28 avril 2007

Dimanche de l'aveugle de naissance



Jean 9, 1-38

1 Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance.
2 Ses disciples lui firent cette question : Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle?
3 Jésus répondit : Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché; mais c'est afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées en lui.
4 Il faut que je fasse, tandis qu'il est jour, les oeuvres de celui qui m'a envoyé ; la nuit vient, où personne ne peut travailler.
5 Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
6 Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle,
7 et lui dit: Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie envoyé). Il y alla, se lava, et s'en retourna voyant clair.
8 Ses voisins et ceux qui auparavant l'avaient connu comme un mendiant disaient: N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait?
9 Les uns disaient: C'est lui. D'autres disaient: Non, mais il lui ressemble. Et lui-même disait: C'est moi.
10 Ils lui dirent donc: Comment tes yeux ont-ils été ouverts?
11 Il répondit: L'Homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue, a oint mes yeux, et m'a dit: Va au réservoir de Siloé, et lave-toi. J'y suis allé, je me suis lavé, et j'ai recouvré la vue.
12 Ils lui dirent: Où est cet homme? Il répondit: Je ne sais.
13 Ils menèrent vers les pharisiens celui qui avait été aveugle.
14 Or, c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue, et lui avait ouvert les yeux.
15 De nouveau, les pharisiens aussi lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit: Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé, et je vois.
16 Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent: Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. D'autres dirent: Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles?
17 Et il y eut division parmi eux. Ils dirent encore à l'aveugle: Toi, que dis-tu de lui, sur ce qu'il t'a ouvert les yeux? Il répondit: C'est un prophète.
18 Les Juifs ne crurent point qu'il eût été aveugle et qu'il eût recouvré la vue jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir ses parents.
19 Et ils les interrogèrent, disant: Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle? Comment donc voit-il maintenant?
20 Ses parents répondirent: Nous savons que c'est notre fils, et qu'il est né aveugle;
21 mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, c'est ce que nous ne savons. Interrogez-le lui-même, il a de l'âge, il parlera de ce qui le concerne.
22 Ses parents dirent cela parce qu'ils craignaient les Juifs; car les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue.
23 C'est pourquoi ses parents dirent: Il a de l'âge, interrogez-le lui-même.
24 Les pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent: Donne gloire à Dieu; nous savons que cet homme est un pécheur.
25 Il répondit: S'il est un pécheur, je ne sais; je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois.
26 Ils lui dirent: Que t'a-t-il fait? Comment t'a-t-il ouvert les yeux?
27 Il leur répondit: Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté; pourquoi voulez-vous l'entendre encore? Voulez-vous aussi devenir ses disciples?
28 Ils l'injurièrent et dirent: C'est toi qui es son disciple; nous, nous sommes disciples de Moïse.
29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est.
30 Cet homme leur répondit: Il est étonnant que vous ne sachiez d'où il est; et cependant il m'a ouvert les yeux.
31 Nous savons que Dieu n'exauce point les pécheurs; mais, si quelqu'un l'honore et fait sa volonté, c'est celui là qu'il l'exauce.
32 Jamais on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né.
33 Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.
34 Ils lui répondirent: Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes! Et ils le chassèrent.
35 Jésus apprit qu'ils l'avaient chassé; et, l'ayant rencontré, il lui dit: Crois-tu au Fils de Dieu?
36 Il répondit: Et qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui?
37 Tu l'as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle, c'est lui.
38 Et il dit: Je crois, Seigneur. Et il se prosterna devant lui.



Homélie d'un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident


Chers Père, Mères, frères et sœurs ; Christ est ressuscité !


De l’Evangile de ce dimanche, deux thèmes capitaux et intrinsèquement liés ressortent ; celui de la lumière et celui de la vie. Ces deux thèmes sont d’ailleurs ; entre autres ; deux des « qualificatifs » par lesquels le Christ s’est révélé à nous ainsi que nous pouvons le lire dans l’évangile de Saint Jean : « Je Suis la Lumière, Je Suis la Vie ».

Par définition l’aveugle est celui qui ne voit pas ; donc celui qui est privé de lumière, celui qui est condamné à vivre dans les ténèbres…
Mais est-ce réellement « vivre » que d’être plongé dans ce monde de ténèbres et d’obscurité ? Certes non ! Ce serait plutôt de l’ordre du « survivre » plutôt que de celui du «vivre» ! Or le Christ est venu pour nous donner la Vie et nous la donner en plénitude, tel le semeur qui déploie son geste avec abondance afin que le grain tombé en terre meure, porte des fruits au centuple ; promettant ainsi une moisson généreuse et foisonnante.

Pour revenir à la péricope d’aujourd’hui nous voyons que le Christ va au-devant de l’aveugle dans le but de le guérir, dans le but de lui rendre la vue et de lui permettre de voir la lumière; littéralement parlant, dans le but de « l’illuminer » ; sans pour autant que l’aveugle ait demandé quoi que ce soit au Seigneur ; à ce stade précis du récit aucune parole n’a encore été échangée entre lui et le Sauveur.
Pour guérir l’aveugle, le Christ lui applique de la glaise sur les yeux, cette même glaise vivifiante dont Dieu s’était servi pour façonner l’homme à Son image lors de la création du monde ; de sorte qu’ayant recouvré la vue, l’aveugle puisse contempler dans une dynamique de vie et de lumière Celui qui était dès avant les siècles, Celui qui est l’icône par excellence.

Dès la guérison accomplie remarquons que le dialogue s’instaure entre l’ancien aveugle et le Christ ; et nous savons tous ici que le dialogue entre Dieu et Sa créature n’a d’autre nom que la prière ; cette prière qui nous donne d’être en relation avec Celui qui est le Verbe ; cette prière qui ne doit jamais nous quitter et à laquelle nous devons tendre de toutes nos forces car elle ratifie l’authenticité de notre foi et de notre relation à Dieu.

« Je crois Seigneur » dit l’homme au Christ ; telle est et doit être notre démarche au quotidien, puisqu’à nous aussi il a été donné de rencontrer le Christ, ou plutôt devrions-nous dire puisque nous avons gratuitement reçu la grâce que le Christ vienne à notre rencontre, par ce don d’amour personnel et unique dont Il nous a fait preuve, par cet appel unique et personnel qu’Il nous a adressé un jour et qu’Il ne cesse de nous adresser à chaque instant de notre vie.
La réponse à cet appel est simple ; elle est semblable à celle donnée par l’aveugle restauré dans sa dignité d’homme nouveau à savoir : « C’est moi ».

Non pas le « moi » égocentrique et orgueilleux bien sûr ; mais plutôt en tant qu’affirmation libre, responsable et assumée de notre désir d’union à Dieu, analogue au « fiat » de la Mère de Dieu : « Me voici Seigneur, qu’il m’advienne selon Ta Parole ! » ; affirmation qui se fera tout autant action de grâce les jours de liesse, que supplication dans les moments plus sombres que nous pourrons traverser ; ou bien encore acceptation de la volonté divine à notre endroit ; acceptation toute de confiance et exempte d’angoisse et de crainte car nous savons qu’elle nous conduit sur un chemin -certes étroit- mais que ce chemin nous mène vers Celui auquel nos cœurs aspirent de tout leur être. En somme, nous devons tendre à devenir tout comme la Mère de Dieu à la fois des prières vivantes et des pierres vivantes de l’Eglise.

A cette condition uniquement ; à la suite de l’aveugle-né qui en aucune façon n’a rejeté le Christ qui venait à lui, nous passerons des ténèbres de l’in-connaissance au plein éclat de la Lumière de la Connaissance de Dieu ; ainsi que l’exprime Saint Silouane : « Plus complet est l’amour, plus complète est la connaissance ; plus brûlant est l’amour, plus ardente est la prière ; plus parfait est l’amour, plus sainte est la vie » !


Amen !



Homélie : Maladie et guérison à travers le judéo-christianisme

Dimanche de la Samaritaine

Jean 4, 5-42


5 il arriva dans une ville de Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ la sixième heure.
7 Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit: Donne-moi à boire.
8 Car ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres.
9 La femme samaritaine lui dit: Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? -Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. -
10 Jésus lui répondit: Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t'aurait donné de l'eau vive.
11 Seigneur, lui dit la femme, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond; d'où aurais-tu donc cette eau vive?
12 Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux?
13 Jésus lui répondit: Quiconque boit de cette eau aura encore soif;
14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
15 La femme lui dit: Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus puiser ici.
16 Va, lui dit Jésus, appelle ton mari, et viens ici.
17 La femme répondit: Je n'ai point de mari. Jésus lui dit: Tu as eu raison de dire: Je n'ai point de mari.
18 Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. 19 Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es prophète.
20 Nos pères ont adoré sur cette montagne; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.
21 Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
23 Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande.
24 Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité.
25 La femme lui dit: Je sais que le Messie doit venir (celui qu'on appelle Christ); quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses.
26 Jésus lui dit: Je le suis, moi qui te parle.
27 Là-dessus arrivèrent ses disciples, qui furent étonnés de ce qu'il parlait avec une femme. Toutefois aucun ne dit: Que demandes-tu? ou: De quoi parles-tu avec elle?
28 Alors la femme, ayant laissé sa cruche, s'en alla dans la ville, et dit aux gens:
29 Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?
30 Ils sortirent de la ville, et ils vinrent vers lui.
31 Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant: Rabbi, mange.
32 Mais il leur dit: J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas.
33 Les disciples se disaient donc les uns aux autres: Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger?
34 Jésus leur dit: Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre.
35 Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson? Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson.
36 Celui qui moissonne reçoit un salaire, et amasse des fruits pour la vie éternelle, afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.
37 Car en ceci ce qu'on dit est vrai: Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne.
38 Je vous ai envoyés moissonner ce que vous n'avez pas travaillé; d'autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leur travail.
39 Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause de cette déclaration formelle de la femme: Il m'a dit tout ce que j'ai fait.
40 Aussi, quand les Samaritains vinrent le trouver, ils le prièrent de rester auprès d'eux. Et il resta là deux jours.
41 Un beaucoup plus grand nombre crurent à cause de sa parole;
42 et ils disaient à la femme: Ce n'est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde.








Méditation d'un moine orthodoxe de l'Eglise d'occident


Chers frères et sœurs ; Christ est ressuscité !

L’Evangile d’aujourd’hui est à la fois plein d’humanité et plein de divinité.
Plein d’humanité car nous y voyons le Christ fatigué au milieu de la journée, en plein soleil de midi ; fatigué comme il nous arrive de l’être par notre route, par nos chemins de vie respectifs.
Le Christ étant fatigué, qu’a-t-il fait ? Il s’est assis près de la source, tout simplement ; alors qu’en tant que Fils de Dieu il aurait pu aisément continuer ; non, rien de cela. Il a pris le temps de s’arrêter.
Là où nous rejoignons tout le côté divin de cet Evangile, c’est qu’en fait le Christ ne s’arrête pas pour Lui, mais pour nous ; pour que dans sa faiblesse apparente nous puissions plus facilement le rejoindre ainsi par nos défaillances (comme l’a fait la samaritaine), sans honte, sans angoisse, sans avoir peur d’être rejetés ou condamnés par Lui. Et non seulement nous pouvons rejoindre le Christ de cette manière, mais à l’inverse, par le fait qu’Il se soit incarné, cela Lui donne d’aller à notre rencontre et de participer à notre faiblesse, donc de compatir et de nous comprendre au-delà de ce que nous pouvons imaginer.
Comme nous le dit St Jean dans son prologue : « Le Verbe S’est fait chair et Il a habité parmi nous » ; comprenons bien par là que Jésus s’est toujours révélé dans l’Evangile par des miracles et des révélations partants souvent de ces nécessités les plus élémentaires de la condition humaine pour nous acheminer vers des réalités plus élevées, vers des réalités plus spirituelles, vers des réalités divines.

Le dialogue qu’Il entame avec la samaritaine part donc d’un des besoins les plus vitaux de l’humanité, à savoir la soif ; cette soif qui peut nous tarauder et s’avérer obsédante tant au niveau physique qu’au niveau existentiel ; cette soif qui bien au-delà d’une sensation et d’une nécessité, s’avère être un moyen visant à nous régénérer ; un moyen et non un but :
le but étant la vie par excellence.

Le Christ le dit d’ailleurs de manière explicite à la samaritaine quand Il lui demande d’étancher Sa soif: « Si tu savais le don de Dieu et qui est Celui qui te dit ‘donne moi à boire’ c’est toi qui Lui demanderais ! Et Il te donnerait l’eau vive ».
Il ne lui parle pas de l’eau tout court, mais de l’eau vive.
Ainsi, quand Dieu paraît nous demander quelque chose, c’est en réalité qu’Il se propose de tout nous donner, de nous donner la vie et de nous la donner en abondance, pourvu que nous sachions être coopérants !

Si ce n’est déjà fait, il se pourra que par faiblesse, paresse ou lâcheté nous soyons tentés par moments d’aller nous abreuver de fluides plus enivrants et ô combien plus nocifs que l’eau vive promise par le Christ ; mais bien vite nous conscientiserons que notre soif ne sera pas étanchée et, tel le fils prodigue il nous suffira de revenir avec humilité vers l’Eglise.
Oui ; vers l’Eglise. Car qu’est l’Eglise sinon cette source vive qui nous permet de puiser et de nous rassasier en abondance ?
En l’Eglise nous sommes sûrs de trouver l’eau vive dont le Christ a annoncé les prémices à la samaritaine, et tout comme cette dernière nous serons amenés à aller puiser à la source ; parfois par des temps de sécheresse intérieure intense, parfois par des temps plus cléments. Toujours est-il que cela nous demandera certes un effort : aller au puit, prendre les dispositions nécessaires pour recevoir et contenir l’eau vive, prendre la peine de la puiser…et surtout ; par respect pour Celui qui nous la donne ; de veiller à ne pas la répandre inutilement sur notre chemin !

En conclusion ; puisque nous avons l’assurance que la source ne se tarira jamais et que l’eau vive nous sera donnée en abondance, n’ayons de cesse de la demander et d’en user à bon escient; nous serons alors à l’école de la samaritaine ; cette sainte femme de qui l’âme s’est trouvée remplie de la grâce céleste et de l’enseignement du Sauveur. Cette sainte femme qui après sa rencontre avec le Christ s’est vue refaçonnée par la foi en embrassant aussitôt l’Amour divin et en annonçant la bonne nouvelle autour d’elle : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » ! Amen !

Dimanche du Paralytique

Jean 5, 1-15


1 Après cela, il y eut une fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem.
2 Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s'appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques.
3 Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau;
4 car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l'eau; et celui qui y descendait le premier après que l'eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie.
5 Là se trouvait un homme malade depuis trente-huit ans.
6 Jésus, l'ayant vu couché, et sachant qu'il était malade depuis longtemps, lui dit: Veux-tu être guéri?
7 Le malade lui répondit: Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée, et, pendant que j'y vais, un autre descend avant moi.
8 Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton lit, et marche.
9 Aussitôt cet homme fut guéri; il prit son lit, et marcha.
10 C'était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri: C'est le sabbat; il ne t'est pas permis d'emporter ton lit.
11 Il leur répondit: Celui qui m'a guéri m'a dit: Prends ton lit, et marche.
12 Ils lui demandèrent: Qui est l'homme qui t'a dit: Prends ton lit, et marche?
13 Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c'était; car Jésus avait disparu de la foule qui était en ce lieu.
14 Depuis, Jésus le trouva dans le temple, et lui dit: Voici, tu as été guéri; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire.
15 Cet homme s'en alla, et annonça aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.



Un moine de l’Eglise d’occident

Chers frères et sœurs,

Le Christ est Réssuscité !Le passage d’évangile que nous venons d’entendre s’accorde parfaitement avec le temps pascal que nous sommes en train de vivre, outre les résonances baptismales qui y sont clairement évoquées nous assistons là à un évènement purement « résurectionnel ».
Commentant cette péricope, Saint Jean Chrysostome (dans sa 36ème homélie sur St Jean) nous parle en ces termes de la guérison liée au baptême :« Qu'est-ce que ce mode de guérison ! Il y a là un mystère : on nous décrit comme en figure les choses de l'avenir.
Le baptême, qui devait être donné plus tard, ce baptême qui lave toutes les souillures et fait revivre les morts, est évoqué par l'image de la piscine.

Dieu a donné d'abord l'eau, qui lave les souillures du corps ; et dans l'ancienne Loi beaucoup de purifications se faisaient par l'eau. Pour nous faire approcher davantage du baptême, l'eau ici lave même les maladies; et c'est un ange qui descend mettre l'eau en mouvement et lui donne la vertu de guérir, pour faire comprendre que le Seigneur des Anges pourra mieux encore guérir les maladies de l'âme.

Car ce n'est pas par une vertu naturelle que cette eau guérissait ; mais elle guérissait par l'intervention de l'ange.

De même pour nous dans le baptême : l'eau enlève les péchés après qu'elle ait reçu la grâce de l'Esprit.Une multitude d'infirmes gisait là ; mais leur infirmité même les empêchait d'entrer dans l'eau pour être guéris. A présent, chacun peut approcher et nous ne pouvons plus dire « un autre descend avant moi ; car même si le monde entier venait, la grâce ne serait pas épuisée. »Le Christ aurait pu ne pas aller à Béthesda car dans ce lieu la religion était souvent mêlée de magie et l’on y vénérait autant YAHVE que le dieu grec de la guérison. Or Jésus a tenu justement à témoigner de la miséricorde de Dieu au bord de cette piscine où les malheureux ; pour garder espoir ; se contentait d’un amalgame de croyances et de superstitions. Une fois encore c’est Jésus qui prend l’initiative de la rencontre ; non seulement l’homme ne demande rien, mais il s’en retournera guéri sans même - dans un premier temps - avoir su le nom de son guérisseur.« Veux-tu être guéri ? » demande le Christ ; et « comme c’est souvent le cas dans l'Evangile de Saint Jean » l'homme se méprend d’abord sur ces paroles.

Pour lui, être guéri supposerait une triple chance : d'abord que l'eau bouillonne ; qu'il soit présent à ce moment là et enfin qu'il trouve quelqu'un pour le plonger dans l'eau.« Guérir n'est pas pour moi » pense l'homme, et pourtant il revient depuis des années sans se résigner, sans se décourager sans renoncer à l'espérance.
Le « Veux-tu être guéri » nous est aussi adressé par le Christ, et nous devons comprendre par là « Veux-tu que je te guérisse, tout de suite et chaque jour ? ». Si le Christ nous guérit alors ce n'est plus une question de chance, mais une question de foi et il nous suffit d'obéir aux trois ordres donnés « lève toi », « prends ton grabat » et « marche ».« Lève toi ! » nous dit le Seigneur... Alors qu'il serait si facile d'entrer dans la tentation de se faire porter par nos semblables, d'imposer aux autres le poids de nos misères et de notre inertie! Ne succombons pas à la facilité de nous installer dans nos paralysies spirituelles !

C'est pour nous tout un programme de vie ; il nous faut quitter le grabat, signe de la paralysie de l'impuissance et de la dépendance et accepter de vivre debout, vulnérables certes, mais restaurés dans notre dignité et notre autonomie d'être libre.« Prendre son grabat » c'est avoir la certitude de notre guérison. Tout comme le paralytique nous n'aurons plus à revenir auprès de la piscine, nous n'aurons plus à en vouloir à notre prochain de n'avoir pas été là au bon moment. Renonçons à nous faire porter sans laisser aucune trace de notre infirmité dans notre entourage.
Mais « marchons » ; mettons en œuvre la nouvelle liberté, la nouvelle santé spirituelle que le Christ nous donne. Marchons et témoignons que Dieu opère des miracles dans notre quotidien - même le jour du Sabbat - ; Lui qui non seulement nous donne la vie mais nous accueille dans la Vie Eternelle.L'infirmité et le grabat du paralytique nous évoquent bien évidemment la Croix et le Tombeau du Christ, en tant que lieu ou objet de souffrance et d'inertie mais ils sont garants d'une nouvelle vie, ils sont garants de la Résurrection.

N'ayons donc pas peur quand surviendront toutes ces petites morts physiques et spirituelles qui font immanquablement partie de notre condition humaine ; pour autant que notre cœur soit toute écoute à Dieu elles ne seront que tremplins et occasions de rencontres avec le Seigneur ; nous préparant ainsi d' ores ‘. c;léjà à la communion plénière avec Lui dans un face à face éternel.Pour être guéris par le Christ sur la route de notre propre Exode; pour être des témoins vivants de Sa résurrection; il nous suffit de faire, avec la force qu'II donne à ceux qui la lui demande, ces trois choses toutes simples que nous avons trop tendance à croire impossibles : Nous lever à Son appel, Emporter une bonne fois pour toutes les tristesses de notre passé,Marcher:avec la certitude d'être aimés par Celui qui s'est fait homme pour nous sauver !
Amen !

Homélie d'un moine de l'église d'orient


Ce dimanche est dédié à la commémora­tion d'un miracle qui appartient historiquement aux pre­miers temps du ministère de Jésus. Mais l'Eglise médite aujourd'hui sur lui parce qu'il est un des «très grands» miracles (si toutefois il est permis de distinguer entre des miracles majeurs et mineurs) : nous voulons dire que, par la gravité du mal qui est guéri, par la longue durée de la maladie, par les circonstances qui entourent la gué­rison, le miracle opéré en faveur du paralytique témoi­gne, d'une manière particulièrement impressionnante, de l'autorité du Sauveur sur le corps humain. «0 Christ, Dieu compatissant, tu es venu guérir le malade», chante l'Eglise aux vêpres de ce dimanche, le samedi soir. Or ce pouvoir guérisseur de Jésus est intimement lié à la Ré­surrection : celle-ci proclame que Celui qui peut vaincre la mort dans sa propre chair a pouvoir sur toute chair humaine. Notre Seigneur peut guérir le paralytique, par­ce que lui-même peut ressusciter. Et c'est pourquoi la commémoraison de cette guérison peut, sinon chronolo­giquement, du moins spirituellement, trouver place dans le temps pascal.

Le récit de la guérison du paralytique est lu à la li­turgie, comme évangile du dimanche (Jean, 5:1-15). A Jérusalem, près de la piscine de Bethesda, Jésus voit une foule de malades et d'infirmes qui attendent que l'eau soit agitée par un «ange du Seigneur» : ce phénomène se produisait à certains intervalles, et le premier malade qui descendait alors dans la piscine était guéri. Panni ces malades se trouve un homme souffrant de paralysie de­puis trente-huit ans. Jésus lui demande s'il veut être guéri. Il répond qu'il n'a personne pour le faire descen­dre dans la piscine et qu'il est toujours devancé par quel­que autre. Jésus lui dit : «Lève-toi, prends ton grabat et marche». L'homme est immédiatement guéri. Les Juifs protestent, parce que cette guérison a été opérée le jour du sabbat. Jésus retrouve l'homme dans le Temple et lui dit : «Ne pèche plus: il t'arriverait pire encore».

La signification immédiate de cet évangile est la puissance souveraine de Jésus sur la maladie. Secondairement l'évangile fait allusion au lien entre le mal physiqen et le péché : il n'est pas dit clairement que cet homme a été infirme parce qu'il a péché, mais Jésus déclare qu'il a péché et que, s'il pèche encore, une conséquence encore plus terrible se produira. Comme nous devrions être reconnaissants de ce que Dieu, dans sa miséricorde, ne laisse pas toujours nos péchés répétés avoir des répercussions douloureuses sur notre corps ! Enfin l'évangile d'aujour­d'hui suggère un certain rapport entre deux ordres des choses. D'une part, il y a cette descente périodique et attendue de l'ange dans la piscine, ce mouvement des caux, cette possibilité de guérison à celui qui descend le premier. D'autre part, il y a la guérison immédiate d'un homme, opérée par Jésus lui-même, sans descente dans l'eau. On pourrait dire que le premier type de guérison correspond à l'élément «institutionnel» dans l'Eglise, aux divers canaux de grâce (sacrements, rites, sacerdoce, discipline, etc.) que la communauté chrétienne met à la disposition de tous ses membres et qu'il serait aussi dangereux qu'impie de nier ou de sous-estimer. Le deuxième type de guérison correspond au contact direct, sans intermédiaire, de l'âme avec son Sauveur: il serait également dangereux et impie de nier ou de sous-estimer la possibilité de ce contact. Si saintes et si utiles que soient les institutions ecclésiastiques, aucune institution n'est, à strictement parler, indispensable, puisque le Scigneur peut, lorsqu'il le juge bon, agir sur les hommes en se passant d'elles.


Les réalités spirituelles ne sont pas limitées à leurs signes extérieurs. La réalité importe infiniment plus que le signe.


C'est encore une section des Actes des A potres (9 :32-42) que nous lisons aujourd'hui au lieu d'épître. Deux miracles sont opérés par Pierre. Passant à Lydda, Il guérit un homme nommé Eneas, paralysé depuis huit ans. Puis, à Joppé, il rcssuscite une femme appelée Tabitha Dorcas, dont la vie avait été riche en bonnes œuvres. L'un et l'autre appartenaient à la communauté chrétienne. Ce passage du livre des Actes s'harmonise profondément avec l'évangile de ce dimanche. La guérison d'Eneas for­me un parallèle à celle du paralytique de l'évangile; non seulement l'infirmité est identique, mais Pierre prononce des paroles semblables à celles de Jésus: «Lève-toi et fais ton lit». La Résurrection de Tabitha rentre bien dans le cadre du temps pascal : toute résurrection humai­ne est un effet et une application particulière de la Ré­surrection du Christ.


L'épître et l'évangile d'aujourd'hui se rejoignent dans leur insistance sur la guérison des malades. Dans les chants des vêpres, hier samedi soir, l'Eglise rappelait les trois cas de la femme cananéenne, du serviteur du cen­turion de Capharnaûm et du paralytique de Bethesda. «Tu as eu pitié... Tu ne t'es pas recusé... C'est pourquoi nous t'implorons, ô Dieu tout puissant et crions: gloire à toi». Nous entrerons dans l'esprit de l'Eglise en priant parti­culièrement Notre-Seigneur, en ce dimanche, de secourir les malades et les infirmes.






Archiprêtre Marc-Antoine Costa de Beauregard



La puissance de la Résurrection donne la vie et la santé de l’âme et du corps


1. Certains pensent qu’il n’y a plus de miracles : faux ! Passer de la tristesse à la joie (« Réjouissez-vous ! » dit le Ressuscité), de l’incroyance à la foi (Thomas) sont des miracles. Miracles quotidiens : la réconciliation des frères en discorde, l’absolution des péchés, le baptême, la sainte eucharistie. De nombreux miracles (résurrection, guérison, conversion) sont accomplis par la prière des saints (au 20° siècle par exemple Callinique de Cernica, Jean de Kronstadt, Nectaire d’Egine, etc.). Le miracle n’est pas une magie : il est l’action créatrice et miséricordieuse du Seigneur. Dieu peut tout et Il est souverainement libre !


2. Soit le Seigneur accorde ce qui est demandé ; soit Il exauce de façon différente, selon sa volonté souveraine (« que ta volonté soit faite ! ») ; soit Il est empêché d’agir par nos péchés : nous ne faisons pas sa volonté, comment lui demander de faire la nôtre ? Le miracle est cohérence et norme de la vie en Dieu.


3. Vrai : le pouvoir de la Résurrection (guérir, ressusciter les morts, pardonner) appartient au Christ et à son Eglise : tout baptisé jouit de ce pouvoir en tant que membre du Corps du Christ ; d’où notre prière. Mais glorifions Dieu avant de lui présenter notre demande, ce que nous enseigne le Christ (Jean 11, 41-43). Remercier d’abord de qu’Il voudra accomplir est notre acte souverain de foi en lui !

21 avril 2007

Dimanche des Myrrhophores et du Juste Joseph d'Arimathie

Marc 15, 43 - 16, 8

43 arriva Joseph d'Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus.
44 Pilate s'étonna qu'il fût mort si tôt ; fit venir le centenier et lui demanda s'il était mort depuis longtemps.
45 S'en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph.
46 Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l'enveloppa du linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc. Puis il roula une pierre à l'entrée du sépulcre.
47 Marie de Magdala, et Marie, mère de Joses, regardaient où on le mettait.
1 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus.
2 Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever.
3 Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre?
4 Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée.
5 Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées.
6 Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n'est point ici; voici le lieu où on l'avait mis.
7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.
8 Elles sortirent du sépulcre et s'enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.

Méditation d'un moine de l'Eglise d'orient

Le deuxième dimanche après Pâques est appelé «di­manche des myrrhophores». Ce nom grec signifie «por­teuses d'aromates». Il s'agit des femmes qui vinrent pour oindre le corps de Jésus enseveli et auxquelles la Résur­rection fut annoncée en premier lieu. L'épisode est rela­té dans l'évangile de la liturgie (Marc, 15:43-16:8), et l'Eglise en fait, ce dimanche, l'objet spécial de notre mé­ditation.

A l'aube du dimanche, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé se rendent au sépulcre. Nos journées seraient bénies si, chaque jour, «de grand ma­tin» et plus particulièrement «le premier jour de la se­maine», notre pensée se tournait vers Jésus triomphant de la mort. Le soleil «se levait» quand les femmes allè­rent au sépulcre. Jésus est le vrai soleil qui doit illumi­ner notre journée dès son commencement. La journée entière devient autre quand elle débute avec Jésus.


Les femmes ne savent comment elles parviendront jusqu'au corps de Jésus: «Qui nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau ?». L'évangile précise que cette pier­re «était fort grande». Beaucoup d'entre nous peuvent se poser la question que se posaient les femmes. Car, dans beaucoup d'âmes, Jésus semble être enseveli comme en un sêpulcre. Il semble paralysé, immobilisé, - même mort. Il est recouvert par une pierre pesante : la pierre du péché, de l'ignorance, de l'indifférence, la pierre de l'habitude mauvaise accumulée depuis des années. Nous voudrions peut-être enlever cette pierre et atteindre le Seigneur vivant. Mais nous n'en avons pas la force. «Qui nous roulera la pierre ?'».

L'entreprise des femmes ne paraît pas - humaine­ment parlant - pouvoir réussir. Et cependant elles se sont mises en route. Sans savoir comment elles entreront dans le sépulcre, elles marchent vers lui. De même, sans savoir comment sera ôté l'obstacle qui peut-être nous
empêche d'avoir accès au Sauveur, ayons confiance. Fai­sons un premier mouvement. Levons-noUs. Mettons-nous en route. Marchons vers Jésus que la lourde pierre sé­pare de nous. Que la foi et l'espérance nous guident.

Les femmes ne vont pas au sépulcre les mains vi­des. «Elles achetèrent des aromates pour aller oindre son corps». Apportons nous aussi quelque chose au sépul­cre. Même si nous sommes souillés par les plus grands pé­chés, apportons au sépulcre un commencement de bonne
volonté, notre peu d'amour, un acte charitable envers d'autres, notre faible prière. Sans doute ce ne sont pas nos pauvres dons qui obtiendront que la pierre soit ôtée, car notre accès à Jésus ressuscité et à la puissance de sa Ré­surrection demeurent le présent magnifique et entièrement
gratuit de la miséricorde divine. Mais le fait que nous ne nous acheminons pas vers le sépulcre avec des mains tout­à-fait vides montrera que notre cœur non plus n'est pas vide. Où sont les «aromates» avec lesquelles nous vou­lons «oindre» Jésus ?

Et voici que le miracle s'est produit. «Elles virent que la pierre avait été roulée». Les feJllInes n'auraient pas pu enlever cet obstacle. Mais Dieu lui-même y a pour­vu. L'évangile que nous lisons ce dimanche ne précise pas comment la pierre de l'entrée du sépulcre fut rou­lée. Un autre évangile est plus explicite: «Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre : l'Ange du Sel­gneùr descendit du ciel et vint rouler la pierre...». Ce verset est riche de sens. Quand l'ange du Seigneur vient ôter la pierre du sépulcre, il ne la roule pas doucement. Ce n'est pas une opération qui puisse s'accomplir sans ef­fort, sans une commotion violente et profonde. Il y faut un tremblement de terre. De même, l'enlèvement de l'obstacle qui nous sépare de Jésus ne doit pas être con­çu par nous comme un ajustement partiel. Il ne s'agit pas d'ôter ou de déplacer quelques pierrailles, de modi­fier quelques détails en laissant l'ensemble aussi inchan­gé que possible. Là encore, un tremblement de terre doit intervenir. C'est-à-dire que le changement doit être total, atteignant tous les aspects de notre être. La conversion est un «tremblement de terre» spirituel.

L'ange vêtu de blanc, assis dans le sépulcre, dit aux femmes : «Jésus que vous cherchez... est res­suscité, il n'est pas ici. Voici le lieu où on l'avait placé». Non seulement Jésus ressuscité n'est plus dans le tom­beau, mais toute tentative de limiter, de localiser, de cir­conscrire sa presence est vaine désormais. La piété hu­maine imagine parfois qu'elle peut lier la présence du
Sauveur à certaines conditions ou circonstances - de temps, de lieu, d'action - ou à certaines formules intan­gibles. Mais Jésus-christ nous est maintenant accessible en tout temps, en toutes circonstances. Il dépasse et fait éclater les cadres où certains chrétiens voudraient par­
fois l'enfermer, - «où on l'avait placé». On nous dira : «Il est ici», ou «Il est là»; et il y est, quoique peut-être autrement que ne le pensent les fidèles qui l'adorent «ici» et dà», mais il est aussi ailleurs, et nous pouvons par­tout découvrir sa présence. «Ne cherchez point parmi les morts celui qui est vivant», comme dit un autre récit de la Résurrection.

L'ange dit encore aux femmes : «Allez dire à ses disciples et notamment à Pierre, qu'il vous précède en Galilée : là vous le verrez, comme il vous l'a dit». Que gnifie. ce rendez-vous en Galilêe, plusieurs fois mention­né dans les évangiles ? Jésus veut-il simplement sous­traire ses disciples à la curiosité et à l'hostilité des Juifs ? Veut-il, après des jours de trouble et d'angoisse, leur as­surer un intervalle de tranquillité, dans une atmosphère bien différente de celle de Jérusalem? Peut-être cela est­il. Peut-être aussi ne nous tromperions-nous pas en don­nant des paroles de Jésus une explication plus profonde. C'est en Galilée qu'avait lieu la première, l'inoubliable ren­contre de la plupart des apôtres avec leur Maître. C'est là qu'ils l'avaient tout d'abord entendu et suivi et qu'ils lui avaient donné leur cœur. Maintenant que leur foi a été soumise à une dure épreuve --où ils ont été trouvés défi­cients - il leur sera bon de se replonger dans l'ambiance galiléenne, d'y retrouver Jésus, d'y retrouver aussi la fraîcheur et la joie de la première rencontre et d'y renou­veler leur acte de foi et d'obéissance. Cela est vrai de nous aussi. Il y a une Galilée dans la vie de la plupart d'entre nous, (nous pensons surtout aux lecteurs de ces lignes).

Une Galilée : c'est-à-dire un moment, déjà peut-être loin­tain, où nous avons rencontré Jésus personnellement et où, pour la première fois, nous l'avons écouté, nous avons essayé de le suivre. Beaucoup de péchés, d'oubli, de négli­gence nous ont peut-être, par la suite, séparés du Sei­gneur. A l'heure de la crise décisive, nous avons, comme les Apôtres, peut-être abandonné le Maître. A nous aus­si Jésus ressuscité fixe un rendez-vous en Galilée. Il nous demande de faire revivre en nous le souvenir et la ferveur de la première rencontre. Si nous essayons de redevenir tels que nous étions alors, nous le retrouverons lui-même.

Ne disons pas: «C'est trop difficile». Car il nous prépare­ ra la route: «Il vous précède en Galilée...». Invisible et présent, il marche devant nous vers cette Galilée de l'âme ; si nous le suivons, chaque pas nous deviendra plus facile, et un moment viendra où, sinon par les yeux du corps, du moins par les yeux de la foi et de l'amour, nous atteindrons une certitude inébranlable de sa Présence : «Là vous le verrez... ».

A la place d'épître, nous continuons, à la liturgie, la lecture du livre des Actes. Nous lisons aujourd'hui (Actes, 6:1-7) le récit de l'institution des sept premiers diacres. Ils sont choisis pour assurer le «service quotidien», la dis­tribution des secours matériels et pour permettre aux
apôtres de se donner «à la prière et au service de la paro­le». Cet épisode contient un double enseignement. D'une part, il est nécessaire que le «service des tables» soit ré­gulièrement organisé dans la communauté chrétienne. Une Eglise qui ignorerait les besoins matériels des hommes et qui ne s'efforcerait pas d'être secourable ne peut pas être l'authentique Eglise de Jésus-Christ. D'autre part l'Evan­gile ne se réduit pas à la philanthropie ; l'apostolat ne doit pas devenir une simple as$tance sociale: «Il ne sied pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux ta­bles». Dans notre condition humaine, nous ne pouvons l'chapper à cette division du travail : tel sera appelé à la l'ontemplation, tel autre à l'apostolat, tel autre aux œuvres de miséricorde.

Un seul est à la fois capable de multiplier les pains et de prêcher sur la montagne, de laver les pieds des convives et de leur adresser le discours après la cène, et celui-là seul, infiniment au-dessus de tous les apôtres et de tous les diacres, est la perfection et la plénitude de l'Eglise. Aux heures où nous ne savons comment conci­lliés les exigences des «œuvres extérieures» et celles de la Parole divine - soit écoutée, soit annoncée - lui seul, si nous le consultons, nous indiquera dans quelles justes proportions il nous faut joindre l'obéissance de Marthe et cel­le de Marie.

14 avril 2007

Dimanche de Thomas

Jean 20 ; 19-31

19 Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu'ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous!
20 Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur.
21 Jésus leur dit de nouveau: La paix soit avec vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie.
22 Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint Esprit.
23 Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.
24 Thomas, appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.
25 Les autres disciples lui dirent donc: Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit: Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point.
26 Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, se présenta au milieu d'eux, et dit: La paix soit avec vous!
27 Puis il dit à Thomas: Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois.
28 Thomas lui répondit: Mon Seigneur et mon Dieu! Jésus lui dit:
29 Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!
30 Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre.
31 Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom.




Méditation d'un moine orthodoxe en occident

Chers frères et sœurs, Christ est ressuscité !

Nous voici encore dans l’éblouissement de la résurrection car nous venons de vivre une semaine radieuse… Pourquoi « radieuse » ?

Parce qu’après les jours terribles de Sa Passion et de Sa mort, le Christ a déposé le fardeau de Sa Croix et que le creux de Son tombeau a fait place au silence ; parce que la mort a été couchée sur un lit de ténèbres ; parce que le linceul funèbre a été répudié ; parce que devant le tombeau ouvert les armées des anges contemplent ravies l’essor du Fils de Dieu et surtout parce que désormais Satan se désole au Golgotha devenu désert…
Et aujourd’hui dans la continuité de cette semaine lumineuse, une parole nous est adressée:
« Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! »

Cette parole nous est adressée alors que les apôtres sont réunis en un lieu clos par peur du monde extérieur ; par peur non-forcément des juifs, mais par peur de tous ceux qui nient l’évidence du Christ et de la bonne nouvelle de Son Evangile.
Et pourtant… Bien qu’étant retranchés à l’abri du monde extérieur, les apôtres ont la grâce de voir devant eux le Christ ressuscité qui leur apparaît.
La vision du Christ ressuscité semble être au centre de tous les récits de la résurrection dans les quatre évangiles.

Mais il y a « voir » et voir ; et parallèlement « voir » et croire ne sont jamais loin l’un de l’autre ! Pourtant la vision peut être trompeuse : on peut en effet voir le Christ et ne pas le reconnaître ; comme Marie-Madeleine qui crut voir le jardinier, ou bien comme les disciples d’Emmaüs qui ne reconnurent pas leur compagnon de route ; mais on peut Le reconnaître comme Marie-Madeleine ou les disciples d’Emmaüs L’ont reconnu respectivement par une parole ou la fraction du pain ; enfin souvenons-nous aussi de Saint Jean qui « vit et crut » en constatant que le tombeau était vide.
Aussi pouvons-nous en déduire qu’il peut y avoir une vision qui précède la foi et qui peut mener à cette dernière.

Mais revenons-en à Thomas ; la foi populaire l’affuble d’une bien mauvaise réputation puisqu’il manque au premier rendez-vous avec le Christ et qu’il ne croit pas les autres disciples ; en résumé il est apparemment le type même de l’incrédule qui veut tout vérifier, non seulement voir de ses propres yeux mais aussi toucher de ses propres mains.

Et pourtant ,l’Evangéliste Jean nous le présente en réalité d’une bien autre manière… !
En effet ; si Thomas est absent du lieu où sont réunis les apôtres, n’est-ce pas tout simplement par ce qu’il n’a pas peur des habitants de Jérusalem, et surtout qu’il n’a pas peur de subir le même sort que Jésus ?!

Thomas est véritablement celui qui n’a pas peur de suivre le Christ jusqu’au bout ; comme nous le rappelait Père Alexis lors de son homélie du samedi de Lazare, Thomas est le seul à avoir dit haut et fort « Allons nous aussi mourir avec Jésus ! » lorsque les autres disciples ont eu peur de monter en Judée avec Jésus pour aller voir Lazare qui se mourait.

Par ailleurs ; n’est-ce pas plus tard à Thomas ; à la veille de la Passion ; que nous devons ces lumineuses paroles du Christ « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ! » ; alors que Thomas avait eu le courage de Lui dire « Seigneur nous ne savons pas où tu vas ; comment saurions-nous le chemin » ?

“Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie! Personne ne vient vers le Père que par moi”. Autrement dit: le seul moyen pour connaître le chemin et le but, c’est de suivre le Christ pas à pas, au jour le jour ; c’est de marcher avec Lui jusqu’au bout, jusqu’à la mort: c’est le seul moyen pour connaître non seulement le Chemin, mais aussi la Vérité et la Vie; c’est le seul moyen pour arriver dans la maison du Père.

A vrai dire, si Thomas demande non seulement de voir mais même de toucher Jésus et les marques de sa Passion, c’est qu’il se méfie des apparences, sans doute sait-il combien une vision peut être trompeuse et il veut aller au-delà. Le risque (même pour les autres apôtres) était de croire que Jésus était simplement revenu à la vie ordinaire, à la vie mortelle. Grâce au doute ; Thomas peut faire un pas de plus: Jésus ressuscité est bien le même que celui qui a souffert et qui est mort pour nous, il porte bien les marques des clous dans son corps glorifié. Mais Il n’est pas uniquement et simplement revenu à la vie ; il y a plus: Il est maintenant auprès du Père comme Il l’était “au commencement”. C’est bien ce qu’exprime la confession de foi de Thomas, par son cri “mon Seigneur et mon Dieu”. Ce sont les titres divins les plus forts qui puissent exister: Jésus est “Kyrios” (Seigneur et Maître) et il est aussi “Theos” ; c’est-à-dire Dieu.
Thomas confesse que, tout en étant auprès du Père, le Christ est plus que jamais “son” Seigneur et “son” Dieu ; que le Christ est plus que jamais “Dieu avec nous”,

Et pour être avec nous, le Christ nous donne son Esprit, l’autre “Consolateur” qu’Il avait annoncé, celui qui procède du Père. Mais remarquons comment Il le donne: Il souffla sur les apôtres, et Il leur dit: recevez l’Esprit Saint” ; ce qui n’est pas sans nous rappeler la création d’Adam dans le livre de la Genèse: ayant modelé l’homme avec de l’argile, Dieu insuffla dans ses narines son propre souffle de vie, et ainsi l’homme devint un être vivant. Nous voilà d’ores et déjà préparés à la Pentecôte en tant qu’elle est une nouvelle création de l’humanité.
Oui ; nous sommes recréés une nouvelle fois le jour même de la résurrection, pour une nouvelle vie, pour LA vie immortelle.

Cette nouvelle vie nous donne une joie intérieure, surabondante, mais aussi la paix du coeur: trois fois dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus donne sa paix: “Paix à vous!”, une paix qui est un don de Dieu, une réconciliation avec Lui. Mais le don de l’Esprit est aussi un devoir: les disciples sont envoyés dans le monde et reçoivent le pouvoir de discerner entre le bien et le mal pour le pardon des péchés: “Comme le Père m’a envoyé, moi je vous envoie”, “Recevez l’Esprit Saint: les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez”. Autrement dit: les disciples sont appelés à poursuivre l’œuvre du Christ dans le monde: recréer le monde par le souffle de l’Esprit Saint et réconcilier le monde avec le Père.

Nous sommes nous aussi envoyés dans le monde pour témoigner de la résurrection. Non pas que le Christ lui-même en ait besoin ; non ! C’est plutôt nous qui avons besoin de témoigner, c’est notre témoignage, ou plutôt celui de l’Esprit Saint en nous, qui nous transforme avant même qu’il ne transfigure le monde. De plus, nous ne sommes jamais témoin tout seul, nous sommes témoins ensembles puisque nous sommes en Eglise: aucun témoignage n’épuise toute la vérité et nous avons besoin des témoignages et de l’expérience vécue de chacun.

Ainsi donc, frères et sœurs, soyons témoins de la résurrection, laissons-nous transformer par la joie, la paix et le pardon de l’Esprit Saint, proclamons, à la suite de Thomas, le Christ ressuscité en tant que notre Seigneur et notre Dieu ; Dieu avec nous, à qui conviennent la gloire l’honneur et l’adoration pour les siècles des siècles. Amen !



Autres homélie 2007

Chers frères et sœurs ;

Le Christ est Réssuscité !

Après les solennités des fêtes pascales, nous avons vécu cette semaine écoulée- dite Semaine Radieuse- dans la joie et l’exultation intérieure la plus intense ; mais si nous nous penchons de plus prêt sur le texte évangélique d’aujourd’hui, nous constaterons que durant les moments qui ont suivi la résurrection du Sauveur, il en a été tout autre pour les apôtres…

En effet « le soir de ce jour-là » nous apprenons qu’ils se tenaient à l’écart, enfermés dans un lieu où il nous est dit que les portes étaient closes parce qu’en l’absence de leur Sauveur les apôtres avaient peur… Peur des railleries, peur de la haine du monde qui s’était clairement manifestée dès la Sainte Cène, ne faisant que croître à Géthsémani puis pendant la Passion et surtout depuis la Passion.

Combien de fois n’avons-nous pas, nous aussi, traversé ces moments de doute, ces moments d’angoisse, d’anéantissement où tout semble nous abandonner, où tous nos espoirs semblent perdus ; ces moments où Dieu lui-même est absent ?
Et pourtant… cette absence de Dieu n’est qu’apparente car elle reflète en réalité un aspect concret de Sa présence ; dans le sens où par cette absence et ce non-sens auxquels nous sommes confrontés, le Seigneur veut nous révéler quelque chose de Lui, en nous, en nos cœurs et ce pour notre profit spirituel.

Car si nous Le croyons absent c’est bien souvent que nous sommes (pour employer un mot à la mode !) « déconnectés » des réalités spirituelles ; que nous nous sommes éloignés de Lui par notre découragement, par notre manque de foi en Sa promesse ; ainsi qu’en ont été sujets les apôtres.

Il s’avère qu’en la personne de Thomas nous avons une réponse, voire même une « méthode », pour renouer un lien personnel avec le Seigneur, pour rétablir la prière, c’est à dire le lien vivifiant qui nous relie à Lui. Cette réponse et cette méthode : c’est l’audace !

Oui, qu’a fait Thomas sinon avoir usé de sainte audace dans sa prière et dans sa foi, au sein du collège des apôtres réuni en ce lieu clos ? Tout comme l’absence du Seigneur n’était qu’apparente ; le manque de foi de Thomas l’était aussi puisqu’il a pu et su exprimer son ressenti spirituel intérieur quant à la résurrection. Et c’est alors que répondant à sa requête de toucher les plaies du Seigneur, le Christ lui apparaît…non sans le reprendre toutefois sur la supériorité du « croire sans voir » ! « Heureux ceux qui croient sans avoir vu !» ; de sorte que non seulement Thomas obtient ce que sa prière avait demandé, mais en plus il reçoit un enseignement sur sa manière d’approcher les mystères divins !
Pour en revenir à la réponse du Christ à Thomas, qu’à cela ne tienne ! Voir et croire est une étape dans toute quête du Seigneur ; d’ailleurs ne sommes-nous pas des imitateurs de Thomas lorsque nous nous approchons des icônes pour les vénérer ?

Ainsi pour reprendre ce que nous avons dit précédemment, nous ne devons pas être effrayés de ce que nous prenons pour une absence de Dieu dans nos vies.
Bien souvent c’est nous qui ne sommes pas présents quand il le faudrait…à l’image de Thomas qui n’était pas là au soir de la Résurrection. Et pourtant dans notre lenteur spirituelle ; même si comme Thomas nous arrivons huit jours après, même si le Seigneur nous semble absent, Il ne manquera pas de se manifester à nous pour autant que nous sachions être audacieux dans notre prière et quittes à Lui lancer des défis ! Car effectivement Dieu aime les défis ; Dieu aime l’audace ; mais la sainte audace ! ; celle qui permet de progresser, celle qui permet de recevoir une parole substantielle pour cheminer toujours plus avant vers Lui.

Mais attendons-nous à une parole qui risque de nous secouer comme ce fût le cas pour Thomas ; à une parole semblable au « coup » porté par l’Ange à Jacob au cours de leur combat c’est à dire une révélation de la toute-puissance divine qui ne sera que réponse à notre foi et à notre désir de Lui.

Que l’apôtre Thomas nous accorde par ses prières la grâce d’une quête inlassable de Dieu, avec cette violence d’amour qui a parfois la force de Le vaincre et de L’incliner vers l’homme !

Amen

08 avril 2007

La Résurrection






Icône de Maria Lavie




Iconographie : explications cliquez ici

Evangile selon Saint Marc (16 1-8)

Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus. Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre ? Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit : Ne vous épouvantez pas ; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n'est point ici ; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. Elles sortirent du sépulcre et s'enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.

Gloire à Toi Seigneur, Gloire à Toi !
LE CHRIST EST RESSUSCITÉ DES MORTS PAR LA MORT IL A VAINCU LA MORT, A CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAU IL A DONNÉ LA VIE




Homélie de notre Père dans les saints Jean Chrysostome Archevêque de Constantinople

Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse solennité!
Que tout serviteur fidèle entre joyeux dans la joie de son Seigneur!
Que celui qui s'est donné la peine de jeûner reçoive maintenant le denier qui lui revient!
Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive à présent son juste salaire!

Si quelqu'un est venu après la troisième heure, qu'il célèbre cette fête dans l'action de grâces!
Si quelqu'un a tardé jusqu'à la sixième heure, qu'il n'ait aucune hésitation, car il ne perdra rien! S'il en est un qui a remis jusqu'à la neuvième heure, qu'il approche sans hésiter!
S'il en est un qui a traîné jusqu' à la onzième heure, qu'il n' ait pas honte de sa tiédeur, car le Maître est généreux, il reçoit le dernier aussi bien que le premier. Il admet au repos celui de la onzième heure comme l'ouvrier de la première heure.
Du dernier il a pitié et il prend soin du premier.
A celui-ci il donne ; à l'autre il fait grâce.
Il accueille les oeuvres et reçoit avec tendresse la bonne volonté.
Il honore l'action et loue le bon propos.
Ainsi donc, entrez tous dans la joie de votre Seigneur et les premiers comme les seconds, vous recevrez la récompense.
Riches et pauvres, abstinents et paresseux, mêlez-vous pour célébrer ce jour.
Que vous ayez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd'hui.
La table est préparée, goûtez-en tous ; le veau gras est servi, que nul ne s'en retourne à jeun. Goûtez tous au banquet de la foi, au trésor de la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté, car le Royaume est apparu pour tous.
Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon a jailli du tombeau.
Que nul ne craigne la mort, car celle du Sauveur nous en a délivrés : il l'a fait disparaître après l'avoir subie.
Il a dépouillé l'Enfer, celui qui aux Enfers est descendu.
Il l'a rempli d'amertume pour avoir goûté de sa chair.
Et cela, Isaïe l’avait prédit : L'Enfer, dit-il, fut irrité lorsque sous terre il t'a rencontré.
Il avait pris un corps et s' est trouvé devant un Dieu; ayant pris de la terre, il rencontra le ciel; ayant pris ce qu'il voyait, il est tombé à cause de ce qu'il ne voyait pas.









O Mort, où est ton aiguillon? Enfer, où est ta victoire?
Le Christ est ressuscité et toi-même es terrassé.
Le Christ est ressuscité et les démons sont tombés.
Le Christ est ressuscité et les Anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie.
Le Christ est ressuscité et il n' est plus de mort au tombeau.
Car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis.
A lui gloire et puissance dans les siècles des siècles.

Amen.






Père Lev Gilet



«:.. Celui qui a travaillé dès la première heure rece­vra aujourd'hui le juste salaire; celui qui arriva seule­ment après la sixième heure peut s'approcher sans ef­froi : il ne sera pas lésé; si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, il pourra venir sans aucune hésitation; l'ouvrier de la onzième heure ne souffrira pas de son re­tard. Car le Seigneur est libéral : il reçoit le dernier comme le premier... Tous entrez dans la joie de votre Maître... Abstinents ou oisifs, fêtez ce jour; que vous ay'ez jeûné ou non, réjouissez-vous aujourd'hui. Le festin est prêt, venez donc tous. Le veau gras est servi, tous se­ront rassasiés. Mangez avec délice au banquet de la foi, et venez puiser aux richesses de la bonté. Que nul ne pleure... Que nul ne déplore ses péchés : le pardon s'est levé du tombeau».

Ces merveilleuses paroles soulèvent un problème.




Saint Jean Chrysostome semble placer sur pied d'égalité ceux qui se sont spirituellement préparés à la fête et ceux qui ne s'y sont pas préparés. Il invite les uns et les autres. Il semble n'établir aucune différence entre eux et parle comme si la même grâce leur était donnée. Et ce­pendant nous savons que ceux-là seuls partagent la grâ­ce de la Résurrection du Christ, qui ont porté la croix et sont morts avec lui.




Nous savons que la douleur du vendredi-saint est une condition nécessaire de la joie de Pâques. Cela est vrai. Toutefois Notre-Seigneur, dans sa miséricorde, se réserve d'intervertir l'ordre de ces deux termes. Il a révélé aux Apôtres son triomphe avant de les avoir associés à sa Passion. Tous, sauf un seul, l'avaient abandonné pendant les heures douloureuses du Golgotha, et néanmoins il les admet directement à la joie de sa Résurrection. Ce n'est pas que l'économie du salut soit changée : sans la croix, la gloire du Ressuscité ne peut devenir notre part. Mais le Seigneur Jésus mé­nage la faiblesse de ses disciples. Il les associe aujour­d'hui à la joie de Pâques, quoiqu'ils y soient si peu pré­parés. Plus tard, demain, il les associera à sa Passion. «Quand tu étais jeune tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, un autre te nouera ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas». Ainsi parle Notre Seigneur à Pierre, quand il apparaît aux apôtres sur la rive du lac de Galilée, après la Résurrection. Et l'évangéliste nous explique le sens de cette phrase : «Il indiquait par là le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu". Pierre et les autres apôtres participeront, par leur martyre, à la Passion de leur Maître, mais seulement après que la force de sa Résurrection leur aura été communiquée.




Notre Seigneur agit de même avec nous. Nous sommes loin - du moins la plupart d'entre nous -
d'avoir bu au calice de la Passion. Nous n'avons pas aidé Jésus à porter sa croix. Nous ne sommes pas morts avec lui. Nous avons dormi pendant son agonie ; nous l'avons abandonné ; nous l'avons renié par nos péchés multipltes. Et cependant, si peu préparés, si impurs que nous soyons, Jésus nous invite à entrer dans la joie pascale. Si nous ouvrons vraiment notre cœur au pardon qui jailli du sépulcre vide (le fait que le sépulcre est maintenant vide constitue le gage visible de notre pardon), si nous nous laissons pénétrer par la lumière de Pâques, si nous adorons la présence du Seigneur ressuscité, nous recevrons nous aussi la puissance de la Résurrection - que le don de la Pentecôte rendra parfaite. Alors, alors seu­lement, nous comprendrons ce que signifie la croix et nous pourrons entrer, pour notre humble part, dans le
mystère de la Passion du Christ. Voilà comment s'expli­que l'appel de Saint Jean Chrysostome, ou plutôt sa pro­messe, à ceux qui ne sont pas prêts, à ceux «qui n'ont pas jeûné». L'Eglise a admirablement choisi le sermon du jour de Pâques. Lisons et relisons cette homélie. Nous ne
trouverons pas de meilleure méditation pour le jour de la Résurrection.
















07 avril 2007

Samedi Saint

Mathieu XXVIII, 1-20


1 Après le sabbat, à l'aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie allèrent voir le sépulcre.
2 Et voici, il y eut un grand tremblement de terre; car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre, et s'assit dessus.
3 Son aspect était comme l'éclair, et son vêtement blanc comme la neige.
4 Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts.
5 Mais l'ange prit la parole, et dit aux femmes: Pour vous, ne craignez pas; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié.
6 Il n'est point ici; il est ressuscité, comme il l'avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché,
7 et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts. Et voici, il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez. Voici, je vous l'ai dit.

8 Elles s'éloignèrent promptement du sépulcre, avec crainte et avec une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples.
9 Et voici, Jésus vint à leur rencontre, et dit: Je vous salue. Elles s'approchèrent pour saisir ses pieds, et elles se prosternèrent devant lui.
10 Alors Jésus leur dit: Ne craignez pas; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront.
11 Pendant qu'elles étaient en chemin, quelques hommes de la garde entrèrent dans la ville, et annoncèrent aux principaux sacrificateurs tout ce qui était arrivé.
12 Ceux-ci, après s'être assemblés avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme d'argent,
13 en disant: Dites: Ses disciples sont venus de nuit le dérober, pendant que nous dormions.
14 Et si le gouverneur l'apprend, nous l'apaiserons, et nous vous tirerons de peine.
15 Les soldats prirent l'argent, et suivirent les instructions qui leur furent données. Et ce bruit s'est répandu parmi les Juifs, jusqu'à ce jour.
16 Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui. Mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus, s'étant approché, leur parla ainsi: Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre.
19 Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit,
20 et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.






06 avril 2007

Vendredi saint





Golgotha

Le jeudi-saint, nous avons suivi Jésus à la chambre haute. Aujourd'hui, vendredi-saint, nous le suivrons jusqu'au Golgotha. Nous le suivrons, non à la manière de Pierre, qui «le suivait de loin... voulant voir le dénoue­ment», mais à la manière de sa mère, de Jean, et des saintes femmes, qui ne l'abandonnèrent pas.


La journée liturgique du vendredi-saint commence le jeudi soir par le service «des douze évangiles». Ce service constitue les matines du vendredi-saint. Après les psau­mes de matines, on lit une juxtaposition de textes évangéliques divisés en douze parties, de façon à former un récit de la Passion qui n'omette presque aucun détail.

Ce récit débute par le discours de Jésus après la Cène et par la prière sacerdotale.

















Il continue par l'arrestation de Jésus au Jardin des Oliviers - chose assez étrange, l'agonie de Jésus au jardin est passée sous silence, ­















puis par le procès juif















et le procès romain de Jésus (mais la comparution devant Hérode n'est pas mentionnée),































la flagellation,
le couronnement d'épines, le portement de la croix, la crucifixion, la mort et enfin





































l'ensevelissement du Seigneur.



























































05 avril 2007

Jeudi saint








La chambre haute

Le jeudi-saint nous introduit dans le mystère pas­cal. Il commémore et nous rend présente la première partie de ce mystère, celle qui s'est déroulée dans la chambre haute.

Les matines du jeudi-saint sont chantées le mercre­di soir. Il n'y a pas d' «office du Fiancé». Après les psau­mes de matines et un tropaire, on lit dans l'évangile se­lon saint Luc (22 :1-39) le récit des événements qui se pas­sèrent depuis le conciliabule entre Judas et les prêtres jusqu'au moment où Jésus quitta la chambre haute pour se rendre au Mont des Oliviers. Suit le chant d'un canon. A l'office de Prime, on reprend le livre de Jérémie ; on en lit un passage (11 :18-12 :15) où nous remarquerons les ver­sets suivants : «J'étais comme un agneau confiant qu'on mène à l'abattoir... Ce que je chérissais, je l'ai livré aux mains de mes ennemis... Des pâtres nombreux ont sacca­gé ma vigne... Mais après les avoir arrachés, à nouveau j'en aurai pitié et je les ramènerai chacun en son héri­tage, chacun en son pays...».



Les vêpres sont chantées avant la liturgie. On y con­tinue la lecture de l'Exode (19:10-19) : Dieu descend sur le Sinai dans le feu et la fumée, mais il ne promulgue pas encore les commandements. Moïse avait prévenu le peu­ple : «Tenez-vous prêts pour après-demain». Le peuple avait lavé ses vêtements et s'était purifié. Ce sont là des figures de la résurrection du Christ le troisième jour, de sa manifestation aux hommes après Pâques et de la pu­reté avec laquelle nous devons approcher le mystère pas­cal. On continue aussi la lecture du livre de Job (38:1-23, 42:1-5). Dieu parle à Job, lui posant des questions ; il lui dit : «Je vais t'interroger et tu m'instruiras». Ensuite Job prend à son tour la parole et redit à Dieu la même phra­se : «Ecoute, laisse-moi parler ; je vais t'interroger et tu m'instruiras». C'est le modèle du merveilleux. échan­ge, de l'entretien intime qui pourrait, qui devrait avoir lieu entre Dieu et l'homme. Job est d'ailleurs arrivé à la fin de ses épreuves. Il est resté fidèle ; et il dit au Sei­gneur ce que toute âme aspire à pouvoir dire un jour (et ce que beaucoup d'âmes aimantes et priantes peuvent déjà dire) : «Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais main­tenant mes yeux t'ont vu». Enfin nous lisons quelques versets du début du livre du prophète Isaie (1 :4-11). Dieu fait des reproches à Israél, «nation pécheresse, peuple chargé de crimes», et il se déclare las des sacrifices qu'on lui offre : «Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux ; le sang des taureaux et des boucs me répugne». Un sacrifice meilleur va lui être of­fert.



A la liturgie, nous lisons le passage de la premiè­re épître aux Corinthiens (11 :23-32) où Saint Paul ex­pose l'institution de l'Eucharistie : «... Le Seigneur Jé­sus, la nuit où il fut livré, prit du pain...». L'évangile de la liturgie est une longue juxtaposition de textes (Mat­thieu 26:2-20; Jean 13:3-17; Matthieu 26:21-39; Luc 22: 43-44; Matthieu 26 :40-27 :2). Il raconte le conseil tenu par les prêtres, l'onction à Béthanie, la prépara­tion de la pâque, le lavement des pieds, l'institution de l'Eucharistie, l'agonie à Gethsemani, le baiser de Judas, l'arrestation de Jésus, l'interrogatoire chez le grand-prêtre, le reniement de Pierre et finalement la li­vraison de Jésus au procurateur romain. La bénédiction finale commence ainsi: «ô toi, qui, par ton infinie bonté, nous a révélé l'humilité comme le chemin par excellence quand tu as lavé les pieds de tes disciples...».




Et, dans les églises cathédrales, l'évêque procède, après la liturgie, à la cérémonie du lavement des pieds, les douze apôtres étant représentés par douze prêtres.
Le service des douze évangiles, que l'on est habitué à considérer comme une caractéristique du jeudi-saint, ap­partient en réalité aux offices du vendredi-saint. C'est donc à l'occasion des rites de demain que nous en par­lerons.

Le sens des rites du jeudi-saint est résumé avec exac­titude dans un des chants de matines appelé oikos : «Ap­prochons avec crainte du mystère de la table et, avec des âmes purifiées, recevons le pain. Restons avec le Maître et remarquons comme il a lavé les pieds de ses disciples et les a séchés avec une serviette. Apprenons à imiter ce que nous contemplons et donnons-nous les uns aux autres, nous lavant respectivement les pieds, car le Christ lui­-même demanda à ses disciples de faire de la sorte. Mais Judas, le serviteur infidèle n'entendit pas et demeura dans sa méchanceté». Trois aspects du jeudi-saint sont ici sou­lignés : le lavement des pieds, la cène du Seigneur, la tra­hison de Judas. Fixons notre attention sur ces trois as­pects pendant quelques instants.


Mais, avant de considérer ce qui se passe dans la chambre haute, pensons à cette chambre elle-même. Jé­sus envoie dire au maître de la maison: «C'est chez toi que je célèbrerai la Pâque avec mes disciples ... Où est le lieu où je pourrai manger la Pâque avec mes dis­ciples ?». Cette phrase s'adresse à chacun de nous. A chaque fête de Pâques, Jésus désire spécialement venir en nous et célébrer spirituellement la pâque dans notre âme. En dehors même du temps pascal, chaque fois que le Seigneur Jésus nous distribue, à sa propre table, le pain qui est la communion à son corps et le vin qui est la communion à son sang, il célèbre la cène dans notre chambre haute intérieure, en même temps que le sacre­ment extérieur s'accomplit. Il y a plus. Outre la fête de Pâques, outre l'Eucharistie visible, nous avons chaque jour, à chaque moment, la possibilité de célébrer dans la chambre haute de notre âme une pâque invisible et si­lencieuse. Nous avons la possibilité, chaque fois que nous le désirons, de recevoir en nous, par la foi et la charité, le Seigneur Jésus et de faire de lui, en esprit, notre nour­riture. Et aussi, de cette cène purement intérieure et spi­rituelle, Jésus nous dit : «J'ai désiré manger cette Pâque avec vous ..». Mais où est la chambre où nous le recevrons ? Tout est-il prêt ? Aucune chambre en mon âme n'est vraiment purifiée et ornée pour une telle visite. P'ailleurs il ne suffirait pas de préparer un coin de mon âme, en dissimulant le désordre qui subsiste dans les autres parties de moi-même. C'est mon âme en­tière qu'il faut laver, nettoyer. Je n'en ai pas la force. Eh bien, Seigneur, viens toi-même te préparer en moi une chambre haute. Demeure en moi au-delà d'une visite pas­sagère. Deviens l'hôte constant de mon âme, deviens-en le maître ; voici les clefs qui ouvrent toutes les portes ; c'est moi qui maintenant suis chez toi. Et si tu veux venir chez moi, Seigneur, avec tes disci­ples, cela signifie que je dois te recevoir en moi «catho­liquement». Je ne puis prétendre te séparer des mem­bres de ton corps mystique. Te recevant, je reçois spiri­tuellement toute la communauté de tes disciples, toute l'Eglise. Mon âme doit s'ouvrir affectueusement et s'unir, dans une même prière, à tous ceux qui croient en toi, à tous ceux qui t'aiment, à tous ceux qui t'invoquent. Que je devienne donc un avec eux tous, avec ceux qui vivent en toi et ceux qui sont morts en toi, avec ta bienheureuse Mère, tes apôtres, tes martyrs, tes saints d'hier, d'aujour­d'hui et de demain. Entre en moi, Seigneur, avec tes disciples.



Tu t'approches de moi pour laver mes pieds, Seigneur. Tu ne permets pas que je proteste contre l'excès d'humi­lité qui fait que tu t'agenouilles devant moi et me laves. Tu me dis : « Si je ne te lave pas, tu n'auras pas de part avec moi». Jésus, par cette parole, indique deux choses. D'abord que nous devons nous laisser purifier par lui de nos péchés, de la poussière de la route aussi bien que des grandes souillures : «Seigneur, pas les pieds seulement, mais aussi les mains et la tête! », comme di­sait Pierre. Et ensuite qu'avoir vraiment part avec le Seigneur, c'est avoir part à son humilité et à son abais­sement. Avoir part avec le Christ, c'est avoir part au Dieu-Homme qui lave les pieds des hommes. J'aurai part au Christ du lavement des pieds si je me laisse laver les pieds par lui et si je lave moi-même les pieds des autres, à son exemple : «Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres».



Qu'est-ce que laver les pieds des autres hommes ? Avant de verser de l'eau sur leurs pieds, il faut d'abord nous mettre dans la seule pos­ture qui le permette, dans une attitude de complète humi­lité : il faut nous mettre à leur niveau et nous agenouiller devant eux. Bref, il faut nous abaisser. Il y a là une in­dication de grande valeur pour toute notre vie spirituelle. Nous pouvons aller vers Dieu soit en nous élevant, soit en nous abaissant ; soit en montant, soit en descendant. A certaines heures, nous n'avons en quelque sorte pas d'ai­les ; la sécheresse nous envahit ; il nous est impossible de nous élever vers Dieu. A ces heures où nous ne pouvons trouver Dieu plus haut que nous, où peut-être même nous ne le trouvons plus en nous, nous pouvons le trouver plus bas que nous-mêmes. Nous pouvons nous pencher sur une misère morale ou un péché, ne disons pas « pires» que les nôtres (car, si nous voyons clair, nous savons que nos propres péchés ont aussi touché le fond de l'abîme), mais en apparence plus «criants», plus ostensibles, ou sur une détresse phy­sique qui nous a été épargnée ; leur venant en aide, nous trouverons Dieu dans ce mouvement de descente. Laver les pieds des hommes, c'est apporter un rafraichissement, un soulagement à quiconque souffre. Mais c'est aussi essayer de dégager le pécheur de son péché. La méthode du «lavement des pieds» appliquée au pécheur est très spéciale et très délicate. Il ne s'agit plus de faire des reproches ou de formuler des préceptes. Le ton de supériorité (légitime en certains cas) n'a plus de place ici. Il faut se mettre, à l'égard du pécheur, dans une attitude de service et d'humilité. Il faut que cette humilité et cette charité­ fassent sur le pécheur une telle pression qu'elles le pous­sent, quoique sans controverse d'aucune sorte, hors de son péché. Telles sont les perspectives profondes et dif­ficiles que nous ouvre l'épisode évangélique du lavement des pieds.





Le mystère central de la chambre haute réside dans la Cène. Le Seigneur Jésus, réellement présent à la fois comme celui qui distribue et celui qui est distribué, se donne à nous dans l'Eucharistie. Que nous recevions dans le sacrement le pain de vie, le corps et le sang du Sauveur, tous les fidèles orthodoxes qui s'approchent de l"autel le croient : ce point n'a pas besoin d'être dévelop­pé ici. Mais quelques autres aspects de l'Eucharistie sont peut-être moins familiers à leur pensée et nous les indi­querons brièvement. L'Eucharistie, avant d'être présence du Christ en nous, est le sacrifice du Christ pour nous. En cette fête du jeudi-saint, il importe particulièrement de nous rappeler le lien que Notre Seigneur a voulu éta­blir entre le repas dans la chambre haute et la Pâque juive et entre ce même repas et la Passion. Tou­te eucharistie est un repas sacrificiel. Chaque fois que nous communions au corps immolé du Christ et à son sang répandu, nous communions à sa Passion, nous prenons part à son sacrifice ; nous devrions immoler et offrir no­tre propre personne, nos désirs égoïstes, notre volonté ; nous devrions plonger dans notre propre cœur le couteau du sacrificateur. Une communion est une immolation spi­rituelle. Mais n'oublions pas que l'immolation n'épuise pas toute la notion du sacrifice ; l'acceptation de la victime par Dieu en est une partie intégrale ; le dîner dans la chambre haute et nos liturgies eucharistiques sont le sacrement, non seulement de la souffrance du Seigneur, mais de sa glorification et de la réponse du Père manifes­tée par la Résurrection et l'Ascension.



Il y a une eu­charistie éternelle et céleste avec laquelle nos eucharis­ties terrestres nous mettent en rapport. Un autre aspect de la Cène que les chrétiens ne réalisent peut-­être pas assez est la communion au Christ total, c'est-­à-dire non seulement à la Tête, mais à tous les membres du Corps mystique : communiant à Jésus-Christ, nous communions à tous les hommes, pour autant qu'ils par­ticipent, par nature et par grâce, au Dieu fait homme. L'Eucharistie, parce qu'elle est une incorporation à la per­sonne de Jésus, est une incorporation à l'Eglise, à tous nos frères et sœurs. Et enfin il faut rappeler ce que nous di­sions déjà à propos de la chambre haute de notre âme. Ou­tre la Pâque visible, outre le sacrifice et la communion sacramentels, il y a une Pâque invisible, un sacrifice et une communion purement spirituels que nous pouvons toujours offrir et recevoir dans le secret de notre âme, et cette eucharistie intérieure, dont nous sommes à la fois les ministres et les bénéficiaires, peut nous procurer de grands fruits. On peut, en esprit, se nourrir du pain vi­vant descendu du ciel, manger le corps et le sang du Sei­gneur. A tout moment, Jésus-Christ, notre Prêtre éternel, nous dit - comme le prêtre dans nos lîturgies terrestres :
«Approchez avec crainte de Dieu, avec foi et avec amour».












Le jeudi-saint nous fait aussi contempler la trahison de Judas. Celle-ci était déjà accomplie lorsque Judas s'en­tendit avec les prêtres juifs pour leur livrer son Maître. Mais cette trahison devait se manifester sous une forme particulièrement pénible dans la chambre haute, au cours du dernier repas. «Celui qui mange mon pain a levé con­tre moi son talon... En vérité je vous le dis, l'un de vous me livrera... C'est celui à qui je donnerai un morceau trempé... Et trempant la bouchée, il la prend et la donne à Judas l'Iscariote... Et après que le morceau fut donné, Satan entra en lui...». Judas, portant la trahison dans son cœur, accepte le morceau que lui offre Jésus et nous trouvons son geste odieux. Il a profané la table du Sei­gneur. Mais, nous-mêmes, combien de fois avons-nous pris place à cette table sans avoir purifié notre cœur autant qu'il le fallait ? Combien de fois, après avoir participé à la cène du Seigneur, sommes-nous tombés dans le péché, en matière grave et volontairement ? Judas a trahi son Maître une fois et, si l'on peut dire, «en bloc». Nous tra­hissons constamment Jésus, - en détail. Mais ce n'en est pas moins une trahison. Jésus dit à Judas: «Ce que tu as à faire, fais-le vite ». Judas sortit, afin de consom­mer son œuvre de mort : «et il faisait nuit, - c'était l'heure des ténèbres hors de la chambre haute et dans le cœur du traître. Cette parole de Jésus, envoyant Judas consommer son crime, est plus profonde et plus miséri­cordieuse qu'elle ne semble. Les disciples, nous dit le qua­trième évangéliste, crurent que Jésus avait chargé Judas d'acheter certaines choses ou de donner de l'argent aux pauvres en vue de la fête. Et c'était vrai mais dans un sens que les disciples ne soupçonnaient pas. Jésus envoie Judas acheter pour trente deniers le véritable Agneau pas­cal, car Judas, en livrant son Maître, a procuré au mon­de la victime de Pâques qui allait expier tout péché. La générosité manifestée par Jésus dans la Rédemption do­mine l'horreur de toutes les trahisons.









Résumons dans une prière le sens de cette journée du jeudi-saint. Cette prière sera le tropaire que l'on chante à la liturgie de ce jour avec une particulière solennité et que l'on récite chaque fois qu'un fidèle communie :
«Rends-moi participant du mystère de ta Cène, ô Fils de Dieu. Car je ne livrerai pas ton secret à tes ennemis et je ne te donnerai pas le même baiser que Judas. Mais, comme le larron, je te confesse : Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu entreras dans ton royaume».