25 février 2007

1er dimanche de carême : Toi, suis moi

Jean I, 43-51



43 Le lendemain, Jésus voulut se rendre en Galilée, et il rencontra Philippe. Il lui dit : Suis-moi.
44 Philippe était de Bethsaïda, de la ville d'André et de Pierre.
45 Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph.
46 Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? Philippe lui répondit : Viens, et vois.
47 Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui : Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n'y a point de fraude.
48 D'où me connais-tu ? lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit : Avant que Philippe t'appelât, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu.
49 Nathanaël répondit et lui dit : Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël.
50 Jésus lui répondit : Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier, tu crois; tu verras de plus grandes choses que celles-ci.
51 Et il lui dit : En vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme.


Un moine de l'Eglise d'occident


Chers frères et sœurs !

« Toi, suis moi» : ces paroles du Christ que nous venons d'entendre sont adressées autant à Philippe qu'à chacun d'entre nous. Pourvu que nous soyons capables à l'exemple de Nathanaël de Lui répondre sans hésitations ni détours "Tu es le Fils de Dieu !"

Mais qu'est-ce que suivre le Christ ? Comment le suivre de nos jours, dans notre monde actuel, tels que nous sommes ?
Des éléments de réponse à ces questions nous sont données par la tradition de l'Eglise qui nous propose de réciter au quotidien durant les quarante jours de Carême la prière de St Ephrem le Syrien ; prière qui s'avère être un véritable « repère, une "balise" pour notre vie chrétienne :

« Seigneur et maitre de ma vie ;
éloigne de moi l'esprit de paresse d'abattement, de domination et de vaines paroles
mais donne moi un esprit
d'intégrité, d'humilité, de patience et d'amour ;
à moi ton serviteur.
Oui Seigneur et roi, donne moi de voir mes fautes
Et de ne pas juger mon frère
Car tu es béni dans les siècles des siècles."

Suivre le Christ c'est en effet Le reconnaitre avant tout comme MaÎtre de notre vie.
En Le reconnaissant comme tel nous devons lui demander de toutes nos forces la grâce de ne pas succomber à la paresse, à l'abattement, à la domination ni aux vains bavardages ce qui pourrait nous éloigner de Lui et nous plonger dans les ténèbres.
Mais en conscientisant notre péché, en ne tombant pas dans le jugement nous acquerrons ainsi un esprit intègre, humble, patient et aimant afin de nous faire tout à Lui.
Note vie n'en sera qu'illuminée et, pour reprendre la parole de St Séraphin de Sarov à son disciple Motovllov, la paix du cœur sera nôtre, des milliers autour de nous trouverons le salut et le monde se transfigurera.


Suivre le Christ c'est aussi savoir confesser notre foi comme cela a été fait lors de la proclamation de la légitimité du culte des saintes images à la suite de la crise iconoclaste évènement que nous commémorons aujourd'hui dans l'Eglise.

Cette crise iconoclaste suscita pendant plus d'un siècle des vagues successives de violences et de persécutions au sein de l'Eglise opposant deux conceptions différentes du culte des images l'une -erronée- prétextant que ce culte relevait de l'hérésie parce que les icônes étant matérielles elles séparaient ou confondaient les natures divine et humaine du Christ.
D'un autre côté, la conception ratifiée et proclamée par l'Eglise grâce à Saint Jean Damascène qui s'est fait l'apôtre de cette noble cause. A savoir que les icônes sont des signes visibles de la sanctification de la matière rendue possible par l'Incarnation du Christ.
C'est lors du concile de Nicée Il en 787 que l'iconoclasme fut condamné comme hérésie ; le culte des saintes images fut restauré et sa valeur spirituelle réaffirmée sans toutefois la confondre avec l'adoration qui n'est due à Dieu seul.







Le Père Lev Gillet de bienheureuse mémoire nous dit au sujet de l'icône qu'elle "n'est pas une représentation ni une ressemblance : mais qu'elle suggère et exprime." Il ajoute par ailleurs que " l'icône n'est pas adorée comme le sont les Trois Personnes divines ; elle est vénérée. honorée; qu'elle a une valeur d'enseignement en ce sens qu'elle offre à notre méditation des exemples,des modèles ; dont notre action peut s'inspirer. L'icône a plus qu'une valeur pédagogique; elle devient un objet sacré. un lieu de rencontre entre Dieu et l'homme; car quel que soit le thème d'une icône; que ce soit la personne du Christ. ou la Mère de Dieu.ou un ange. ou un saint. ou un épisode biblique; toute icône est un rayon de l'unique lumière de Dieu. elle est un aspect particulier de la présence divine. Dieu lui-même est le terme final auquel chaque icône se réfère".

Remarquons que par la vénération de l'icône notre sens du toucher est mis en éveil et donne ainsi à notre corps de pouvoir participer à la prière ; d'en devenir l'instrument. Vénérer une icône c'est quelque part vénérer le Christ lui-même ainsi que l'on fait avec une sainte et saine audace certaines femmes de l'évangile : telles les Myrrophores étreignant les pieds du Christ réssuscité ; ou la pécheresse repentante versant de l'huile parfumée sur son Sauveur ou bien encore l'hémoroïsse qui par un simple toucher -ou plus exactement un frôlement- su retenir l'attention du Christ et obtenir ainsi la guérison de son mal.

C'est dire l'importance de la vénération ! Importance non-moins grande aussi que celle des iconographes ; qui ont reçu de Dieu un don inestimable relevant vraiment de la vocation.
Celui qui peint - ou « écrit» une Icône pour employer le terme adéquat- est porteur d'une mission cruciale dans l'Eglise car il nous fait bénéficier ce qu'il a lui-même reçu d'un enseignement pluri-séculaire qui s'est forgé au fil de tant de générations. Chacun d'eux ayant son style propre bien que répondant aux canons iconographiques fixés par l'Eglise ; bel exemple d'unité dans la diversité.

Pour l'Iconographe, la réalisation de chaque icône est un combat spirituel ; nécessitant au préalable jeûne et prière dans le but de se libérer de son égo, de s'effacer et se faire de la sorte malléable à ce que Dieu s'apprête à lui transmettre pour Sa Gloire et le service de l'Eglise. C'est dire si c'est le doigt même de Dieu qui est à l'œuvre dans toute écriture d'Icône quand on pense que chacune d'elle est vraiment un acte à Son image, c'est à dire créateur et unique.
C'est pourquoi j'ose avancer que notre paroisse a quant à elle une vocation particulière de soutien priant envers les Iconographes... Certains d'entre eux ont été « engendrés» par notre communauté; ainsi Mère Johanna qui dans des conditions de pauvreté extrême persévère dans sa vocation de monlale­iconographe à Jérusalem; ou encore l'atelier St Joseph dirigé par Hélène Bléré qui a activement participé cette semaine à l'exposition rencontre qui a eu lieu à St Serge.

Chers frères et sœurs ; pour reprendre ce qui a été lu dans l'épître que nous venons d'entendre ; si nous voulons vivre notre christianisme dans le monde moderne (souvent hostile à tout ce qui relève de la foi) nous serons semblables à Moïse et David qui ont souffert, ainsi qu'à tous ceux qui ont vécu des persécutions de toutes sortes; mals dont la foi a vaincu le monde. Alors à leur suite tout au long de notre vie tendons d'ores et déjà avec la grâce de Dieu à devenir des icônes vivantes dignes de ce nom. Ce carême qui commence nous y aidera ; qu'II nous soit fécond spirituellement pour que nous puissions faire nôtre cette prière: « Seigneur je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et je serai guéri !"

Amen !

18 février 2007

Dimanche de l'Exil d'Adam, du Pardon






Matthieu VI, 14-21


14 Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi;
15 mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses.
16 Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense.
17 Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage,
18 afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent;
20 mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent.
21 Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur


Un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident

Chers frères et sœurs !

Nous voilà arrivés au seuil du grand carême, cette « sainte quarantaine » comme le disent les pères, ce temps de jeûne qui va nous acheminer étape par étape à la Pâque du Seigneur, jusqu’à la contemplation de Sa Résurrection.

Si à vue humaine, le carême peut s’avérer effrayant ; de par l’effort qui va nous être demandé ainsi que par le ton de repentance des textes liturgiques qui vont nous accompagner tout au long de ces quelques semaines ; spirituellement il en est tout autre.

En effet ; devons nous nous inquiéter ou avoir peur d’aller à la rencontre du Seigneur ; assurés que nous sommes du bien fondé de la tradition de l’Eglise, cette tradition pluri-séculaire qui tout en étant exigeante n’en est pas moins souple, ouverte et libre ?

Le carême n’a de visée que de nous dynamiser dans notre rencontre avec Dieu, de nous recentrer sur Lui et Lui seul ; par conséquent d’élargir notre horizon en lui donnant une dimension spirituelle ; de sorte que nous ne devenions plus le centre de notre vie, mais que par nous, Dieu en devienne précisément le but.

Pour ce faire ; trois moyens nous sont proposés : le jeûne, la prière et le pardon.
En ce qui concerne le jeûne, prenons garde de ne voir en celui-ci que l’observance scrupuleuse de prescriptions alimentaires ! Si diététiquement parlant cela ne peut pas nous faire de mal ; spirituellement, le danger est de s’en enorgueillir comme le Pharisien et donc d’être aux antipodes de ce que le Christ attend de nous ; à savoir laver son visage et parfumer sa tête, c'est-à-dire de se purifier de nos souillures orgueilleuses et de s’imprégner d’une agréable odeur de spirituelle suavité, autrement dit de se sanctifier.

Si le jeûne est à juste titre assimilé à la non consommation temporaire de certains aliments, il n’en demeure pas moins qu’il se décline aussi à bien d’autres modes : tel le jeûne de la parole ainsi que nous le rappelle le psaume 140 : «Place seigneur une garde à ma bouche ; et une porte fortifiée à mes lèvres ! », ou bien le jeûne de l’image en nous abstenant par exemple d’un abus passif de télévision au détriment de la lecture spirituelle d’un ouvrage qui aurait pu nous être conseillée par notre père confesseur ; ou encore le jeûne d’activités en tout genre, débordantes, encombrantes et somme toute pas forcément indispensables…

En bref n’hésitons pas (au moins pendant 40 jours ; si ce n’est tout au long de notre vie !) n’hésitons pas à privilégier voire même à provoquer ces moments d’intimité avec le Seigneur afin d’amasser non des trésors périssables, mais des trésors inépuisables dans notre cœur, dans ce cœur dont Saint Théophane le Reclus nous dit que « c’est là que nous devons vivre », que « c’est là que se trouve la vie ».

La prière nous y aidera ; même si nous avons à traverser des périodes de troubles ; des moments de doutes…

Car il est évident; et il nous faut l’accepter comme « règle du jeu » pourrait-on dire ; il est évident que cette prière doit s’actualiser dans la monotonie parfois déconcertante de notre quotidien, dans ce désert inhérent à notre condition humaine, désert qu’il nous est souvent demandé de traverser… Ce qui importe avant tout étant notre persévérance au jour le jour ; car c’est dans les besognes parfois harassantes, dans les ténèbres de notre psychisme fragilisé que se scelle petit à petit notre union à Celui que nos cœurs et notre être tout entier cherchent et désirent plus que tout. Cette persévérance qui s’actualisera dans le silence –qui, à tort, est souvent pris par nous comme une absence de Dieu-, ce silence intérieur qui nous permettra d’écouter le Seigneur et d’entendre ce que Sa volonté désire à notre endroit.
Et qu’est Sa volonté sinon celle de nous donner toute chose ; sans mesure ; avec cet impatient désir qu’Il a de nous combler ?!

Et le carême nous comblera de grâces ; d’autant plus que tout à l’heure nous nous demanderons pardon, nous échangerons ce pardon ; ce pardon qui libère, ce pardon qui pacifie, ce pardon qui est le gage de notre salut puisqu’il est réconciliation avec soi-même, réconciliation avec le prochain et par conséquent réconciliation avec Dieu.

Même s’il est parfois des pardons qui peuvent prendre toute une vie, le pardon s’il est personnellement vécu et actualisé peut avoir des répercussions bien au-delà de ce que notre intellect peut saisir… Puisque toute réforme va de l’intérieur vers l’extérieur, puisque tout commence dans notre propre coeur ; avec foi et audace osons croire et demander à Dieu le pardon pour le monde ; pour qu’à notre suite, chaque être humain, chaque nation, chacun à sa propre échelle sache pardonner…en quelques instants la face du monde peut s’en trouver changée !

C’est dire si cette dimension du pardon n’est pas à négliger ! Vivons la en profondeur, en vérité, dans l’amour et le carême qui vient ainsi que tous les jours qui le suivront seront transfigurés pour la plus grande gloire de Dieu !

Qu’Il nous accompagne, nous guide, nous fortifie toujours plus ; non pas avec des nourritures périssables, mais par une manne toute céleste que nos cœurs préparés pourront dignement accueillir !
Amen !

Un moine de l'Eglise d'orient


Ce dimanche est le quatrième des dimanches de pré­paration au Carême. Il clôt cette période de préparation. il en est le dernier jour. A partir de demain lundi, nous serons dans le Carême lui-même. Le présent dimanche porte le nom de «dimanche de l'abstinence de laitages», parce que, à partir de demain, la tradition de l'Eglise est de s'abstenir de lait, de beurre et de fromage.
Le samedi qui précède ce dimanche est dédié à la mé­moire des saints et saintes qui se sont livrés à la vie ascé­tique. Au seuil du Carême, nous les saluons comme des inspirateurs et des intercesseurs dans la voie difficile de la pénitence.



L'épître de Saint Paul aux Romains (13:11 - 14:1-4), lue à la liturgie du dimanche, nous exhorte à sortir des ténèbres, à revêtir l'anneau de lumière, à marcher en plein jour, fuyant l'ivrognerie, la débauche et les désirs de la chair. Paul relie ce thème de la chair au thème du jeû­ne. L'un croit qu'il peut manger de tout; un autre ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange. Qui es-tu pour juger un autre? Toi-même et cet autre, vous êtes sous la dépendance du même Maître.


L'évangile de la liturgie, tiré de Saint Matthieu (6:14-21)", débute par le précepte du pardon : «Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos offenses». Le fait que l'Eglise ait choisi cette phrase pour introduire l'évangile du jour montre qu'elle entend faire du pardon l'idée dominante de ce dimanche. Il est vrai que tout le reste de l'évangile du jour parle du jeûne ; mais la particule grecque qui unit les versets relatifs au jeune aux versets relatifs au pardon semble assigner aux premiers une position de dépendance par rapport aux seconds. Le Seigneur Jésus recommande à ceux qui jeûnent de ne pas se donner un air sombre et une mine défaite, comme font les hypocrites pour qu'on voie qu’ils jeûnent. «Toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage». Le Père, qui voit dans le secret, devant tous. Que ton trésor et ton cœur soient, non sur la terre, mais dans le ciel.


Les chants des vêpres et des matines opposent la béatitude du paradis à l'état misérable de l'homme après la chute. Mais Moïse, par le jeûne, a purifié ses yeux et les a rendus capables de la vision divine. De même, que notre jeûne, qui durera quarante jours, comme celui de Moïse, nous aide à réprimer les passions de la chair, et nous permette « d’avancer doucement sur la voie céleste ». Remarquons ce mot : « doucement ». Notre pénitence ne doit pas être une chose lourde et pesante. Nous devons traverser ce Carême d’une manière légère et aérienne, qui nous apparente en quelque sorte aux anges.






Père Alphonse et Rachel

Gorze, Février 2007

Chers Amis,




La splendeur des mystères que nous contemplons depuis Noël a mis en lumière la racine de notre désir. C’est lui qui nous définit. Or nous ne voulons secrètement qu’une seule chose : être pleinement heureux !

Cet appel puissant est à l’origine de tout, de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous faisons. Le seul sens de la vie, c’est d’y répondre à chaque instant.


Mais cela suppose, nous l’avons dit souvent, un arrachement, de vraiment vouloir sauter hors de cette vieille vie par une ascèse exigeante. Est-ce que je le veux à tout prix ? C’est à cette vérification que m’invite l’Eglise dans quelques jours, durant ce temps de Carême, qui doit nous conduire vers un total renouveau : la résurrection pascale.



Un seul remède : une double décision. D’abord celle de suivre le Christ et Lui seul, ensuite celle, motivée par la première, de crucifier nos passions. De la fermeté de cette décision dépend toute la discipline ascétique et particulièrement la focalisation de notre être sur un seul point, l’attention.Tant que cette décision n’est pas complète et totale chez l’homme, il n’y a aucune garantie de fidélité au chemin qu’il veut prendre ou de non-trahison, il reste englué dans des aspirations confuses et contradictoires. La décision profonde est comme l’épée flamboyante entre les mains du chérubin gardant le paradis ; elle dépiste et discerne, elle barre la route, non seulement aux passions, mais à tout désir mauvais, toute envie par lesquels le démon cherche à pénétrer dans le coeur. Cette décision chèrement acquise, par une sorte de coup de force rempli de grâce, situe l’homme dans une perspective unique où il s’est ressaisi tout entier.


Désormais, il connaît à chaque instant l’exigence qui doit passer avant toutes les autres et où sont les priorités. Il a conscience de vivre un choix décisif et tout s’organise autour de cette visée, s’approfondit dans cet effort. Cette décision, qui est une Pâque, est aussi le sens le plus profond du Sacrifice, elle fonde le Martyr du chrétien et forge aujourd’hui dans le secret son vrai visage d’éternité. Dans ce sens, suivre le Christ c’est prendre sa croix pour crucifier tout ce qui ne concourt pas à cette décision. Ce tout a en fait une racine unique, car tous les démons viennent de l’amour de soi ou de l’orgueil.Il ne s’agit pas, dans l’abnégation ou le renoncement, d’une ascèse de souffrance et de mort. Si on les accepte c’est pour les traverser.



Souffrir, mais pour trouver la joie, mourir mais pour entrer dans la Vie ! Ascèse de transfiguration, alors que les passions me défigurent et me jettent dans une voie sans issue, dans une souffrance absurde et une mort définitive…Celui qui, dans la méditation, s’est laissé saisir par le Christ et a goûté quelque chose de sa Joie ne s’enfermera plus dans le plaisir de ses appétits égoïstes, qui sentent l’ordure (Ph 3,8).


Ce renoncement est loin d’une brimade de nos tendances ou d’une jugulation de nos désirs, mépris parfois pervers du monde pourtant créé par Dieu… Il y a de ces ascèses tristes mais qui donnent de tristes ascètes ! Ce ne sont pas mes tendances ou désirs qui sont mauvais, c’est leur orientation. Où vont-ils ? Que cherchent-ils ? Moi ! Le plaisir pour lui-même, fermé, encapsulé dans l’enivrement ! Au lieu de les refouler dans le renoncement moralisant, il faut s’installer au coeur de nos désirs et tendances, et là, découvrir comment en réalité ces plaisirs sont une prison pour moi, un enchaînement qui n’ouvre qu’au désespoir du non-sens toujours recommencé… Mes désirs et tendances sont temples de l’infini, rien d’autre ne pourra jamais les satisfaire. Ce constat est un pas important sur le Chemin de la maturité. Là aussi je retrouve alors l’unité : au fond je n’ai qu’un désir, qu’une tendance, c’est de rencontrer l’infini. Alors, du fond de mon être, il faut aller jusqu’au fond des choses : refuser la surface illusoire du plaisir extérieur voulu pour lui-même et rejoindre dans leur profondeur une tout autre expérience que celle de l’autosatisfaction.



Ainsi le moindre verre de vin peut être l’occasion d’une noyade du petit moi ou sensation du Divin… La relation sexuelle être la dernière des pornographies ou expérience de la Transcendance la plus bouleversante… Le simple regard, être adultère dans le désir ou contemplation… Quoi que vous fassiez, tout, dit saint Paul, peut révéler la gloire de Dieu si c’est elle que vous cherchez ! La Gloire de Dieu, c’est sa Présence en tout, sensible et offerte. « Dieu devient dés lors tout pour toi, car il est pour toi le tout des choses que tu aimes » (saint Augustin).



Cette perspective nous introduit dans un nouveau style de vie. Se transformer soi-même de sorte que tout endroit, toute situation ou activité devienne une occasion pour nous d’entrer en contact avec notre mystère profond ou le mystère des choses et des personnes que nous approchons. Le quotidien, l’extérieur devient alors peu à peu une source intérieure, un espace de nouvelles découvertes, et du geste mécanique, apparemment sans intérêt, peut jaillir une transformation surprenante de l’homme tout entier. Il sort du cercle infernal et clos de la monotonie quotidienne. Le Feu des passions ainsi libérées de leur retour sur soi se focalise maintenant avec autant de violence et d’exclusive sur leur seul Bien : le Christ. Elles savent : « Le Royaume de Dieu souffre violence et les violents s’en emparent » (Mt 11,12). Nul mieux que saint Paul n’a exprimé cette fascination : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ-Jésus…Je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être et je cours vers le but (Ph 3,12-13). Nous sommes ce coureur sur le stade qui ne regarde ni à droite ni à gauche, oubliant ce qui est derrière et ne visant qu’une seule chose. Ou, pour reprendre une image de Dürckheim, nous devrions être dans le quotidien à l’affût du Divin comme le chien de chasse qui, pas un seul instant, ne quitte la trace du gibier sur le chemin ! Le renoncement à tout autre chose est absolu, mais la Joie est telle que cette mort-là a le sourire aux lèvres… Le coeur pur voit Dieu en tout, il L’entend, il Le sent, il Le touche, il Le savoure, il Le hume.Avec toute notre affection, à bientôt !



Père Alphonse et Rachel





Prière de Carême :



Dieu, fais nous revenir à toi ! Ouvre une brèche en nos cœurs, une déchirure dans notre suffisance. Fais-nous revenir, dans le jeûne du désir retrouvé de vivre pour toi, dans les larmes de reconnaissance pour ta grâce sans cesse offerte, et le deuil de nos illusions, de nos attachements qui nous séparent de toi. Dieu tendre et miséricordieux, fais-nous revenir à toi et les uns vers les autres, tout au long de ce carême. Nous t’en prions par Jésus-Christ, Celui que tu as envoyé pour nous rassembler dans l’Esprit d’Amour qui vous unit éternellement.


11 février 2007

Remerciements

Je dédie ce site à ma marraine et mon parrain en Orthodoxie : Maria Josephina et Père Elisée.

Vous étiez déjà sur le chemin,
Vous m'avez tendu la main,
Je vous ai rejoints en ce 10 février 2007 comblé de grâces, de joie et d'honneur.
Vos oeuvres iconographiques et pastorales ponctueront régulièrement les pages de ce site.


En espérant modestement faire partager votre énergie rayonnante en Christ.





















































Dimanche du Jugement dernier





Matthieu 25, 31-46

31 Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire.
32 Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs;
33 et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.
34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde.
35 Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli;
36 j'étais nu, et vous m'avez vêtu; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi.
37 Les justes lui répondront: Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger; ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire?
38 Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli; ou nu, et t'avons-nous vêtu?
39 Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi?
40 Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites.


41 Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche: Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.
42 Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire;
43 j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité.
44 Ils répondront aussi: Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim, ou ayant soif, ou étranger, ou nu, ou malade, ou en prison, et ne t'avons-nous pas assisté?


45 Et il leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites.
46 Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie éternelle.



Un moine de l'Eglise d'orient


Le samedi, veille de ce dimanche, est spécialement consacré à la commémoration des fidèles défunts. Il existe un lien évident entre cette commémoration et l'évocation du jugement dernier, évocation qui est le thème principal de ce dimanche.

De même qu'au dimanche précédent, le jeûne figu­re comme un thème secondaire de la liturgie du jour. Ce dimanche est appelé «dimanche de l'abstinence de vian­de», parce qu'il est le dernier jour où l'usage de la viande soit autorisé. A partir de demain lundi, on devrait, si l'on peut, s'abstenir de viande jusqu'à Pâques. Par contre, l'usage du lait, du beurre, du fromage est permis tous les jours de cette semaine, y compris le mercredi et le ven­dredi. On lit, à la liturgie, une section de la première épî­tre de Saint Paul aux Corinthiens (8:8-13 et 9:1-2) dans laquelle l'apôtre dit en substance ce qui suit. Manger ou ne pas manger de viande est une chose indifférente en soi. Mais cette liberté que nous avons ne doit pas deve­nir un scandale, une pierre d'achoppement pour les fai­bles. Un homme qui croit au Dieu unique et ne croit pas à la réalité des idoles peut, en conscience, manger la chair des victimes sacrifiées aux idoles ; cependant, si un frère moins éclairé pense que c'est là une sorte d'association avec le culte des idoles, il vaut mieux s'abstenir d'un tel usage, afin de respecter la conscience de ces frères pour lesquels aussi le Christ est mort. De même, pendant le Carême, si nous nous inspirons de l'idée de Saint Paul, un homme qui estimera avoir des raisons valables de ne pas jeûner ou de moins jeûner, évitera cependant tout ce qui pourrait scandaliser ou blesser des consciences moins larges.




L'évangile de la liturgie (Matthieu 25:31.46) décrit le jugement dernier. «Quand le Fils de l'Homme viendra dans sa gloire», avec les anges, toutes les nations seront assemblées devant son trône. Il séparera les brebis d'avec les boucs, plaçant les justes à sa droite, les pécheurs à sa gauche. Il invitera à entrer dans le royaume du Père ceux qui l'auront nourri, vêtu, visité, sous la forme humaine des pauvres, des prisonniers, des malades. Il exclura du royaume ceux qui auront agi autrement. Cette description du jugement contient évidemment une part de symbolisme.




Nous prononcerons nous-mêmes notre propre jugement selon que, volontairement, nous aurons adhéré à Dieu ou que nous l'aurons rejeté. C'est notre amour ou notre manque d'amour qui nous situera parmi les bénis ou parmi ceux qui sont écartés (ou peut-être ajournés...) Si nous ne sommes pas forcés de donner une interprétation littérale des détails du jugement, tels que l'évangéliste les décrit, nous devons, par contre, entendre d'une manière très réaliste ce que le Sauveur dit de sa présence dans ceux qui souffrent, car c'est en eux seulement que nous pouvons venir en aide au Seigneur Jésus.



Les prières des vêpres de ce samedi soir et des matines de ce dimanche donnent une impression générale de terreur devant le jugement de Dieu. Il y est question de ­livres ouverts, d'anges effrayés, de rivières de feu, de tremblement devant l'autel. Tout ceci est juste, et de nombreuses paroles de l'Evangile nous pressent de nous convertir avant qu'il ne soit trop tard. Mais le coté d’ombre, les ténèbres où le pécheur obstiné peut choisir de se jeter, ne doivent pas faire oublier le côté de lumière et d'espérance. Voici une phrase d'un chant des vêpres ou ces deux aspects se trouvent unis comme il convient :
«0 mon âme, l’heure approche. Hâte-toi dans la foi avant qu'il ne soit trop tard et crie : J'ai péché contre toi Seigneur, J'ai péché mais je connais ta compassion, ô toi, le Bon Pasteur, l'Ami du genre humain... »
































04 février 2007

Dimanche du Fils Prodigue


Luc XV, 11-32

11 Il dit encore: Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père: Mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, partit pour un pays éloigné, où il dissipa son bien en vivant dans la débauche.
14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.
15 Il alla se mettre au service d'un des habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs garder les pourceaux.
16 Il aurait bien voulu se rassasier des carouges que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait.
17 Étant rentré en lui-même, il se dit: Combien de mercenaires chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim!
18 Je me lèverai, j'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi,
19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires.
20 Et il se leva, et alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et le baisa.
21 Le fils lui dit: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.
22 Mais le père dit à ses serviteurs: Apportez vite la plus belle robe, et l'en revêtez; mettez-lui un anneau au doigt, et des souliers aux pieds.
23 Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous;
24 car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à se réjouir.
25 Or, le fils aîné était dans les champs. Lorsqu'il revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses.
26 Il appela un des serviteurs, et lui demanda ce que c'était.
27 Ce serviteur lui dit: Ton frère est de retour, et, parce qu'il l'a retrouvé en bonne santé, ton père a tué le veau gras.
28 Il se mit en colère, et ne voulut pas entrer. Son père sortit, et le pria d'entrer.
29 Mais il répondit à son père: Voici, il y a tant d'années que je te sers, sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je me réjouisse avec mes amis.
30 Et quand ton fils est arrivé, celui qui a mangé ton bien avec des prostituées, c'est pour lui que tu as tué le veau gras!
31 Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi;
32 mais il fallait bien s'égayer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et qu'il est revenu à la vie, parce qu'il était perdu et qu'il est retrouvé.




Un moine de l'Eglise d'orient

Ce dimanche continue à développer le thème du repentir et du pardon, déjà traité lors du dimanche du Pha­risien et du Publicain. Mais l'épître (1 Corinthiens 6: 12-20) ouvre en quelque sorte une parenthèse et aborde un sujet spécial : celui de la mortification corporelle. Cela s'explique par le fait que, huit jours après ce dimanche, nous entrerons dans la période du jeûne ; et, déjà maintenant, l'Eglise nous fait entendre un avertissement de St Paul concernant cette matière. L'apôtre dit d'abord aux corinthiens que toutes les choses permes ne sont pas profitables. Nous ne devons nous laisser dominer par rien, même pas ce qui est licite. Les aliments sont pour le ventre; le ventre est pour les aliments. Mais ni le ventre ni les aliments n'ont d'importance pour la vie spirituelle, car Dieu détruira les aliments et détruira le ventre.Elargissant son thème, l'apôtre parle alors de l'impureté.


Si les aliments sont pour le ventre, notre corps n’est pas pour la fornication. Notre corps est pour le Seigneur, le Seigneur est pour notre corps. Ici nous est présenté un argument très caractéristique de Paul, lequel juge tout «en termes de Christ». On pourrait s'attendre à ce que l'apôtre condamne l'impureté en se plaçant sur le plan moral, celui de la loi, des vices et des vertus. Mais Paul voit les choses sous un autre angle. «Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Et je prendrais les membres du Christ, pour en faire les membres d'une prostituée ?». Non seulement nous sommes les membres du Christ, mais nous sommes le temple de l’Esprit : «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du saint Esprit..» ? Donc, «fuyez la fornication..». Le jeûne alimentaire n'est ni la seule ni la plus haute forme du jeûne. La pureté sexuelle, celle du cœur et de la pensée aussi bien que celle du corps lui-même, est, selon la condition de chacun, dans le mariage et dans le célibat exigée de nous par le Seigneur d'une manière impérative.


Venons-en maintenant à l'idée centrale de ce dimanche. Elle se trouve exposée dans l'évangile que nous lisons aujourd'hui pendant la liturgie : c'est la parabole du fils prodigue.

Parmi les paraboles évangéliques, celle du fils prodi­gue (Luc 15 :11-31) est peut-être la plus connue, la plus familière. Elle est certainement une des plus touchantes. Peut-être ne reconnaissons-nous pas toujours où est le centre de cette parabole. Ce centre est-il dans le change­ment d'esprit du jeune homme qui a laissé son père, dis­sipé ses biens dans une vie de débauche, éprouvé la faim, envié les caroubes que mangeaient les pourceaux, et dé­cidé de partir et de retourner vers son père? Certes, la parole du jeune homme: «Je me lèverai, et j'irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, et je ne suis plus digne d'être appelé ton fils», - certes, cette parole demeure une expression profondé­ment émouvante du repentir. La résolution du fils prodi­gue : «Je me lèverai et j'irai vers mon Père», met bien en lumière l'importance de l'acte énergique, de l'acte de la volonté (on ne peut aller vers le Père si d'abord on ne se lève et si l'on ne part.) Toutefois, le jeune homme repen­tant n'est pas la figure la plus attrayante de la parabole. Son repentir n'est pas le résultat d'un revirement tout à ­fait désintéressé de la conscience. Ce repentir n'est pas étranger à tout calcul personnel : le fils prodigue désire échapper à la misère, il choisit la seule issue ouverte de­vant lui. La personne centrale de la parabole est plutôt la personne du père. Là, nous sommes en présence d'une ten­dresse absolument désintéressée et gratuite. Une tendres­se qui attend, qui veille, qui guette le retour du prodigue, et qui, le voyant encore au loin, ne peut plus y tenir : le père, bouleversé de compassion, court au-devant de son enfant, se jette à son cou et l'embrasse longuement. (On sait combien, en Orient, une telle attitude dérogerait à la dignité d'un vieillard.) Et voici que le père, sans adresser aucun reproche au prodigue, ordonne de lui mettre au doigt un anneau (le signe de l'héritier), aux pieds des chaussures (le signe de l'homme libre, distinct de l'escla­ve), de tuer le veau gras et de festoyer. Il fait apporter «la plus belle robe», et l'on en revêt le fils : remarquons qu'il ne s'agit pas de la plus belle des robes que possédait le prodigue avant son départ, mais de la plus robe qui puisse se trouver dans la maison. Dieu ne rend pas simplement au pécheur repentant la grâce qu'il pouvait avoir avant le péché : il lui accorde la plus grande grâce qu'il puisse recevoir, un maximum de grâce.


L'histoire du prodigue est notre propre histoire. Le départ volontaire, la vie coupable, la détresse, le repentir, le retour et le pardon : nous avons vécu tout ceIa – et combien de fois ! Soyons attentifs au rôle que joue un troisième personnage : le frère aîné du prodigue, dans la parabole, le fils aîné se montre jaloux de son frère il s’irrite du pardon si généreusement donné. Il refuse, malgré les instances de son père, de prendre part aux réjouissances.
C'est le contraire de ce qui se passe dans le vrai retour du pécheur. Tout fils prodigue qui revient est incité au retour par le frère aîné, le fils auquel le père dit « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi», -le Seigneur Jésus - qui prend le pêcheur par la main et le conduit au Père avec une brûlante affection.


Les vêpres et les matines de ce dimanche contiennent des passages qui commentent éloquemment les enseignements de la parabole. En voici quelques uns :
«Ayant dilapidé les dons paternels, moi le malheureux, j'ai brouté avec les bêtes muettes et ayant faim, j'ai désiré leur nourriture.., C'est pourquoi, je retournerai chez mon père, pleurant et lui disant: « Reçois-moi comme l'un de tes serviteurs, moi qui m'agenouille devant ton amour des hommes".. ô sauveur condescendant, aie pitié de moi, purifie-moi... et donne-moi de nouveau la première robe de ton Royaume...».

«Notre but, frères, est de comprendre la puissance de ce mystère. Car, quand l'enfant prodigue s’éloigna du péché et retourna à son refuge paternel, son père très bon le reçut, l'embrassa et lui remit tous les insignes de la Gloire ».

02 février 2007

Présentation de Jésus au Temple

Evangile selon Saint Luc II 22-40

Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la Loi de Moïse, ils l'emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu'il est écrit dans la Loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur, et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes. Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d'Israël et l'Esprit Saint reposait sur lui. Et il avait été divinement averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint donc au Temple, poussé par l'Esprit, et quand les parents apportèrent le petit enfant Jésus pour accomplir les prescriptions de la Loi à son égard, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :
" Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël. "
Son père et sa mère étaient dans l'étonnement de ce qui se disait de lui. Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : " Vois ! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction -et toi-même, une épée te transpercera l'âme ! - afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. " Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanouel, de la tribu d'Aser. Elle était fort avancée en âge. Après avoir, depuis sa virginité, vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve ; parvenue à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le Temple, servant Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière. Survenant à cette heure même, elle louait Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Et quand ils eurent accompli tout ce qui était conforme à la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. Cependant l'enfant grandissait, se fortifiait et se remplissait de sagesse. Et la grâce de Dieu était sur lui.


Méditation du Père Lev
Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

D'après la loi de Moise, la mère d'un enfant mâle devait, quarante jours après la naissance, présenter l'enfant devant le tabernacle et offrir en holocauste, comme purification «de son flux de sang», soit un agneau, soit une paire de colombes ou de pigeons. La présentation d'un enfant premier-né avait aussi le sens d'un rachat, car tout premier-né, aussi bien animal qu'humain, était considéré comme appartenant à Dieu. Marie et Joseph obéirent à ce précepte de la loi. Ils apportèrent au Temple Jésus qui fut béni par le vieillard Siméon et reconnu comme sauveur par la prophétesse Anne. C'est cet événement que nous célébrons dans la fête du 2 février.
Aux vêpres de la fête, le soir du 1er février, on lit trois leçons de l' Ancien Testament. La première (Exode 13: 1-16) formule les préceptes relatifs à la circoncision et à la purification, mis dans la bouche de Dieu parlant à Moïse. La deuxième (Isaïe 6: 1-12) décrit la vision des séraphins aux six ailes par Isaïe et la manière dont un des séraphins, avec un charbon ardent, purifia les lèvres du prophète ; ce passage a vraisemblablement été choisi à cause de quelques paroles qui pourraient symboliquement préfigurer la venue du Christ dans le Temple : « Les gonds du seuil vibraient... et le Temple se remplissait de fumée... et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur des Armées ». La troisième leçon (fragments du chapitre 19 d'Isaie) ne se comprend bien que si on lit le chapitre tout entier : on voit alors que la venue du Seigneur en Egypte, la destruction des idoles égyptiennes en sa présence, et son adoration par les Egyptiens peuvent s'appliquer à la révélation que le Christ a fait de lui-même aux païens, («lumière pour éclairer les nations », comme dit le cantique de Siméon.)
L' évangile lu à matines (Luc 2: 25-32) est un abrégé de celui qui est lu à la liturgie (Luc 2 : 22-40) et qui relate la présentation de Jésus au Temple. L'épître de la liturgie (Hébreux 7. 7-17), parle de Melchisedek rencontrant Abraham; déjà Lévi a payé la dîme à Melchisedek « en la personne d' Abraham... car il était dans les reins de son aïeul...»; le sacerdoce aaronique rendait ainsi hommage au sacerdoce éternel; de même, pouvons-nous inférer de ce texte, que le Temple de Jérusalem, en la personne de Siméon qui accueille et bénit Jésus, rend hommage au sacerdoce du Christ. On sait que le cantique de Siméon, «Laisse maintenant, Seigneur, ton serviteur s'en aller en paix», est devenu un élément de l' office divin quotidien, à Rome comme à Byzance. La phrase de Siméon à Marie, «un glaive te transpercera l'âme...», jette un rayon de lumière sur le mystère de la participation de la Très Sainte Vierge à la Passion de son Fils.
«Allons, nous aussi... à la rencontre du Christ et accueillons-le, ornez votre chambre... et recevez le Christ Roi... Et accueillez Marie la porte du ciel». Ces chants de la fête de la Présentation s'appliquent aussi à notre âme. Chaque âme devrait être un Temple de Dieu, où Marie apporte Jésus. Et chacun de nous, comme Siméon, devrait prendre l'enfant dans ses bras et dire au père : «Mes yeux ont vu ton salut». La prière de Siméon, «laisse ton serviteur s'en aller en paix», ne signifie pas seulement que celui qui a vu Jésus et l' a tenu dans ses bras peut maintenant quitter cette vie, mourir en paix. Elle signifie encore pour nous que, ayant vu et touché le Sauveur, nous sommes délivrés de la servitude du péché et nous pouvons nous éloigner en paix du royaume du mal.

Texte extrait du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf

Tropaire
RÉJOUIS-TOI, COMBLÉE DE GRÂCE, VIERGE MÈRE DE DIEU DE TOI S’EST LEVÉ LE SOLEIL DE JUSTICE, LE CHRIST NOTRE DIEU, ILLUMINANT CEUX QUI SONT DANS LES TÉNÈBRES. RÉJOUIS-TOI AUSSI JUSTE VIEILLARD, QUI A REÇU DANS TES BRAS LE LIBÉRATEUR DE NOS ÂMES CELUI QUI NOUS ACCORDE LA RÉSURRECTION.

Kondakion
PAR TA NAISSANCE, TU AS SANCTIFIÉ LE SEIN VIRGINAL ET BÉNI LES BRAS DE SIMÉON AUJOURD’HUI, TU VIENS NOUS SAUVER, CHRIST NOTRE DIEU DONNE-NOUS LA PAIX ET LA FORCE Ô SEUL AMI DE L’HOMME.