement les choses au point ; elle montre en quoi consiste le mérite de Marie. Que Marie ait été la mère du Christ, c'est là un don gratuit, c'est un privilège qu'elle a accepté, mais à l'origine duquel sa volonté personnelle n'a pas eu de part. Au contraire, c'est par son propre effort qu'elle a entendu et gardé la parole de Dieu. En cela consiste la vraie grandeur de Marie. Oui, bienheureuse est Marie, mais non principalement parce qu'elle a porté et allaité Jésus; elle est surtout bienheureuse parce qu'elle a été, à un degré unique, obéissante et fidèle. Marie est la mère du Seigneur ; elle est la protectrice des hommes: mais, d'abord et avant tout cela, elle est celle qui a écouté et gardé la Parole. Ici est le fondement « évangélique » de notre piété envers Marie. Un court verset, chanté après l'épître, exprime bien ces choses : « Alleluia , Ecoute, ô ma fille et vois, et incline ton oreille» (Psaume 45: 10). Quant à l'épître lue aujourd'hui, elle rappelle l'arrangement du sanctuaire et du « saint des saints» : ce texte lui aussi se rapporte symboliquement à Marie.
Le sens spirituel de la fête de la Présentation est développé dans les divers chants de l'office et de la liturgie. Les deux thèmes principaux que nous y trouvons sont les suivants. D'abord la sainteté de Marie. La petite enfant séparée du monde et introduite au Temple pour y demeurer évoque l'idée d'une vie séparée, consacrée, «présentée au Temple», une vie d'intimité avec Dieu : « Aujourd'hui la Toute Pure et toute sainte entre dans le Saint des Saints». Il est évident que l'Eglise fait ici une allusion spéciale à la. virginité, mais toute vie humaine dans des mesures diverses, peut être une vie «présentée au Temple» une vie sainte et pure avec Dieu. Le deuxième thème est la comparaison entre le Temple de pierre et le Temple vivant : «Le Temple très pur du Sauveur... est conduite aujourd’hui dans la maison du Seigneur, apportant avec elle la grâce de l'Esprit divin ». Marie qui portera. le Dieu-Homme dans son sein, est un temple plus sacré que le sanctuaire de Jérusalem; il convenait que ces deux temples se rencontrassent, mais ici c’est le temple vivant qui sanctifie le temple bâti. La supériorité du temple vivant sur le temple de pierre est vraie d’une manière spéciale de Marie parce quelle était l'instrument de l'Incarnation. Mais, d'une manière plus générale, cela est vrai de tout homme uni à Dieu : «Ne savez-vous que vous êtes le temple de Dieu ? Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit ?».
D’autres pensées, que les textes liturgiques n'expriment pas explicitement nous sont cependant suggérées par cette fête. Si notre âme est un temple où Dieu veut demeurer il convient que Marie y soit «présentée» : il faut que nous ouvrions notre âme à Marie, afin qu' elle vive dans ce temple, - notre temple personnel. D’autre part, puisque l’Eglise entière, puisque toute l' assemblée des fidèles est le corps du Christ et le Temple de Dieu considérons la fête d' aujourd’hui comme la Présentation de Marie dans ce Temple, - la sainte Eglise universelle. Ce Temple qu'est l’Eglise rend aujourd'hui hommage à ce Temple qu'est Marie.

Note : D'après les évangiles apocryphes (le pseudo-Jacques, le pseudo-Matthieu, etc.), Marie aurait été amenée au temple par ses parents à l'âge de trois ans, et elle y serait demeurée. La fête de la Présentation a d'abord été célébrée en Syrie ( qui est justement le pays des apocryphes) vers le VIe siècle. Au VIIe ou VIIIe siècles, des poèmes liturgiques grecs étaient composés en l'honneur de la Présentation. Néanmoins le ménologe de Constantinople, au VIIe siècle, ne mentionne pas encore cette fête. Elle était cependant célébrée à Constantinople au XIe siècle.(retour)
Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf



Tropaire

PRÉFIGURATION DE LA BONTÉ DE DIEU, ANNONCE DU SALUT DES HOMMES, AUJOURD’HUI, DANS LE TEMPLE, LA VIERGE SE MANIFESTE AUX YEUX DE TOUS ET PROCLAME LE CHRIST AU MONDE ENTIER. TOI QUI ACCOMPLIS LE DESSEIN DU CRÉATEUR NOUS TE GLORIFIONS.

Kondakion
TEMPLE TRÈS PUR DU SAUVEUR TRÉSOR SACRE DE LA GLOIRE DE DIEU LA VIERGE EST CONDUITE DANS LA MAISON DU SEIGNEUR ET AVEC ELLE LA GRÂCE DU SAINT ESPRIT LES ANGES LUI CLAMENT CHANTONS LE TABERNACLE DE LA DIVINITÉ

11 novembre 2006

Le mauvais riche et le pauvre Lazare



Luc XVI ; 19-31

19 Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie.
20 Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères,
21 et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères.
22 Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli.
23 Dans le séjour des morts, il leva les yeux; et, tandis qu'il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.
24 Il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme.
25 Abraham répondit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres.
26 D'ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire.
27 Le riche dit : Je te prie donc, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères.
28 C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments.
29 Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent.
30 Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront.
31 Et Abraham lui dit: S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait.



Un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident

Chers Père, Mères, frères et sœurs en Christ !


Pour bien comprendre le passage évangélique que nous venons d’entendre il est important de ne pas oublier qu’il nous est rapporté sous forme de parabole ; c'est-à-dire comme récit simple et imagé visant à mettre en évidence une réalité spirituelle concrète : notre propre réalité spirituelle.
Dans cette parabole du mauvais riche et du juste Lazare ; les enfers et le Royaume des Cieux nous apparaissent d’un prime d’abord comme une « toile de fond », un « décor » pourrait-on dire ; alors que dans les faits ils sont la trame de cette péricope tout autant qu’ils sont la trame de toute vie spirituelle authentique, et c’est précisément en cela que nous touchons au cœur même du message salvateur du Christ.


Le mauvais riche nous est décrit comme un homme aimant la pompe et les festins, vêtu « de pourpre et de lin fin » ; ce qui laisse sous-entendre qu’il était préoccupé entre autre chose par son apparence extérieure et sa réputation -autrement dit qu’il était plein d’orgueil et de suffisance- ; alors qu’à côté de lui se tient un pauvre misérable du nom de Lazare, couvert de plaies et qui se serait bien contenter des miettes tombant de la table du riche.
A vue humaine c’est un paradis pour le riche et un enfer pour le pauvre Lazare… et pourtant l’ordre des choses est renversé par delà la mort, une fois ceux-ci confrontés à la Vérité, c'est-à-dire se révélant dans la vérité de leur être spirituel :

Ce qui était vécu avec légèreté et insouciance comme un paradis devient un enfer ; et ce qui était infernal dans l’intensité, la durée et la douleur devient béatitude…


Nous aussi dans nos vies spirituelles, n’avons-nous pas parfois expérimenté cette descente aux enfers nous renvoyant à notre réalité propre de pécheurs, c'est-à-dire à notre orgueil ?

Nous le savons, Saint Silouane en a fait l’expérience ; l’expérience non seulement de cette plongée dans l’enfer mais aussi de cette « station » prolongée aux enfers, dans l’espérance et non dans le désespoir ; ce qui est très important. En lui nous avons un maître sûr pour cette « théologie appliquée » de l’enfer qui est sans aucun doute la meilleure réponse donnée aujourd’hui par le Christ au monde contemporain.

« Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ! » avait entendu Saint Silouane dans son cœur au cours d’une de ces nuits passées en prière dans sa cellule, en lutte contre les démons et l’orgueil ; « Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas ! », une petite phrase en apparence toute de contradiction mais qui nous enseigne qu’à tout instant –pour autant que nous coopérions avec Lui- le Christ descend aux enfers ; dans notre propre enfer ; dans l’enfer de nos passions et de nos dilemmes intérieurs ; le Christ y descend pour s’y révéler en tant qu’Amour et faire briller la lumière de la résurrection et de la connaissance.

S’Il est descendu en enfer pour arracher Adam et Eve de l’emprise de la mort c’est qu’Il en tire également l’humanité entière ; ce que le saint Starets appelait « l’Adam total ». Ainsi; comme cela a été le cas pour Saint Silouane après la traversée de l’enfer, la conversion devient possible par la puissance de l’Esprit-Saint ; l’expérience de l’enfer nous ouvrant par conséquent la voie de l’humilité, à la condition toutefois que nous ne laissions pas sortir notre orgueil de ce feu infernal ; auquel cas il y gagnerait en vigueur...ce qui n’est bien évidemment pas le but de la manœuvre !

Avec ce « cœur broyé » qui est évoqué dans le psaume 50, nous expérimenterons alors la miséricorde de Dieu ; l’enfer ne sera plus pour nous une destination mais un passage, puisque la vocation de toute personne ; c'est-à-dire d’être créé « à l’image et à la ressemblance de Dieu » ; notre vocation commune n’est donc pas de demeurer en enfer, mais de librement accepter d’y séjourner temporairement pour atteindre notre but final qui n’est rien d’autre que l’Union à Dieu, dans Son Royaume, par la Résurrection du Christ.



Chers frères et sœurs ; ne nous décourageons pas ! Au contraire, persévérons et ayons toujours quelque part dans la mémoire de notre cœur que puisque le Christ est descendu aux enfers c’est bien la preuve que même dans les ténèbres de l’ignorance le Dieu-Amour y est présent, et que c’est cet Amour auquel nous sommes confrontés qui nous fait souffrir car nous refusons consciemment ou inconsciemment d’y adhérer !

Ainsi donc ; à la suite de Saint Silouane, soyons des témoins vivants d’une foi qui ne se confie qu’en Dieu ; soyons des témoins silencieux, paisibles et joyeux de l’enfer que nous pouvons vivre par l’Amour du Christ ; cet enfer dans lequel Il ne cesse de descendre ; cet enfer qui ne débouche en aucun cas sur le néant mais bel et bien sur l’espérance !


Amen !


Un moine de l'Eglise d'orient

Cette parabole est d'un tout autre ton que les récits de guérison et de miséricorde si fréquents dans l'évangile de Luc.
Elle est un sévère avertissement. La jouis­sance égoïste en ce monde aura pour sanction la souffran­ce dans l'autre monde ; par contre, le pauvre sera dans l'abondance.
Le sens général de la parabole est si clair,si simple, qu'il n'a besoin d'aucune explication. Mais
quelques points de détail méritent d'être considérés de plus près.

« Un pauvre... gisait près de son portail...».
Le monde de la misère et de la souffrance n'est pas un mon­de irréel, lointain. Dieu lui-même dépose à ma porte, à ma propre porte, cette misère; il ne me demandera pas si j'ai eu pitié, d'une manière abstraite, de toute cette misère lointaine que je ne puis soulager, mais il me de­mandera ce que j'ai fait pour aider « un pauvre », un mendiant concret, présent, bien réel, «du nom de Lazare», qu'il avait spécialement choisi afin que j'exerce envers lui la miséricorde. Ce Lazare peut avoir besoin d'argent, de soins, d'aide morale : peu importe. Ce qui importe, c'est que mes yeux l'aperçoivent, lui qui gît devant ma maison (c'est-à-dire: lui que Dieu m'a donné spécialement l'oc­casion de rencontrer), et que je fasse quelque chose pour lui. Remarquons que le riche ne semble pas avoir été par­ticulièrement dur de cœur ou cruel: il a péché par négli­gence, il n'a pas fait attention à Lazare. Dieu ne me re­prochera pas nécessairement d'avoir fermé mon cœur aux malheureux : il me reprochera d'avoir été trop négligent et trop égoïste pour penser à le leur ouvrir.

Le contraste entre la fin de ces deux vies est saisissant: « Le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abra­ham. Le riche aussi mourut et on l'enterra». L'un a été « emporté par les anges»; l'autre a été « enterré », ­oh ! sans doute avec la pompe qui convient à un homme riche, mais avec tout ce que le mot « enterré» comporte de définitif et de contraire à une assomption entre des mains angéliques. « Emporté par les anges» - ou «en­terré» : ces deux destins, dans un sens spirituel, ne sont pas seulement les destins des morts, mais, déjà en cette vie, un homme peut se laisser porter vers Dieu par les anges ou, il peut se laisser ensevelir, recouvrir par cette terre à laquelle seule il est attaché.


L'opposition entre les deux destins est fortement soulignée: « Entre vous et nous a été fixé un grand abîme... qu'on ne traverse pas...». S'agit-il ici d'une affirmation de l'irrévocabilité et de l'éternité des peines des « damnés» ? Nous ne voudrions pas toucher en ce moment à cette question théologique que nous aurons l'occasion de retrouver. Mais nous ob­servons que le riche, même dans l'Hadès (quelle que soit la nature de cet Hadès), ne semble pas repentant ; nous ne voyons pas ici que Dieu refuse de faire miséricorde à un homme qui maintenant regretterait son ancienne attitude envers Lazare et condamnerait son propre égoïsme : d'un tel regret, il n'y a nulle trace. Ce que nous lisons, c'est seulement que le riche désire, d'une part être soulagé dans les tourments qu'il endure, et, d'autre part, éviter ce sort à sa propre famille. Remarquons enfin cette ex­pression: « ... de même ils ne seront pas persuadés ». Dieu veut que nous soyons « persuadés» de nous repen­tir : la repentance qu'il désire n'est le fruit ni de l'accep­tation d'un autorité extérieure, ni de la stupeur que cau­serait un signe miraculeux tel que la résurrection d'un mort (et, d'ailleurs, quand Jésus ressuscita des morts un autre Lazare, les Pharisiens ne se repentirent point). Cette repentance doit être le fruit d'une persuasion inté­rieure, d'un long

05 novembre 2006

La parabole du semeur


St Luc VIII, 5-15

5 Un semeur sortit pour semer sa semence. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin: elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent.
6 Une autre partie tomba sur le roc: quand elle fut levée, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité.
7 Une autre partie tomba au milieu des épines: les épines crûrent avec elle, et l'étouffèrent.
8 Une autre partie tomba dans la bonne terre: quand elle fut levée, elle donna du fruit au centuple. Après avoir ainsi parlé, Jésus dit à haute voix: Que celui qui a des oreilles pour entendre entende!
9 Ses disciples lui demandèrent ce que signifiait cette parabole.
10 Il répondit: Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu; mais pour les autres, cela leur est dit en paraboles, afin qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en entendant ils ne comprennent point.
11 Voici ce que signifie cette parabole: La semence, c'est la parole de Dieu.
12 Ceux qui sont le long du chemin, ce sont ceux qui entendent; puis le diable vient, et enlève de leur coeur la parole, de peur qu'ils ne croient et soient sauvés.
13 Ceux qui sont sur le roc, ce sont ceux qui, lorsqu'ils entendent la parole, la reçoivent avec joie; mais ils n'ont point de racine, ils croient pour un temps, et ils succombent au moment de la tentation.
14 Ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s'en vont, et la laissent étouffer par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité.
15 Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec un coeur honnête et bon, la retiennent, et portent du fruit avec persévérance.





Un moine de l'Eglise d'occident



Chers frères et sœurs !

A la lecture de l’épître et de l’évangile de ce jour retenons avant toute chose que la foi ; tout comme la semence de la Parole de Dieu doit porter des fruits.
Mais si cette semence nous est donnée « gratuitement », il nous revient de savoir la recevoir et ; de la même manière qu’en agriculture ou en jardinage ; d’apprendre à lui préparer un terrain propice afin qu’elle germe, croisse, mûrisse et donne des fruits.
Autrement dit ; cette parabole est à considérer comme un appel qui nous est lancé ; un appel à notre responsabilité (donc à notre liberté) et de manière évidente un appel à la synergie, c'est-à-dire à la coopération avec le Seigneur.

Ce que le Christ nous enseigne aujourd’hui est la suite logique de ce qu’Il annonçait sur la montagne, à savoir «écouter la Parole et la mettre en pratique de façon que l’arbre porte des fruits » et ; comme nous pouvons le lire un peu plus loin dans l’Evangile de St Luc ; « qu’heureux sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent ».

Le sort de la graine dépend d’où elle tombe ; rappel implicite qu’elle vient d’En-Haut ; donc qu’elle ne tombe pas toute seule d’elle-même, mais qu’elle est la résultante de l’action du semeur qui déploie son geste avec abondance et générosité.

Oui, tous nous recevons Sa Parole et suivant notre état intérieur notre cœur est tantôt semblable à une terre fertile, tantôt sec de la sécheresse de notre indifférence ou de nos angoisses ; tantôt envahi des ronces de certaines de ces futilités qui nous sont proposées à longueur de journées…

C’est dans ce sens que St Jean Baptiste exhortait explicitement les foules : « préparez le chemin », c'est-à-dire le terrain.
Car évidemment tout est question de terrain comme nous l’explique le Christ en commentant lui-même la parabole !

Trop souvent ; il nous faut bien l’avouer ; nous croyons que notre cœur est bien préparé et disposé à recevoir la Parole de Dieu…pour autant qu’elle corresponde à ce que notre ego préconise ; mais force est de constater que volonté divine et ego ne s’accordent en général pas très bien ! Pour le coup le terrain que l’on croyait disponible, travaillé, sarclé et labouré se retrouve en un rien de temps aride, encombré de ronces ou rocailleux…

Et pourtant rien n’est impossible au Seigneur : un infime mouvement d’ébauche de repentir ou de conversion suffit à rendre notre cœur plus disposé à la semence de la Parole. Il en résultera comme un retournement de situation : nous deviendrons alors semblables au grain jeté dans la terre n’ayant d’autre tâche que celle d’être en attente ; et être en attente c’est prier.
Il nous est alors donné de devenir des réceptacles de la lumière venue d’en haut et de la pluie bienfaisante et bénie, pour mourir à nous-mêmes ; mais étant sûrs de s’enraciner et de fructifier pour la plus grande gloire de Dieu et la vie du monde.

La loi et toute l’histoire d’Israël avertissent de ce rapport entre l’écoute de la Voix (la Parole de Dieu) pour l’accomplir, et l’abondance ou non de la récolte.
Qu’il nous suffise de re-méditer en ce sens certains passages de l’Ancien Testament ; tel le livre du Deutéronome (chap XXVIII) ou bien le livre d’Agée (I-5 et suivants) ou encore le livre de Jérémie (XII-13) pour ne citer que ceux-ci ; et l’on comprend mieux que l’infidélité porte peu de fruits en laissant sur sa faim celui qui abandonne l’Alliance promise et proposée par Dieu. Et pourtant ; redisons-le ; le miracle est que aussi longtemps que l’homme puisse en abuser, Dieu est toujours prêt à dispenser Sa grâce :
Sa parole –le Christ- subsiste éternellement, toujours donnée, toujours prête à multiplier ; elle ne demande d’ailleurs que cela, comme le moindre des végétaux dont c’est la loi constitutive, de par la Création.

Dans cette parabole ; dans la globalité du contexte biblique ; se dégage donc une signification extrêmement générale sur le sens de la Création que l’on peut résumer en 3 points :
- Que le terrain doit être préparé pour l’accueil de la semence jetée par le Seigneur.
- Que le Royaume de Dieu est la présence de Dieu dans le monde et en chacun de nous.
- Que la semence pour germer a besoin d’un terrain et que la Création est la condition de ces semailles divines.

En effet ; dès le paradis terrestre il y a eu l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; la terre où l’être humain a prit naissance était un jardin florissant et fructueux ; mais quand après le péché Adam et Eve ont été exclus de l’Eden, ils se virent condamnés à vivre dans un désert ne produisant que ronces et épines…

Or Dieu, rappelons le, est un semeur généreux : A la grandeur du premier ensemencement de la création dans le champ du monde, répond l’humilité de la seconde semence qu’est l’Incarnation du Verbe –le Christ- ; semence qui grandit pour nous donner l’arbre de la Croix et comme fruit, le Sang de la Nouvelle Alliance ; tout comme nous savons que dans cette continuité l’Evangile aussi est semence divine et que c’est de cette semence qu’est née l’Eglise.

Que conclure ?

Que c’est en nous que doit débuter toute réforme. Quand bien même nous serions en apparence totalement secs et envahis de multiples choses nous paralysant intérieurement ; il nous est toujours loisible de nous examiner nous-mêmes et de redresser quelque chose en nous.

Oui ; ce regard de vérité sur nous-mêmes est libérateur et féconde à notre insu le germe de la Parole ; sans que nous en soyons forcément conscients.

Comme toute réforme va de l’intérieur vers l’extérieur nous découvrirons bien vite que les circonstances externes qui nous pesaient jusque là s’amélioreront, alors que nous leur prêtions tous les prétextes de notre mal-être intérieur ; nous découvrirons aussi combien le « tourner en rond » de notre égocentrique égoïsme est néfaste pour notre vie spirituelle ; combien il est vivifiant de rentrer dans une dynamique d’ouverture et de dépouillement du « vieil homme » qui s’accroche à nous !

Agir de la sorte c’est en effet libérer la Puissance Divine jusqu’alors emprisonnée et retenue ; ainsi une fois libérée cette Puissance opère aussitôt des miracles dans le quotidien de nos vies.
Alors ; en vérité ; notre deuil se trouvera changé en allégresse, notre pauvreté deviendra richesse et nos ténèbres intérieures deviendront lumière pour le monde.

Chers frères et sœurs ; soyons intimement convaincus de la miséricorde de Dieu ; Lui qui n’a de cesse de frapper à la porte de notre cœur pour y faire Sa demeure et croître en nous ; comme nous le rappellent ces paroles du Livre d’Isaïe (XXX-18) qui se doivent de trouver un écho vibrant en nous: « Le Seigneur compte vous faire grâce… Il donnera la pluie pour la semence que tu auras semée dans la terre, et le pain que produira la terre sera riche et substantiel ! »

Amen !



Homélie prononcée par le père Boris le 24 octobre 1999 au Monastère de Notre-Dame-de-toute-protection, à Bussy.



Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.


Nous venons d'entendre la parabole du semeur qui sème sa semence sur différents sols. Or le Seigneur Lui-même nous donne une explication de cette parabole : Ici, le semeur, c'est Dieu, Lui-même, qui sème dans les cœurs humains. Et il y a toujours le risque énorme que cette semence ne se perde, en se desséchant ou en étant emportée par l'ennemi.


En résonance, on trouve, dans l'évangile de saint Jean, comme une continuation de cette parabole du semeur lorsque le Seigneur dit: « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il demeure seul. S'il meurt, il porte un fruit multiple. »1 C'est une parole extraordinaire dans laquelle le Seigneur ne s'identifie plus au semeur, mais au grain de blé, c'est-à-dire l'Agneau. De même qu'une seule goutte d'eau peut refléter le ciel, les étoiles et l'immensité du monde, de même ce grain de blé contient en lui toute la plénitude de la vie divine. C'est le Seigneur Lui-même qui entre dans la terre de nos cœurs pour y mourir et y donner un fruit nombreux.


La descente du Seigneur dans les cœurs humains est l'image de son abaissement, de sa kénose, elle manifeste ce risque énorme que prend le Créateur du ciel et de la terre en affrontant la liberté de l'homme, le risque d'en être rejeté ou d'en être ignoré. C'est pourquoi le Seigneur se compare, ailleurs, à un mendiant qui frappe à la porte : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre, j'entrerai et je dînerai près de lui et lui près de moi. »2 Ce risque que prend le Seigneur est la continuation de celui qu'Il a pris lorsqu'Il a créé le ciel et la terre, car le ciel et la terre ont été créés pour l'homme qui en est le couronnement, le prophète, le prêtre et le roi. L'univers entier a été créé en vue de la vie divine que Dieu veut communiquer à Sa créature.

Dieu descend pour offrir Sa grâce à l'homme, Dieu descend jusqu'à l'homme dans l'humilité, comme un petit enfant innocent, comme un serviteur qui lave les pieds de ses disciples.3
Encore et encore, nous voyons dans les évangiles les signes de l'humilité qui font la véritable grandeur de Dieu. Le Seigneur sème Sa parole dans les cœurs humains. Ou plus exactement, Il descend Lui-même, Il entre dans les cœurs par Sa parole, par Sa révélation. Il pénètre dans les cœurs humains pour les transformer peu à peu. Cette transformation est le fruit de notre vie entière.

Nous sommes appelés à devenir cette bonne terre qui reçoit la semence. Une terre fertilisée par le feu, par l'eau et le souffle de l'Esprit Saint. Telles sont les trois grandes images de l'Esprit, et. Justement, la terre a besoin de ces trois éléments pour devenir fertile et féconde, pour accueillir la semence divine qui vient mourir en nous, pour la faire germer et fructifier. Il y a différentes manières de mourir. Il y a le grain qui meurt par dessèchement. Mais ce n'est pas de cette mort que le Seigneur parle. La mort en vérité, la mort en esprit, la mort en Dieu, c'est mourir au vieil homme, c'est mourir pour donner la vie. C'est la loi de la nature, la loi de notre vie.

Dans la mesure où le Seigneur, comme un grain de blé vient mourir en nous, Il s'assimile à nous et nous nous assimilons à Lui. Alors c'est nous qui devenons cette parole, cette semence qui grandit et se multiplie. A notre tour, nous répandons la semence, nous la semons dans d'autres cœurs. A l'image du Seigneur, nous devons alors, nous aussi, mourir pour renaître.


Puissent cette parabole du semeur et la phrase du Seigneur sur le grain de blé qui meurt être des paroles illuminatrices pour nous apprendre à nous oublier nous-mêmes, pour accueillir cette semence et devenir, nous-mêmes, un blé multiple, un pain chauffé, doré au feu de Dieu pour devenir, tous ensemble, le pain de l'Eucharistie que le Seigneur nous a donné afin que le monde puisse s'en nourrir et y trouver la vie.

Amen !

1 Cf. évangile selon saint Jean XII, 24.
2 Cf. Apocalypse III, 20.
3 Cf. évangile selon saint Jean XIII, 1-11.