20 janvier 2007

Semaine de l'unité

Semaine de l’Unité 2007

Mc VII, 32 - 37

32 Jésus quitta le territoire de Tyr, et revint par Sidon vers la mer de Galilée, en traversant le pays de la Décapole.
33 On lui amena un sourd, qui avait de la difficulté à parler, et on le pria de lui imposer les mains.
34 Il le prit à part loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa propre salive;
35 puis, levant les yeux au ciel, il soupira, et dit: Éphphatha, c'est-à-dire, ouvre-toi.
36 Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parla très bien.
37 Jésus leur recommanda de n'en parler à personne; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent.


Homélie d'un moine de l'Eglise d'Occident


Monseigneur,
Révérende Mère, Révérends Pères,
chers frères et sœurs en Christ !


S’il est un miracle que le Christ désire voir se réaliser en nous c’est bien celui de nous faire entendre et de nous rendre la parole, sourds et muets que nous sommes ; trop souvent en effet nous restons sourds à Son appel et muets quand il s’agit de proclamer la bonne nouvelle de l’Evangile, il faut bien le reconnaître !

La méditation qui nous est offerte pour cette semaine de l’Unité doit justement nous ouvrir des horizons nouveaux pour nous faire cheminer toujours plus avant dans le dialogue et l’union à Celui qui est UN ; dans le dialogue et l’union à celui qui est à la fois la source, le fondement et le fruit de toute Unité.

De l’affirmation que le Christ « fait entendre les sourds et parler les muets » un thème principal ressort : celui du silence.

En effet, par définition, le sourd est voué au silence puisqu’il n’entend pas et le muet qui ne peut s’exprimer y est réduit quant à lui ; ce qui peut s’avérer angoissant en un temps où la communication moderne devient quasiment vitale, occupant une grande place de notre quotidien et dans un monde où le silence est assimilé à l’isolement, à la non-communication en bref à une sorte de petite mort.

Mais pour nous qui avons soif de Dieu et brûlons du désir de l’Unité ; le silence est une dimension à ne pas négliger si nous voulons « vivre » pleinement, si nous voulons vivre vraiment de Dieu et en Dieu « pour que tous soient un » selon ce qu’exige de nous le Christ.
Souvenons-nous que le Prophète Elie à l’Horeb ne rencontra le Seigneur ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu mais bien dans le murmure de fin silence de la brise légère ! Oui ; paradoxalement c’est dans le silence que Dieu nous parle…Le silence se faisant alors toute écoute, et quoi de plus normal quand ni bruits ni agitation ne viennent nous distraire et interrompre notre dialogue avec Dieu ?

Et nous tous ici présents qui sommes liés à ce Carmel, lui-même affilié au diocèse de Dijon nous sommes par conséquent bien placés pour nous mettre à l’école d’Elisabeth de la Trinité qui a vécu en profondeur cette dimension silencieuse de l’écoute et de la parole comme elle nous le dit elle-même : « Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter » ; oui, imitons la et peu à peu le silence nous envahira comme un prélude nécessaire à une autre dimension non moins essentielle qui se mettra en place progressivement et naturellement. Cette autre dimension essentielle qui n’est autre que l’unification intérieure.
Essentielle – dans le sens pur et spirituel du terme- car elle est LA condition de l’Unité.

Pourquoi ?
Tout simplement parce que tout comme il serait insensé et stérile de prier pour la paix du monde si l’on est pas au préalable en paix avec soi-même ou son entourage ; il serait tout autant stérile de désirer l’Unité des disciples du Christ si l’on œuvre pas avant tout à sa propre unité intérieure donc à celle de son entourage immédiat comme par exemple sa communauté ecclésiale. Soyons par ailleurs conscients que l’Unité des chrétiens pour l’Unité des chrétiens n’aurait aucun sens quant à elle s’il n’y avait à la clé, comme but le salut du monde, par la foi, comme Jésus l’exhortait à ses disciples à la veille de Sa crucifixion : « que tous soient un pour que le monde croie ».

Pour le coup ; si l’on œuvre de toute notre force et de tout notre désir à notre propre unité intérieure, nous oeuvrons par extension à l’Unité de l’Eglise du Christ ; alors le miracle s’opèrera : nos oreilles entendront, nos langues se délieront.


Nous deviendrons véritablement des témoins vivants de cette unité désirée, comme nous le rappelle le pasteur Dietrich Bonhoeffer : « On ne se fait pas soi-même témoin. On est constitué témoin. », ajoutant par ailleurs que « dans le témoignage, le témoin répond de sa parole et doit donc souffrir le cas échéant pour cela ».

Oui, nous savons tous qu’être témoin de l’unité n’est pas forcément aisé tous les jours et que bien des fois nous avons et aurons à essuyer des incompréhensions, voire des rejets… Qu’à cela ne tienne ! Dietrich Bonhoeffer nous rassure en affirmant que les apôtres « rendent témoignage au témoignage du Christ ; témoignage de Celui en qui la parole et l’action coïncident », qu’avons-nous alors à craindre d’être des témoins du Christ avec une unité de parole et d’action ?!



Dans l’esprit de Sainte Thérèse de Lisieux qui avait discerné, suite à un long combat, que sa vocation au cœur de l’Eglise serait l’Amour ; que notre vocation propre soit celle de l’Unité.
Autrement dit si nous voulons tous être unis, il nous suffit de nous centrer sur Dieu et d’aller vers Lui plutôt que de rester à tourner en rond extérieurement dans le marasme de notre orgueil et parfois de nos blocages réciproques.




C’est d’ailleurs ce que nous enseigne Dorothée de Gaza ; un saint de l’Eglise indivise dans sa parabole du cercle: « Supposez un cercle tracé sur le sol, avec le milieu du cercle que l’on appelle précisément centre. Imaginez que ce cercle, c’est le monde ; le centre c’est Dieu. Les rayons étant les différentes voies ou manières d’être des hommes. Quand les saints, désirant approcher de Dieu marchent vers le milieu du cercle, dans la mesure où ils pénètrent à l’intérieur, ils se rapprochent les uns des autres en même temps que de Dieu. Plus ils s’approchent de Dieu, plus ils se rapprochent les uns des autres ; et plus ils se rapprochent les uns des autres, plus ils s’approchent de Dieu ».
On ne peut faire plus simplement éloquent, n’est-ce pas ?!

A l’issue de cette belle journée riche d’échanges et de prière, il serait bon que je mette en pratique ce que je viens de dire et que je me taise pour écouter Celui qui a tant à nous dire… non sans conclure par ces mots d’un rabbin contemporain ; le Rabbi Marc-Alain Ouaknin : « Dans toute la théologie des Prophètes le Dieu d’Israël est un Dieu qui répond quand il y a un cri ; Il est capable d’entendre le cri de l’homme et de le sortir de sa souffrance ».


Ainsi donc puisque nous avons l’assurance que Dieu ; Lui ; n’est pas sourd (!), profitons-en pour lui crier notre attente de l’Unité de l’Eglise ; mais si vous avez bien suivi : oui, crions ;… mais en silence bien entendu !

Amen !

Dimanche du Publicain et du Pharisien

Luc 18, 10-14

10 Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l'un était pharisien, et l'autre publicain.
11 Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain ;
12 je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus.
13 Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur.
14 Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.





Homélie d'un hiéromoine d'occident


Chers Père, Mères, frères et sœurs en Christ !

Voilà que tout doucement nous continuons notre progression vers le Grand Carême et dans sa sagesse, la tradition de l’Eglise nous donne de méditer aujourd’hui la parabole du pharisien et du publicain.

Il est évident qu’il y a comme une continuité entre l’ évangile que nous venons d’entendre et le récit de la rencontre du Christ et de Zachée que nous avons méditée dimanche dernier, cette rencontre avec le Christ que chacun de nous a vécue, que chacun de nous cherche à approfondir, ce face à face, cette rencontre personnelle où le Christ nous a demandé tout comme à Zachée de descendre de notre arbre (c'est-à-dire de rejeter tout orgueil) afin que Lui ; le Christ ; vienne s’établir dans notre demeure c'est-à-dire dans nos propres cœurs.

Comme prélude à un cheminement intérieur avec Dieu, ce qui s’est passé entre le Christ et Zachée est, pourrait-on dire, le point de départ de toute vie spirituelle car c’est Lui qui avant tout est venu vers nous ; c’est Lui qui avant tout nous cherche et nous appelle et bien entendu, en contrepartie, Il attend de nous une réponse personnelle à cet appel.

Cette réponse que nous avons à donner va petit à petit s’instaurer sous forme de dialogue avec Lui, et ce dialogue n’a de nom que la prière.

La prière… c’est bel et bien ce que le publicain vivait et actualisait dans le Temple, alors que dans ce même Temple le pharisien était aux antipodes de toute vraie relation à Dieu !
Dans le cas du pharisien pouvons-nous d’ailleurs parler de relation à Dieu ? certes non, car cet homme n’était en réalité qu’en conversation avec son ego, cet ego qui n’a de cesse de nous faire la guerre et de s’ériger comme un rempart entre Dieu et nous ; cet orgueil qui infecte et paralyse tout à la fois nos cœurs et notre intellect empêchant celui-ci de descendre dans le cœur, c'est-à-dire là où la prière doit siéger, là où la prière doit agir, persévérer et rayonner pour le salut du monde, pour « l’Adam total » selon l’expression chère à Père Sophrony.


En effet, le pharisien ne cherchait qu’une seule chose : à passer pour juste devant les hommes. Il n’avait que faire de Dieu ; victime qu’il était de la double illusion d’une trop grande confiance en lui et d’une comparaison flatteuse avec autrui.
La confiance qu’il avait en lui-même l’empêchait de conscientiser dans la partie spirituelle de son être que tout ne vient que de Dieu ; de sorte qu’il volait d’une certaine manière l’honneur qui n’est dû qu’au Seigneur. Quant à se comparer à son prochain c’est ce qui est dénoncé par Saint Benoît dans le quatrième chapitre de sa règle, à savoir «Honorer et respecter tous les hommes ».

Contrairement au pharisien qui se tenait en plein milieu du Temple mais n’était pas en Dieu ; le publicain lui « se tenait à l’écart » mais était bel et bien en communion avec le Seigneur !
Etonnant paradoxe n’est-ce pas ?...

Le publicain se tenait loin, nous dit le texte, mais la distance n’était qu’apparente ; car Dieu était près, Lui le Très-Haut qui n’a de cesse de jeter un regard d’amour sur tous ceux qui s’abaissent ; souvenons-nous à ce sujet des paroles de St Jean-Baptiste « il faut qu’Il croisse et que je diminue » ; quoi de plus vrai et dynamisant quand on l’a expérimenté ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie !

Autre paradoxe que celui de Dieu qui ne reconnaît pas la faute du pécheur ; en l’occurrence dans le cas présent le publicain ; quand ce dernier lui, s’en accuse ! Ainsi donc, dans nos faiblesses n’oublions pas que « notre Dieu est un Dieu d’Amour » comme le rappelle souvent, ici même, Père Syméon.

Ce Dieu d’Amour qui par Sa mort a crucifié le « moi » humain dans sa totalité et nous invite à l’imiter dans cette marche vers la Vie et vers la Résurrection, c'est-à-dire vers Lui.
En portant nos péchés dans Sa chair jusque sur la Croix, c’est en réalité la nature de l’homme retombé sur lui-même que Jésus portait ; ainsi, quand nous faisons mourir notre « moi » nous sommes promis et assurés de la victoire en Dieu, par le Christ.



Oui, chaque coup, chaque bataille que nous portons et remportons contre le « moi » sont utilisés d’une certaine manière pour dégager, pour libérer la part vivante de Dieu en nous, pour autant que nous soyons obéissants à Sa Sainte volonté et sobres à l’égard de nous-mêmes.


Car dans le monde parfois chancelant et instable dans lequel nous vivons, il nous est primordial de savoir nous « posséder » nous-mêmes, de conserver une âme égale et de nous dominer ; bien entendu toujours par coopération avec Dieu ; par synergie pour employer le terme exact.

N’hésitons donc pas à Lui demander cette puissance par laquelle Il chassait les démons et continue de chasser ceux qui nous font la guerre ; cette puissance est la nôtre ! N’ayons de cesse de l’utiliser car elle ne saurait nous faire défaut du moment qu’on en use et qu’on en profite généreusement !

Mais il est certain ; et il nous faut l’accepter comme « règle du jeu » pourrait-on dire ; il est certain que cette prière doit s’actualiser dans la monotonie parfois déconcertante de notre quotidien, dans ce désert qu’il nous est souvent demandé de traverser… Ce qui importe avant tout étant notre persévérance au jour le jour ; car c’est dans les besognes parfois harassantes, dans les ténèbres de notre psychisme fragilisé que se scelle petit à petit notre union à Celui que nos cœurs et notre être tout entier cherchent et désirent plus que tout. Cette persévérance qui s’actualisera dans le silence –qui, à tort, est souvent pris par nous comme une absence de Dieu-, ce silence intérieur qui nous permettra d’écouter le Seigneur et d’entendre ce que Sa volonté désire à notre endroit.
Et qu’est Sa volonté sinon celle de nous donner toute chose ; sans mesure ; avec cet impatient désir qu’Il a de nous combler ?!

Chers frères et sœurs ! Ne jugeons pas le pharisien ou ceux qui lui ressemblent et que nous pourrions croiser, car comme nous le dit Saint Silouane « si tu vois un homme qui pèche et que tu n’as pas de compassion pour lui, alors la grâce t’abandonnera » car « il nous a été commandé d’aimer ». Au contraire ; à l’exemple du publicain prions avec humilité et foi ; avec cette foi que nous avons à demander au quotidien, cette foi qui transporte les montagnes et qui est le grand don que Dieu nous réserve ; ce don par lequel notre salut s’opérera si nous y associons le repentir par l’humilité.
Selon St Grégoire de Nysse, la foi dont ; « le support est la pauvreté selon l’Esprit, et l’amour de Dieu sans mesure ».


Amen !

19 janvier 2007

Dimanche de Zachée



Luc 19, 1-10

1 Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville.
2 Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, cherchait à voir qui était Jésus;
3 mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille.
4 Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là.
5 Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit: Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison.
6 Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie.
7 Voyant cela, tous murmuraient, et disaient: Il est allé loger chez un homme pécheur.
8 Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit: Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.
9 Jésus lui dit: Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham.
10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.



Méditation d'un moine de l'Eglise d'occident


Chers frères et sœurs !


Voilà que tout doucement nous approchons du Grand Carême et le passage d'Evangile que nous venons d'entendre est tout indiqué pour notre préparation spirituelle aux quarante jours de jeûne qui s'annoncent.­Voici donc que dans sa progression vers Jérusalem Jésus entre à Jéricho où il est accueilli par une foule nombreuse qui l'enserre, l'assaille ; le presse... sauf un publicain, riche et de petite taille -Zachée- qui grimpe sur un arbre afin de mieux voir le Seigneur.

En voyant cela Jésus lui demande de descendre - et de descendre « vite » - car il veut faire connaissance avec Zachée et demeurer chez lui.

Zachée s'exécute donc, et le texte nous dit que c'est avec joie qu'il reçut le Christ chez lui, mais si nous savons lire entre les lignes ; nous constaterons c'est d'une manière certaine que cette entrevue bouleverse Zachée.

En effet, à l'issue de sa rencontre avec Jésus, Zachée change radicalement et présente la moitié de ses biens au Seigneur pour la donner aux pauvres - lui le riche publicain- souhaitant de la sorte réparer le tort qu'il a pu préalablement commettre autour de lui.

Remarquons que l'initiative de la rencontre et du dialogue vient du Christ ; c'est Lui qui enjoint Zachée de descendre de l'arbre ; de se mettre debout face à Lui. N'en est-il pas ainsi de toute rencontre avec le Seigneur ?

C'est Lui qui vient à nous et nous veut debout dans Sa Lumière dans un face à face intime ; et ce malgré nos faiblesses, notre manque de foi, nos défauts, notre lâcheté... bref malgré notre orgueil.

Être debout devant le Seigneur cela veut dire que c'est ainsi qu'II nous désire. Depuis la Genèse en effet, Dieu est Celui qui met l'homme debout, et c'est debout que nous devons nous efforcer de nous tenir devant Lui. Bien sûr à certains moments viendront le découragement, la faiblesse ; mais nous pouvons compter sur le soutien de l'Eglise, par l'intermédiaire de notre Père spirituel, de notre communauté ecclésiale et avancer ainsi vers le chemin du salut.

Etre debout devant Dieu c'est le prélude d'un dialogue, d'une relation intime avec Lui ; et dialoguer, être en relation avec le Seigneur ; c'est la prière, c'est prier.

A partir de là ; tout comme c'est arrivé à Zachée ; ce qui est de l'ordre du superflu tombera de lui-même ; nous n'aurons plus besoin d'user de moyens « artificiels » face à Dieu (par exemple grimper dans un arbre pour mieux voir le Seigneur !), c'est-à-dire que nous n'aurons plus besoin d'autre chose que d'être nous-mêmes ; profondément nous-mêmes, dans l'humilité ; avec nos qualités, nos défauts ; mais être là tels que nous sommes, en vérité, face à notre Dieu.

Nous nous découvrirons alors trop «riches» -c'est-à-dire que nous découvrirons combien nous étions encombrés de futilités- et viendra pour nous le temps de nous appauvrir comme l'a fait Zachée en donnant ses biens, mais cet appauvrissement ne sera qu'apparent car dans la réalité de notre vie spirituelle nous nous serons vidés pour mieux accueillir le Christ et ainsi TOUT recevoir.

En nous faisant réceptifs à Lui et « réceptacles» de Lui ; nous vivrons ; nous vivrons dans le sens plénier du terme car le Christ est la Vie, le Christ doit être notre vie.Alors chers frères et sœurs; voilà notre programme - au moins jusqu'à Pâques - sinon pour toute notre vie :Chacun de nous est un Zachée dans son arbre (moi le premier !), mais le Christ nous appelle, Il attend de nous une réponse personnelle à son appel, il désire de nous que nous descendions nous aussi de notre « arbre».

Quel paradoxe n'est-ce pas ! : S'abaisser pour se tenir ensuite debout ! ; mais s'abaisser pour être relevés par Lui et en Lui ; ainsi en est-il de toute vie spirituelle. Demandons lui donc, d'un même esprit et d'un même cœur, la grâce de ne pas être sourds à Son appel et de savoir y répondre en fidèles disciples, afin de devenir des témoins de Vie et de Lumière pour Sa plus grande gloire !

Amen




Homélie d'un moine de l'Eglise d'orient


La parole de Jésus à Zachée nous rappelle la phrase si émouvante de l'Apocalypse : «Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quel­qu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi».



Jésus nous dit ce qu'il avait dit à Zachée. Il veut loger chez nous, dans notre âme. Ce n'est pas dans quelques jours, ce n'est pas demain qu'il veut venir chez nous. C'est à l'instant même : «que je vienne aujourd'hui dans ta maison...». Pour­quoi ajourner le changement intérieur qui ferait de Jésus notre hôte ? Je puis, dès cette minute, par un acte inté­rieur de repentance et de consécration, ouvrir la porte au Seigneur. Je ne dois pas perdre de temps, je ne dois pas laisser s'éloigner une occasion peut-être exceptionnellement favorable et qui ne reviendra plus. «Descends vite», dit Jésus. Je me hâterai donc, - et je descendrai.


Descendre : ce mot, pour Zachée, signifiait qu'il eût à quitter son poste d'observation sur le sycomore et à revenir à terre; pour nous, descendre signifie renoncer à tous les pau­vres artifices par lesquels nous essayons de nous élever au-dessus des autres hommes. « Descends» : quitte donc le sycomore sur lequel tu es monté, abandonne toute forme de vanité et d'orgueil ; c'est seulement sur le sol que tu pourras ren­contrer Jésus.

Zachée obéit. Il se hâta de descendre. Re­marquons deux aspects de cet épisode évangélique, Zachée reçut Jésus «avec joie». Jésus n'est pas un hôte que nous devrions recevoir cérémonieusement, d'une manière guin­dée. Nous ne devons pas le regarder comme un de ces vi­siteurs qui viennent rarement et que l'on reçoit au salon, dans les pièces de la façade. Il doit être un des visiteurs qu'on accueille «avec joie» et auxquels on dit: «vous êtes ici chez vous. Vous êtes à la maison. Tout est à votre dis­position. Allez où vous voulez». Nous ne le confinerons pas au salon, nous l'introduirons partout, et même dans ces chambres secrètes - l'arrière-fond de notre âme - où nous avons laissé s'accumuler tant de poussière et d'ordure et dont nous cachons soigneusement l'existence aux étran­gers.

Remarquons encore ceci. Zachée, qui vient de subir un changement Intérieur, annonce au Seigneur qu'il va rendre jusqu'au quadruple les biens qu'il a pu in­justement acquérir et qu'il va donner aux pauvres la moi­tié de sa fortune. «Restitution» et «partage», dans le sens le plus complet de ces mots, sous leur aspect aussi hlen spirituel que matériel ; réparation du mal commis et mise en commun du bien obtenu : voici les premiers fruits de toute conversion.

Les témoins de cette scène évangélique murmu­raient: « il est allé loger chez un pécheur...» Et Jésus déclara : «Le Fils de l'homme est venu chercher et sau­ver ce qui était perdu». C'est sur cette parole que s'achè­ve l'évangile de ce dimanche. «Ce qui était perdu... cher­cher... sauver» : alors, pour moi aussi, il y a une espé­rance?

Nous atteignons ici un tournant de l'année liturgique. Car la phrase finale de Jésus, dans l'évangile d'au­jourd'hui, annonce un autre climat que celui où la nati­vité et le baptême du Christ nous avaient introduits. Dé­passant l'Evangile de l'Incarnation, nous pénétrons dans l'Evangile du pardon et du salut. Avec le trente-deuxième dimanche après la Pentecôte se clôt le temps de Noël et de l'Epiphanie. Voici venir un autre temps liturgique. Voi­ci déjà qu'au loin un cortège s'avance, qui n'est plus celui des bergers, des mages, du Précurseur et de ses disciples,
un cortège où, aux louanges, se mêlent les imprécations et les Vexilla Regis prodeunt, fulget crucis mysterium. Voici que les étendarts du Roi s'avancent et que déjà res­plendit, même encore lointain, le mystère de la croix.

08 janvier 2007

Guérison de l'aveugle de Jéricho


Luc XVIII, 35-43

35 Comme Jésus approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin, et mendiait.
36 Entendant la foule passer, il demanda ce que c'était.
37 On lui dit: C'est Jésus de Nazareth qui passe.
38 Et il cria: Jésus, Fils de David, aie pitié de moi! 39 Ceux qui marchaient devant le reprenaient, pour le faire taire; mais il criait beaucoup plus fort: Fils de David, aie pitié de moi!
40 Jésus, s'étant arrêté, ordonna qu'on le lui amène; et, quand il se fut approché,
41 il lui demanda: Que veux-tu que je te fasse? Il répondit: Seigneur, que je recouvre la vue.
42 Et Jésus lui dit: Recouvre la vue; ta foi t'a sauvé.
43 A l'instant il recouvra la vue, et suivit Jésus, en glorifiant Dieu. Tout le peuple, voyant cela, loua Dieu.


Méditation d'un moine de l'Eglise d'orient

Un aveugle se tenait sur le passage de Jésus, à Jéri­cho. Il criait: «Jésus, Fils de David, aie pitié de moi». Jésus lui demande ce qu'il voulait, de lui. L'aveugle im­plora Jésus de lui donner la vue. Jésus lui dit : «Voilà, ta foi t'a sauvé».

Cet évangile du trente-et-unième dimanche après la Pentecôte (Luc 18: 35-43) peut être mis par nous en rap­port spécial avec les fêtes de Noël et de l'Epiphanie. En ces fêtes, l'Eglise nous dit ce que la foule disait à l'aveu­gle de Jéricho: «...Il demanda ce que cela signifiait, on lui
annonça que c'était Jésus de Nazareth qui passait par là..."

Il faut que la grande lumière de l'Epiphanie ne resplendissent pas en vain devant des aveugles. Demandons au Seigneur Jésus d'ouvrir nos yeux : « Que veux-tu que je te fasse ? - Seigneur... que je voie». Nos yeux ont été obscurcis par le péché, ils ont perdu la sensibilité à la lumière divine. Et cependant, dans l'intention de Dieu, cette vision est à moi. Mais ma foi est-elle assez forte pour que Jésus puisse me dire: «Ta foi t'a sauvé» ? La foi de l'aveugle de Jéricho était très forte, car, plus on s'efforçait de lui imposer le silence, plus «il criait de plus belle : Fils de David...». On s'efforce aussi de m'imposer le silence - on , c'cst-à-dire mes péchés, mes passions, la foule des incroyants... Si je crie à Jésus d'autant plus fort que le mal essaie de couvrir ma voix, si mon appel à Jésus couvre la voix du mal, alors ma foi est une foi qui sauve. Est-ce là ma foi?

L'épitre (1 Timothée 1: 15-17) ne comprend que trois versets et commence par cette phrase : «Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier...». Nous connaissons bien ces paroles que l'Eglise nous fait répéter avant chaque communion. Donnons aujourd'hui quelques instants d'attention aux deux aspects de l'affirmation de Paul : d'une part, l'humble aveu par lequel nous nous reconnaissons gravement pécheurs ; d'autre part, la certitude que Jésus est justement venu pour nous sauver de notre péché. Repentance et pardon : les deux pôles du mystère de notre rédemption dont le sacrifice du Christ est le centre.


06 janvier 2007

Synaxe de St Jean Baptiste


Icône de Maria Lavie



Le 7 janvier, nous célébrons la SYNAXE du vénérable et illustre PROPHÈTE, PRÉCURSEUR et BAPTISTE du Seigneur JEAN.(1)


Ainsi qu'Elle en a la coutume après certaines grandes Fêtes du Seigneur et de la Mère de Dieu, en ce second jour de la Fête de la Théophanie, l'Eglise rend honneur à l'auxiliaire de ce Mystère, au Baptiste et Précurseur, qu'elle loue comme le plus grand des Prophètes, le plus noble des enfants des femmes, la voix du Verbe, le héraut de la Grâce, l'hirondelle annonciatrice du printemps spirituel, le flambeau et le phare de la Lumière divine, l'aurore spirituelle annonçant le Soleil de Justice, comme Ange terrestre et homme céleste qui se tient à la frontière du ciel et de la terre et unit l'Ancien et le Nouveau Testament. Envoyé par Dieu comme une voix dans le désert, pour annoncer et préparer la venue du Christ, Jean met un terme à sa mission en baptisant le Seigneur dans le Jourdain: « Telle est ma joie, et elle est complète, dit-il, Il convient que Lui croisse et que moi je diminue ... » (Jn. 3:30). Cependant, même après l'apparition de la Grâce et sa mort en Martyr, Saint Jean le Baptiste continue d'être pour les Chrétiens, au sens spirituel, le Précurseur du Christ. Modèle de la tempérance, de la virginité, de la vie de pénitence et de purification des passions par l'ascèse et la prière, initiateur de la vie monastique et du séjour dans le désert, il ne cesse de nous préparer le chemin qui mène au Seigneur. C'est en suivant son message de repentir et de conversion que l'on peut dignement se préparer à recevoir le Saint Baptême, et c'est en imitant, après l'illumination, son saint mode de vie au désert que lon pourra garder la Grâce et la faire croître sans relâche jusqu'à ce que le Christ habite en nous dans toute la splendeur de Sa Résurrection.


1. Sur la vie de Saint Jean le Précurseur, voir les notices de ses Fêtes: Conception (23 sept.), Nativité (24 juin), Décollation (29 aoùt), Découvertes de sa tête (24 février et 25 mai).




Synaxe du Saint et Illustre Prophète et Précurseur
Jean-Baptiste
Mat IV, 12-17 / Jn I, 29-34


29 Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.
30 C'est celui dont j'ai dit: Après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi.
31 Je ne le connaissais pas, mais c'est afin qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser d'eau.
32 Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur lui.
33 Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint Esprit.
34 Et j'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de Dieu.




Méditation d'un moine venu de l'Eglise d'Occident


Chers frères et sœurs !

En cette période de début d’année civile où l’on s’échange bons vœux, souhaits et présents ; où le matérialisme tente vainement de vaincre toute manifestation spirituelle, c’est sans compter sur notre foi qui sort triomphante de cet esprit mondain. Mais loin de nous l’idée de rejeter catégoriquement tout matérialisme ! Non, car l’aspect matériel de notre vie est nécessaire et coopérant à notre salut, bien qu’étant somme toute secondaire.



En effet comme nous venons de l’entendre dans l’Evangile, c’est aujourd’hui qu’à la suite de Jean-Baptiste, le Christ commence à prêcher ; nous enjoignant avant toute chose à nous convertir, c'est-à-dire à n’avoir de cesse de nous tourner vers Dieu, de n’avoir de cesse de demeurer en Lui, de n’avoir d’autre but que Lui seul, en bref de faire de cela notre tâche primordiale, sans relâche.

Aussi longtemps que Jean-Baptiste prêcha, Jésus n’assuma pas la charge de la prédication publique.
Pourquoi ?
Parce qu’il Lui fallait attendre que soit accomplie l’époque de la Loi et des Prophètes en la personne du précurseur, car effectivement tous les prophètes et toute la Loi aboutissent à Jean-Baptiste ; alors vient ce qui avait été prophétisé depuis des générations et l’Evangile du Christ resplendit, se révèle et s’actualise.



Il nous est dit par ailleurs dans la lecture de ce jour que Jésus est venu s’établir dans la région de Zabulon et Nephtali… Qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui ? Cela signifie qu’il faut bien comprendre par là que le ministère du Christ va désormais prendre un sens et une envergure tels, que ce ministère dépassera le cadre de la judaïté et deviendra un ministère universel ; ouvert aux nations à qui s’adresse bien évidemment l’Evangile de Dieu.
Oui ; l’Evangile de Dieu ; la bonne nouvelle de Dieu… De Dieu parce que c’est Lui qui envoie la Bonne Nouvelle dont le Christ ; « l’Envoyé » du Père ; se fait le héraut ; et en même temps le Christ EST cette Bonne Nouvelle, en son être même dans lequel s’unifie l’homme et Dieu, si bien que Dieu devient Lui-même l’objet de cette Bonne Nouvelle.


Durant tout son ministère public, Jésus nous redira maintes et maintes fois que le Royaume des Cieux est proche, et l’ensemble de l’Evangile nous enseigne ce que le Christ vient instaurer sous ce nom de « Royaume de Dieu » ou « Royaume des Cieux ».
Mais précisément ici, la Bonne Nouvelle c’est que le Royaume est proche ; ce qui signifie qu’il s’approche, qu’il vient au devant de nous. C’est Dieu qui nous l’envoie en la personne de Jésus Lui-même, ce Don de Dieu comme le dira Jésus à la Samaritaine.
Oui ; si nous savions le Don de Dieu… et le plus important pour nous est de découvrir qu’Il nous aime, et que Son Amour n’est que présence et pardon.
En ce sens donc ce Royaume est déjà là, devant nous, à la fois proche et tangible et plus encore le Royaume de Dieu est au-dedans de nous.



Et pourtant…comme toujours dans l’Evangile il y a des paradoxes…et il en est un, c’est que le Règne de Dieu à la fois déjà là mais il est encore à venir. N’oublions pas que le Règne de Dieu est un autre nom de l’Alliance ; l’Alliance étant l’Amour de Dieu offert, mais offert à notre liberté. Il y a donc pour nous une contrepartie , un engagement à prendre, à pratiquer et à respecter.
Cet Amour de Dieu qui nous est offert doit donc être, vécu, dispensé par nous tous et, dans une certaine mesure, le Règne de Dieu dépend donc de nous pour autant que l’on se convertisse et que l’on croie à l’Evangile.



Le fait de se convertir ou de se repentir ne doit pas nous effrayer ; loin de là ! Cette notion de « métanoïa » (pour employer le terme exact) ; cette condition, est ô combien dynamisante et réconfortante si l’on ne perd pas de vue que le but est essentiellement le retour à Dieu. Devons-nous donc en avoir peur ? Certes non ! Bien entendu cela requiert de nous humilité patience et abnégation, ce qui n’est pas forcément toujours facile, mais loin d’être un précepte bassement moral ; ce mouvement intérieur du cœur ne peut qu’être assuré de succès et donc de liberté incomparable et éternellement durable au sein de l’Amour vivifiant de Dieu.



Comme nous l’avons dit plus haut ; pour cela nous avons l’Evangile pour nous y aider et nous faire vivre dans le sens plénier du terme. Croire en la bonne parole de l’Evangile c’est s’engager à la suite du Christ dans une vie dirigée vers Dieu par une foi aimante et espérante.
Et qu’est-ce que tout cela sinon la réalisation dès ici-bas du Règne et du Royaume de Dieu, comme il nous l’est enseigné dans les Béatitudes ? En conséquence, l’appel à la conversion que nous lance à chaque instant le Christ n’en est que plus insistant et primordial. Cette conversion consiste en l’engagement de la foi, qui se balise par les sacrements, par les sacrements de la foi. Ne les négligeons pas !



Ils sont pour nous la source pure et rafraîchissante de l’Amour miséricordieux du Seigneur à laquelle il fait bon s’abreuver dans nos sécheresses spirituelles; ils sont là pour nous aider à vivre notre foi de disciples du Christ, loin d’être des contraintes, de la routine et en tout cas jamais une fatalité ; ils sont pour nous des terrains de rencontre avec Dieu.
Croyons en Lui simplement ; devenons toujours plus des êtres de désir et Il fera le reste… mais toujours par notre coopération !

Notre foi s’affirmera donc dans nos actes, nos actes sanctifieront le temps, notre vie, notre vie devenue sainte et par extension sanctifiante transfigurera le monde pour son salut. Ne nous décourageons pas si, par ces actes qui se doivent d’être toujours silencieux et humbles, nous avons l’impression d’être comme Saint Jean-Baptiste des voix qui crient dans le désert ; Dieu verra notre foi et nous entendra. Il n’est pas du genre à rester sourd à nos appels… !



Ce combat spirituel que nous avons à mener ; qui que nous soyons ; est donc le gage de notre propre salut et par extension de celui du monde (rappelons le) ; soyons conscients de la portée cosmique de notre foi vécue dans l’esprit de la métanoïa.



Le monde dans une certaine mesure nous est confié et nous nous devons de le préserver pour le transmettre –dans le meilleur état possible- à nos enfants (enfin ; pas les miens évidemment ; plutôt les vôtres !), disons aux générations futures.



En conclusion ; que l’année civile qui commence nous soit un An de Grâce béni où toute ténèbre sera chassée de nos cœurs ; d’où ne jaillira du plus profond d’eux que cette dernière parole de l’Apocalypse : « Viens Seigneur Jésus ! »


Amen !






Une lecture juive des évangiles : "En vérité je vous le dis" d'Armand Abécassis (Livre de poche p158)



Jean le Juif - Jésus le Christ



Luc dit d'abord que Zacharie et Élisabeth, les parents de Jean, observaient scrupuleusement la loi (1, 5-6) et descendaient les deux d'une famille de prêtres. Élisabeth était stérile comme les matri­arches et comme les mères des grands personnages bibliques : Samson (CHiMCHoN) ou Samuel. Ils étaient tous deux « avancés en âge» comme Abra­ham et Sarah. Zacharie faisait partie de la hui­tième classe des prêtres, qui étaient divisés en vingt-quatre groupes pour le service du Temple. C'est à l'heure de l'offrande de l'encens, au moment où « toute la multitude du peuple était en train de prier au-dehors» que l'ange lui apparut pour lui annoncer la naissance de son fils Jean, dans des termes et dans des expressions spécifiquement bibliques.


Ce nom, signifiant «YHWH fait grâce », annon­çait à Zacharie le prélude des temps messianiques et le commencement de la joie qui les accompagne. Jean sera consacré à YHWH dès le sein maternel comme Samson, Jérémie et d'autres héros encore. Sa conduite sera celle du nazir car « il ne boira ni vin ni boisson fermentée» (1, 15) afin de se consacrer exclusivement à sa mission qui est « de rame­ner beaucoup des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu» (1, 16). Luc lui donne la fonction dévolue à Élie d'après le prophète Malachie (MaL'aKHY) :


II ramènera le cœur des pères vers leurs enfants (Malachie 3, 24).


Et comme Abraham encore, Zacharie dit à l'ange:


À quoi le saurai-je? Car je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge (Luc 1,18).



Le patriarche, en effet, avait fait les deux mêmes réponses à YHWH, lors de l'alliance du chapitre 15 de la Genèse où lui furent annoncés la naissance d'Isaac et l'héritage de la terre de Canaan , et lors de l'annonce de MaMRe, où l'ange lui promit l'enfant pour l'année suivante.


Qu'est-ce à dire ? D'une manière générale, Luc est le seul à raconter la naissance de Jean et à insister avec tant de détails sur l'annonce faite à ses parents, Zacha­rie et Élisabeth. C'est pourquoi son Évangile s'ouvre sur l'histoire des deux naissances, celle de Jean et celle de Jésus parce qu'il cherche à situer sa propre vision de l'histoire - Jésus - par rapport à la vision juive - Jean. Il souligne la continuité entre celui-ci et le peuple juif en insistant sur la fidélité stricte de la famille où il est né. Il remonte à l'histoire d'Abraham et de Sarah qui étaient « avan­cés en âge» et frappés par la « stérilité» de celle-ci. Ainsi donc a commencé l'histoire d'Israël au milieu des nations, par celle d'une famille hébraïque composée de deux êtres arrivés très tard dans le temps des civilisations ambiantes - ils étaient vieux - et qui, comble d'ironie, ne peuvent de toute façon transmettre leur message à qui que ce soit puisque l'épouse est stérile, depuis sa naissance.



Il y eut donc deux miracles à l'origine, c'est-à-dire deux mutations, deux ruptures avec l'ordre naturel signifié par le temps et le vieillissement, à savoir la dégradation et l'usure, et par la stérilité, c'est-à-dire l'impasse et la fermeture sur soi.


Nous avons vu que ces thèmes récurrents dans les récits bibliques trouvent leur antidote dans la notion d'engendre­ment du fils par le père qui lui apprend la fidélité à la promesse, et dans celles de créativité et de revir­ginisation qui lui permettent de triompher de la nature et du temps en en faisant une histoire, celle de sa propre lignée, de son peuple et de l'humanité. On retrouve avec insistance l'un ou l'autre de ces deux thèmes dans toute la Torah et particulière­ment avec les parents du prophète Samuel auquel Luc pense certainement (Samuel 1,1 Juges 13,4). Sa mère Anne était sté­rile également. De même que les Hébreux et les Juifs sont descendants d'Abraham par Isaac, de même c'est par Samuel qu'ils reçurent la royauté davidique. Jean est bien présenté par Luc comme le fidèle continuateur de la puissance créatrice ins­crite au cœur du judaïsme. En cette famille de prêtres se prépare donc une transformation impor­tante ; d'après Luc, dans le temps où Zacharie offi­cie, se met en place une mutation essentielle dans le peuple juif. En effet, le récit se déroule à Jérusa­lem, dans le Temple, dans la semaine précisément où la classe des prêtres dont fait partie Zacharie entre en fonction.


En plus, le tirage au sort des fonctions de la jour­née désigne Zacharie pour l'activité la plus solen­nelle, l'offrande de l'encens, le matin avant l'holo­causte et le soir, sur l'autel des parfums, juste en face du «Saint des Saints». Après y avoir brûlé l'encens, Zacharie doit faire une courte prière et retourner vers le peuple pour le bénir. Luc écrit que :

Toute la multitude du peuple était en prière au­dehors à l'heure de l'offrande de l'encens.
Luc 1, 10

Mais c'est en brûlant l'encens et en priant devant l'autel que Zacharie aperçoit l'ange venu lui annon­cer la naissance de Jean. C'est donc dans le Temple, à Jérusalem, quand le peuple s'y rassemble au cré­puscule du soir pour prier et pour recevoir la béné­diction sacerdotale, après l'offrande de l'encens devant le «Saint des Saints», que Luc choisit de commencer son Évangile. Comme s'il voulait inscrire la naissance de Jésus comme celle de Jean au cœur du judaïsme et comme s'il cherchait en même temps à faire du premier l'aboutissement de l'his­toire juive et de Jésus le commencement absolu d'une nouvelle histoire qui lui succède.


Il faut lire, derrière les parallélismes entre les deux annonces et les deux naissances, les discontinuités plus que les analogies.


En effet, l'ange Gabriel apparaît à Zacharie trou­blé, pour lui dire :

"Sois sans crainte, Zacharie, car ta prière a été exaucée. Ta femme Élisabeth t'engendrera un fils et tu appelleras son nom: Jean et ce sera pour toi joie et allégresse et beaucoup, à cause de sa nais­sance, se réjouiront. Car il sera grand devant le Sei­gneur; il ne boira ni vin ni liqueur fermentée et il sera rempli de l'Esprit Saint dès le ventre de sa mère. Il tournera vers le Seigneur leur Dieu beau­coup des fils d'Israël."Luc 1, 13-16

Comparons ce récit à celui qui narre l'annonce par le même ange Gabriel à Marie. Alors qu'il calme Zacharie en lui disant : « Sois sans crainte», il dit à Marie : «Réjouis-toi sans cesse ! Tu te trouves comblée de grâce. Le Seigneur est avec toi. »


Zacharie et Élisabeth, qui représentent pour Luc le peuple juif à son plus haut niveau, et Jean leur fils, qui représente le modèle d'homme de foi que le peuple juif produit, sont encore dans le temps de la promesse, de l'attente et de la prière. Mais ils peuvent se réjouir de la naissance de Jean puisque, dans une certaine mesure, ils ont réussi à préparer la véritable voie de celui qui vient après lui. Ainsi, une mission lui est confiée qui comble l'attente de son peuple bien que, toujours dans l'esprit de Luc, elle n'épuise pas le véritable projet de Dieu : Jean, en hébreu YoHaNaN, signifie « Dieu accorde la grâce». Mais Jésus signifie «Dieu sauvvera».


Comme Jérémie, par exemple, Jean est consacré à Dieu « dès le sein» mais Jésus est dans le sein de Marie parce que «l'Esprit Saint est venu» sur elle et parce que « la puissance du Très­Haut» l'a «couverte de son ombre». Jean est déclaré «grand devant le Seigneur» mais Jésus « sera grand» absolument, car il est «le Fils du Très-Haut». Jean «marche devant Dieu» comme Abraham, alors que Jésus «reçoit le trône de David son père et régnera pour les siècles sur la maison de Jacob car son royaume n'aura pas de fin». En somme, Jean, d'après Luc toujours, s'inscrit dans la lignée prophétique fondée par Élie en vue de rame­ner les fils d'Israël vers leur Dieu, d'enseigner aux rebelles à penser juste, en un mot de « préparer» le peuple juif « en ramenant le cœur des pères vers leurs enfants ». Il est donc un précurseur qui réta­blit le lien des générations fidèles à la Loi, condi­tion de l'accomplissement véritable de la promesse faite à Abraham. Au contraire, Jésus est appelé "Fils de Dieu " par Luc, car c'est en tant que tel que le trône de David lui est donné et non pas seule­ment parce qu'il descend du grand roi.


À toutes ces différences entre Jean et Jésus, c'est ­à-dire, évidemment, entre l'homme juif fidèle à son Dieu et l'homme tel que se le représente Luc en tant que chrétien, il faut ajouter celles-ci : ce n'est plus au Temple ni à Jérusalem que l'ange Gabriel appa­raît à Marie ; ensuite, l'époux de celle-ci, Joseph, est écarté de la conception de Jésus ; enfin Marie, en écoutant l'annonce de la naissance de Jésus, ques­tionne l'ange sur le comment de cette conception. Elle dit :
Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ?
Au contraire, Zacharie doute de l'annonce car il questionne ainsi l'ange :
À quoi le saurai-je? Car je suis un vieillard et ma femme est avancée en âge.

Et c'est peut-être ce que Luc reproche au peuple juif qui préférerait, d'après lui, rester attaché à sa vieille loi, à la fidélité stricte et fermée sur elle-­même. N'hésitons pas à penser que les noms des parents de Jean ont été choisis par Luc dans cette intention. Il suffit de lire le Benedictus pour s'en convaincre. Mais il faut le lire en hébreu, pas en grec. Voici ce qu'en donne la traduction française :
Béni est le Seigneur, le Dieu d'Israël parce qu'il visita et racheta son peuple ; il réveilla une corne de salut pour nous, dans la maison de David son fils serviteur, comme il parla par la bouche de ses saints prophètes d'autrefois... pour faire miséri­corde avec nos pères et pour se souvenir de son alliance sainte et du serment qu'il fit à Abra­ham notre père...
Luc l, 68-72

Ce psaume à visée messianique évidente est récité ou composé par Zacharie le jour de la cir­
concision de son fils Jean, le huitième jour après sa naissance. C'est le jour où, après la circoncision ­signe d'alliance d'Abraham, l'enfant reçoit son nom. Marqué dans son corps, marqué dans sa culture dans laquelle il prend place par le nom familial donné par le père ou par la mère, il sait désormais et il apprendra progressivement ce qu'on attend de lui et quelle est sa place reconnue par tous. C'est ce que Zacharie dit aussi dans son poème en rappelant l'alliance patriarcale et la pro­messe divine qu'il exprime sous ses deux modali­tés : la grâce et le souvenir « pour faire miséricorde avec nos pères et pour se souvenir de son alliance sainte, et du serment qu'il a fait à ABRaHaM ».
Ces deux aspects de l'action divine sont précisé­ment déposés dans les noms des parents de Jean : Zacharie se dit en hébreu ZeKHaRYaH, du verbe ZaKHaR et signifiant: «YaH (Dieu) s'est sou­venu. » Élisabeth se dit en hébreu EliCHeBa", de la racine ChaBa" et signifiant: «Éli (mon Dieu) a prêté serment. » Le troisième mot de la séquence : « miséricorde» ou « grâce» est celui qui est inscrit dans le nom du fils, Jean, qui se dit en hébreu YoHaNaN, «YaH (Dieu) a accordé la miséricorde ».






Le Baptême de Jésus


Evangile de la Liturgie ( Matthieu III, 12-17)


Alors Jésus arrive de la Galilée au Jourdain, vers Jean, pour être baptisé par lui. Celui-ci l'en détournait, en disant : " C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et toi, tu viens à moi ! " Mais Jésus lui répondit : " Laisse faire pour l'instant : car c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. " Alors il le laisse faire. Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l'eau ; et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur."





Les pères de l'Eglise et la Théophanie

Textes liturgiques

Explication de l'icône de la Théophanie : cliquez ici


Méditation du Père Lev Gillet
Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf



Comme nous l'avons fait à l'occasion de Noël, interrompons ici pour quelques instants la description de la vie liturgique de l'Eglise et appliquons notre esprit aux mystères que les rites extérieurs symbolisent.


L'Epiphanie est la première manifestation publique du Christ. Lors de sa naissance à Bethléem, Notre Seigneur avait été révélé à quelques privilégiés. Aujourd'hui, tous ceux qui entourent Jean, c' est-à-dire ses propres disciples et la foule venue aux bords du Jourdain, sont témoins d'une manifestation plus solennelle de Jésus-Christ.









En quoi consiste cette manifestation ?


Elle comporte deux aspects. D'une part, il y a l'aspect d'humilité représenté par le baptême auquel Notre Seigneur se soumet. D'autre part, il y a un aspect de gloire représenté par le témoignage humain que le Précurseur rend à Jésus et, sur un plan infiniment plus élevé, le témoignage divin que le père et l'Esprit rendent au Fils. Nous considérerons de plus près ces deux aspects. Mais retenons immédiatement ceci: toute manifestation de Jésus-Christ, aussi bien dans l'histoire que dans la vie intérieure de chaque homme, est une manifestation d'humilité et de gloire tout à la fois.
Quiconque sépare ces deux aspects du Christ commet une erreur qui fausse toute la vie spirituelle. Je ne puis m'approcher du Christ glorifié sans m'approcher en même temps du Christ humilié, ni du Christ humilié sans m'approcher du Christ glorifié. Si je désire que le Christ soit manifesté en moi, dans ma vie, ce ne peut être qu'en étreignant celui qu'Augustin appelait avec prédilection Christus humilis et en adorant d'un même élan celui qui est aussi un Dieu, un Roi, un Vainqueur. Tel est le premier enseignement de l'Epiphanie.


L' aspect d'humilité de l'Epiphanie consiste dans le fait que Notre-Seigneur se soumet au baptême de pénitence de Jean. Celui-ci refuse tout d'abord, mais Jésus insiste : «Laisse. Il faut que toute justice s'accomplisse ». Sans doute Jésus n'avait pas à être purifié par Jean, mais le baptême que conférait le Précurseur, ce baptême de repentance pour la rémission des péchés, préparait au royaume messianique; et Jésus, avant de proclamer l' avènement de ce royaume, a voulu passer lui même par toutes les phases préparatoires dont il devait être le «consommateur». Etant la plénitude, il a voulu assumer en lui-même tout ce qui était encore incomplet et inachevé. Mais, en recevant le baptême johannique, Jésus a fait plus qu'approuver et confirmer solennellement un rite avant de le transformer, plus que consommer l'imparfait dans le parfait.
Lui qui était sans péché, il s'est fait porteur de nos péchés, du péché du monde; et c'est au nom de tous les pécheurs que Jésus a fait un geste public de repentance. D'autre part, Jésus a voulu nous enseigner la nécessité de la pénitence et de la conversion; avant même de nous approcher du baptême chrétien, nous devons recevoir le baptême de Jean, c' est à dire passer par un changement d'esprit, par une catastrophe intérieure.



Nous devons éprouver une vraie contrition de nos péchés. La repentance est, en ce qui nous concerne, l'aspect d'humilité de l'Epiphanie. Et ici nous devons dépasser l'horizon limité du baptême johannique pour nous rappeler que nous avons été baptisés en Christ. Le baptême chrétien nous a lavés et purifiés. Il a aboli en nous le péché originel et fait de nous une nouvelle créature. Nous étions probablement enfant lorsque nous avons reçu le baptême; la grâce baptismale a été une réponse divine donnée, non à notre demande personnelle, mais à la foi de ceux qui noua présentaient au baptême et à la foi de toute l'Eglise qui nous accueillait. Cette grâce baptismale a été alors en quelque sorte provisoire et conditionnelle : il fallait que, grandissant et devenus conscients, nous confirmions par un libre choix l'acte de notre baptême. L'Epiphanie est, par excellence, la fête du baptême, non seulement du baptême de Jésus, mais de notre propre baptême. Elle est une merveilleuse occasion pour nous de renouveler en esprit le baptême que nous avons reçu et de raviver la grâce qu'il nous a conférée. Car les grâces sacramentelles, même interrompues et suspendues par le péché, peuvent revivre en nous si nous nous tournons sincèrement vers Dieu. En cette fête de l'Epiphanie, demandons à Dieu de nous laver de nouveau - spirituellement, et non d'une manière matérielle - dans les eaux du baptême; noyons-y l' ancienne créature pécheresse, car le baptême est une mort mystique; traversons la Mer Rouge qui sépare la captivité de la liberté et plongeons-nous avec Jésus dans le Jourdain pour y être lavés, non par le Précurseur, mais par Jésus lui-même.


L'aspect de gloire de l'Epiphanie consiste dans les deux témoignages qui furent alors rendus solennellement à Jésus. Il y eut le témoignage de Jean. Nous n'en parlerons pas maintenant; nous y reviendrons le lendemain de l'Epiphanie. Et il y eut le témoignage divin du père et de l'Esprit. Le témoignage du père était la voix venue du ciel et disant : «Tu es mon Fils bien-aimé en qui j' ai mis toute ma complaisance.» Le témoignage de l'Esprit était la descente de la colombe : «Et l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, tel une colombe ». Voilà le véritable baptême de Jésus. La parole prononcée par le Père et la descente de la colombe sont plus importants que le baptême d'eau que Jean donne à Jésus. Le baptême d'eau n'était qu'une introduction à cette manifestation divine. C'est avec raison que, dans l'ancienne liturgie chrétienne, la fête du 6 janvier est appelée, non pas «théophanie», mais «théophanies», au pluriel, car il ne s' agit pas d'une seule manifestation divine : il s'agit de trois manifestations. Le Père, le Fils, l'Eprit sont tous trois révélés au monde lors du baptême de Jésus; le Père et l'Esprit se révèlent dans la relation d'amour qui les unit au Fils. Nous touchons ici à ce qu'il y a de plus profond et de plus intime dans le mystère de Jésus. Si grand que soit le ministère rédempteur du Christ en faveur des hommes, la vie d'intimité du Fils avec le Père et l'Esprit est une réalité plus grande encore. Jésus ne nous est vraiment manifesté que si nous entrevoyons quelque chose de cette intimité divine, et si nous entendons intérieurement la voix du Père : «Voici mon Fils bien-aimé...», et si nous voyons le vol de la colombe sur la tête du Sauveur. La fête de l'Epiphanie ne sera vraiment une Epiphanie, une manifestation du Christ, qu'à cette condition. Il faut que notre piété atteigne, dans le Fils, le Père et l'Esprit. Il faut que, comme Jean-Baptiste, nous puissions nous souvenir et témoigner. « J' ai vu l'Esprit descendre...». C'est là la gloire de l'Epiphanie. Et c'est pourquoi l'Epiphanie n'est pas seulement la fête des eaux. L'ancienne tradition grecque l'appelle « la fête des lumières ».
Cette fête nous apporte, non seulement une grâce de purification, mais aussi une grâce d'illumination (ce nom même d'illumination était jadis donné à l'acte du baptême). La lumière du Christ n'était, à Noël, qu'une étoile dans la nuit obscure; à l'Epiphanie, elle nous apparaît comme le soleil levant; elle va croître et, après l'éclipse du vendredi-saint, elle éclatera, plus splendide encore, le matin de Pâques; et enfin, à la Pentecôte, elle atteindra le plein midi. Il ne s'agit pas seulement de la lumière divine objective manifestée dans la personne de Jésus-Christ et dans la flamme pentecostale. Il s'agit aussi, pour nous, de la lumière intérieure, sans une absolue fidélité à laquelle la vie spirituelle ne serait qu'illusion ou mensonge.
Dieu qui avait envoyé le Précurseur baptiser avec de l' eau lui avait dit : « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, baptisera dans l'Esprit Saint». Le baptême d'eau n'est qu'un aspect du baptême total. Jésus lui-même dira à Nicodème: «A moins de naitre d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer au Royaume de Dieu». Le baptême d'Esprit est supérieur au baptême d'eau. Il constitue un don objectif et une autre expérience intérieure. Nous en reparlerons mieux à l'occasion de la Pentecôte.
On pourrait dire que l'Epiphanie - première manifestation publique de Jésus aux hommes - correspond dans notre vie intérieure à la « première conversion ». Il faut entendre par là la première rencontre consciente de l'âme humaine avec son Sauveur, le moment où nous acceptons Jésus comme Maître et comme ami et où nous prenons la résolution de le suivre.
Pâques (à la fois la mort et la résurrection du Seigneur) correspond à une «deuxième conversion» où, confrontés avec le mystère de la croix, nous découvrons quelle mort et quelle vie nouvelle celle-ci implique et nous nous consacrons d'une manière plus profonde - par un changement radical de nous-mêmes - à Jésus-Christ.
La Pentecôte est le temps de la «troisième conversion», le temps du baptême et du feu de l'Esprit, l'entrée dans une vie d'union transformante avec Dieu. Il n' est pas donné à tout chrétien de suivre cet itinéraire. Ce sont là cependant les étapes que l'année liturgique propose à notre effort.
Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Tropaire

TON BAPTÊME DANS LE JOURDAIN, SEIGNEUR, NOUS MONTRE L’ADORATION DUE À LA TRINITÉ, LA VOIX DU PÈRE T’A RENDU TÉMOIGNAGE, ELLE T’A NOMMÉ FILS BIEN-AIMÉ ET L’ESPRIT SOUS LA FORME D’UNE COLOMBE, A CONFIRMÉ L’INÉBRANLABLE VÉRITÉ DE CETTE PAROLE. CHRIST-DIEU TU ES APPARU, TU AS ILLUMINÉ L’UNIVERS, GLOIRE À TOI.

Kondakion
SEIGNEUR, TU ES APPARU AU MONDE AUJOURD’HUI ET TA LUMIERE S'EST MANIFESTÉE NOUS QUI T ’AIMONS, TE CHANTONS : TU ES VENU, TU ES APPARU, LUMIERE INACCESSIBLE.